Services publics + : la France n'assume toujours pas d'afficher le rapport qualité/prix
Le gouvernement veut faire de l’amélioration de la qualité des services publics une de ses priorités. Avec le site internet « services publics+ » les administrations communiquent sur leurs résultats : mais les administrations concernées sont encore peu nombreuses et les indicateurs limités. On retrouve essentiellement des indicateurs de satisfaction alors que des indicateurs de performance pourraient aussi être publiés, établissant un lien entre le coût et la qualité des services publics. Une étape supplémentaire à franchir serait de publier des indicateurs de résultats pour les collectivités locales, à l’image de ce que publie l’Italie avec le site Open Civitas.
« Services Publics + »
Lancé en 2021, le programme Services Publics+ vise l’amélioration de la qualité du service rendu aux usagers. Il est commun à l’ensemble des administrations publiques. L’objectif est d’offrir aux usagers « des services plus proches, plus simples, plus efficaces ». Cette démarche entend répondre aux attentes des usagers exprimés dans le baromètre de la Complexité – Particuliers (BVA,2022):
Amélioration des délais de traitement (35%)
Accès à un interlocuteur compétent et à une relation personnalisée (32%)
Rationalisation des démarches (25%)
Simplification de la communication et des formulaires (20%)
Amélioration des services en ligne (12%)
Une procédure de labellisation a été mise en place : un arrêté publié au Journal officiel le 1er septembre indique qu’un nouveau label "Services Publics +" est disponible dans certaines administrations publiques : services centraux et déconcentrés de l'Etat, établissements publics de l'Etat, établissements publics locaux d'enseignement, organismes de sécurité sociale, établissements publics de santé. Chaque structure accueillant du public met en œuvre le programme d'amélioration continue des services publics sur les points suivants :
Mise en œuvre des engagements communs à tous les services publics (voir encadré) en matière de qualité de service fixés par le comité interministériel de la transformation publique ;
Publication des résultats de qualité et de satisfaction des usagers ;
Dispositifs d'écoute de leurs usagers et prise en compte leurs retours ;
Démarche d'amélioration continue en s’engageant dans un processus de labellisation attestant d'un niveau de maîtrise des engagements
L’arrêté prévoit en outre la création d’un comité des services publics qui réunit les autorités centrales des structures participant à la démarche. Ce comité suit les résultats et partage les bonnes pratiques. De même il est créé une commission nationale du label « Services Publics + » chargée de mener la procédure d'habilitation des organismes de certification. On peut regretter que cette commission ne prévoie pas a priori de représentants des usagers, à part leur éventuelle participation au titre des personnalités qualifiées, mais va surtout rassembler des représentants des administrations publiques. La bonne nouvelle c’est que les collectivités aussi pourront s’inscrire dans une démarche de qualité et de labellisation de leurs services publics.
La transparence sur les résultats des services publics
La démarche qualité doit se traduire par l’affichage, de manière claire et lisible, des résultats. Les données proviennent de mesures internes, issues des systèmes informatiques et de gestion des services concernés et d’enquêtes menées auprès des usagers. Les indicateurs sont affichés sur la plateforme Services Publics + ainsi que dans les lieux d'accueil des services publics. Une promesse qu’il faudra bien entendu vérifier !
Les administrations qui publient leurs résultats sur Services Publics +
Un certain nombre de jeux de données sont déjà disponibles sur le site qu’il est possible de classer par région ou par ville, et par année. Selon l’administration concernée, le nombre d’indicateurs est plus ou moins important.
https://www.plus.transformation.gouv.fr/recherche-de-resultats
Exemple d’indicateurs de performance avec l’administration préfectorale et la CNAV
Voici deux exemples d’indicateurs de résultats issus du site : le premier concerne l’administration préfectorale, le second la CNAV (les calculs sur l’évolution en jours entre 2022 et 2023 ont été calculés par l’IFRAP)
Délai moyen de délivrance des CNI-passeport en jours
2e trim 2023 | 2e trim 2022 | Evol. 2022-2023 | |
Bretagne | 28 | 47 | -19 |
Normandie | 21 | 21 | 0 |
Hauts-de-France | 22 | 18 | +4 |
Grand Est | 27 | 27 | 0 |
Bourgogne-Franche-Comté | 28 | 31 | -3 |
Auvergne-Rhône-Alpes | 23 | 16 | +7 |
Provence-Alpes-Côte d'Azur | 37 | 36 | 1 |
Occitanie | 35 | 22 | +13 |
Nouvelle-Aquitaine | 27 | 31 | -4 |
Centre Val de Loire | 23 | 27 | -4 |
Pays de Loire | 32 | 43 | -11 |
Corse | 37 | 36 | 1 |
Délai moyen de traitement d'un dossier retraite en jours
2022 | 2021 | Evol. 2021-2022 | |
Carsat Bretagne | 108 | 67 | +41 |
Carsat Normandie | 122 | 72 | +50 |
Carsat Hauts-de-France | 107 | 67 | +40 |
Carsat Grand Est | 107 | 59 | +48 |
Carsat Bourgogne-Franche-Comté | 113 | 71 | +42 |
Carsat Auvergne-Rhône-Alpes* | 103-115 | 65-68 | +38-47 |
Carsat PACA | 113 | 65 | +48 |
Carsat Occitanie* | 89-107 | 58-66 | +31-41 |
Carsat Nelle-Aquitaine* | 82-86 | 55-64 | +22-27 |
Carsat Centre-Val de Loire | 94 | 70 | +24 |
Carsat Pays de la Loire | 120 | 83 | +37 |
min | 82 | 55 | +27 |
max | 132 | 83 | +49 |
mediane | 107 | 66 | +41 |
* : les régions marquées d’un * ont deux Carsat
Il n’existe pas de possibilité de comparer les résultats entre régions ou entre villes ce qui ne permet pas forcément de se faire une idée claire de la performance comparée du service public. Mais les données sont facilement accessibles et accompagnées d’une valeur min, max et médiane. On peut espérer que des associations de contribuables ou d’usagers, des journalistes ou même des corps d’inspection ou de contrôle mettront à profit ces données pour établir des benchmark, informer le public et ainsi faire progresser la qualité de service. Bien entendu, il faut espérer que le nombre de jeux de données augmente dans les prochaines années et que l’information soit complétée vers des liens vers les rapports d’activité des administrations pour que l’on puisse avoir accès à plus d’information sur la gestion.
A quoi pourrait ressembler des indicateurs de satisfaction et de performance pour les collectivités ?
La bonne nouvelle c’est que les collectivités locales pourront participer à la démarche de labellisation. Dans cette perspective, il est intéressant de définir ce que pourraient être les jeux de données à publier. Ces jeux de données doivent répondre à la mesure de la performance d’au moins 4 points de vue :
Du point de vue du contribuable
Du point de vue de l’usager
Du point de vue du gestionnaire et / ou de l’élu
Du point de vue du personnel de la collectivité
Dimensions couvertes par les indicateurs de performance | |
Dimension budgétaire et financière | Moyens financiers engagés, coûts, financement, etc. |
Dimension liée à la quantité d’offre de services publics | Volume d’activité |
Dimension liée à la qualité perçue de l’offre de services publics | Enquêtes de satisfaction |
Dimension liée au mode de fonctionnement de l’organisation | Qualité produite, délais de réponse aux demandes, degré de formalisation des procédures, etc. |
Dimension liée au capital humain | Satisfaction des agents, absentéisme, turn-over, niveau d’activité, etc. |
Du point de vue du contribuable, comme du gestionnaire, la performance peut se mesurer à travers des indicateurs financiers. Ces indicateurs sont déjà disponibles sur le site de la DGCL. On trouve ainsi les principaux ratios financiers : dépenses de personnel, dépenses de fonctionnement, taux d’endettement, niveau d’investissement, etc. Même si l’analyse n’est pas toujours très simple notamment en raison des nombreux budgets annexes qui peuvent entachés la transparence des comptes, ce niveau d’informations est assez complet.
Exemple avec la fiche financière détaillée de la ville de Dijon sur le site de la DGCL.
Du point de vue du gestionnaire comme du personnel de la collectivité, la performance peut se mesurer aussi à travers la politique RH. C’est pourquoi la publication des informations du RSU, rapport social unique, qui remplace le bilan social est une information capitale. A travers le taux d’absentéisme, mais aussi le niveau d’activité (heures supplémentaires), ou le turn over, il est possible de juger de la performance RH.
A noter que la publication des RSU est une obligation comme le prévoit le décret 2020-1493 relatif au RSU dans la fonction publique qui précise que dans un délai de 60 jours au plus tard après la présentation du rapport au comité social, le RSU doit être rendu public par l’autorité compétente sur son site internet ou par tout autre moyen permettant d’en assurer la diffusion. Des collectivités mettent déjà leur RSU en ligne mais l’expérience de la Fondation IFRAP montre que c’est loin d’être la majorité, faute sans doute de sanction en cas de non-publication. Une version synthétique du RSU a été mis au point par les centres de gestion qui recueillent les informations RH des collectivités à travers une base de données sociales. Cette version constituerait une bonne manière de diffuser l’information et intéresserait aussi les usagers.
Exemple de rapport social unique disponible en ligne sur le site du département de la Meuse :
https://www.meuse.fr/le-departement/vous-represente/publications-legales/rapport-social-unique-2021-27910
Si l’information sur la quantité de services publics produite est disponible, en tout cas auprès des administrations, elle est peu partagée. Mais c’est surtout du point de vue du mode de fonctionnement des services locaux et de l’efficacité de la dépense publique locale, qu’il existe très peu d’éléments disponibles harmonisés qui permettent de mesurer l’efficacité de la dépense. Même les rapports d’observations des chambres régionales des comptes qui abordent cette question y consacrent beaucoup moins d’analyse qu’aux risques financiers, et pour cause, puisque cela est plus conforme à leur mission. Cet indicateur concerne pourtant tous les acteurs : contribuable, usager, gestionnaire, élu, personnel.
L’exemple d’OpenCivitas
Il existe un exemple intéressant à suivre avec le portail web OpenCivitas lancé en 2009 sur les dépenses des gouvernements locaux italiens. L’administration italienne présente l’initiative comme un moyen de mesurer l’efficacité et l’efficience de l’action publique. Pour les citoyens, ils ont la possibilité de comparer les dépenses et les services offerts par chaque collectivité locale. Pour les autorités locales, il s’agit d’un support opérationnel pour définir l’utilisation des ressources. Les données disponibles concernent plus de 6 600 municipalités, 73 provinces, 10 districts métropolitains. Ce portail permet de comparer deux ou plusieurs collectivités locales et d’étalonner les niveaux de dépenses et les services fournis. Ce service permet aussi de comprendre les facteurs socio-économiques qui affectent les besoins de dépenses globales.
Le calcul des besoins financiers découlant des besoins standards est effectué par rapport aux fonctions fondamentales des communes et des provinces, qui sont expressément identifiées (fonctions d'administration générale, police locale, voirie, enseignement public). Les objectifs de service liés aux niveaux essentiels des services à fournir sont établis de la façon suivante :
identification de modèles organisationnels et de niveaux quantitatifs de performance, déterminés sur la base d'un système d'indicateurs pour chaque fonction fondamentale;
analyse des coûts visant à identifier les plus significatifs et à déterminer des fourchettes normales ;
estimation des besoins à travers l'expérimentation de diverses techniques statistiques ;
définition d'un système d'indicateurs pour évaluer l'adéquation des services et permettre aux autorités locales de les améliorer.
Le nouveau système de répartition des ressources vers les autorités locales doit être basé sur l'identification des besoins standards nécessaires pour garantir sur l'ensemble du territoire national le financement intégral des niveaux essentiels de services concernant les droits civils et sociaux et les fonctions fondamentales des collectivités locales. Les besoins standards constituent les nouveaux paramètres pour ancrer le financement des dépenses fondamentales des communes, des villes métropolitaines et des provinces, afin d'assurer un dépassement progressif et définitif du critère de dépenses historiques. Par conséquent, l’exigence standard apparaît comme constituant le niveau optimal d'une prestation évaluée aux coûts standards. Il est également envisagé que les autorités locales vertueuses puissent bénéficier de leur propre efficacité, et, en cas d’écart positif, éventuellement réalisé au cours de chaque exercice, entre les normes et les dépenses réelles de la collectivité locale sont acquises sur le budget de la même collectivité.
Qu'en conclure ? Que la France serait inspirée de copier le modèle italien. Même s’il s’agit d’un travail de longue haleine, puisqu’il faut tout d’abord identifier les fonctions fondamentales des collectivités locales (communes, EPCI, départements, régions). Il faut ensuite parvenir à déterminer un coût standard, y compris en tenant compte de particularismes locaux (forte population touristique, zone rurale, etc.) qui permettront de faire converger les dépenses des collectivités vers un meilleur niveau d’efficience. A partir de ces données et de celles sur la qualité des services publics, les contribuables, usagers, élus et gestionnaires pourront alors répondre à la question « quelle qualité pour ce qui est dépensé ? »
LES ENGAGEMENTS DES SERVICES PUBLICS Dans le respect mutuel, vous êtes accueillis avec bienveillance et avez le droit à l’erreur * L’expérience vécue par l’usager dans son rapport avec les services publics se nourrit de son ressenti et de la qualité de la relation qu’il a eue avec l’administration et ses agents. La relation à l’usager est avant tout une relation humaine.
Les usagers et les agents adoptent, de manière réciproque et dans le respect mutuel, une attitude courtoise et bienveillante. Les agents s’identifient par leur nom et par leur service, quel que soit le mode d’interaction choisi par l’usager. Cependant, dans les conditions prévues par la loi, l’anonymat de l’agent est respecté lorsque la sécurité publique ou des personnes le justifie. Les locaux accueillant du public :
En cas d’erreur, l’usager est présumé de bonne foi Il s’agit pour l’administration de passer d’une posture de contrôle a priori à une posture de confiance a priori, conformément à l’esprit de la loi ESSOC. Les agents accordent le droit à l’erreur à l’usager qui s’est trompé en réalisant une démarche administrative, y compris dans le cadre des activités de contrôle et de recouvrement. L’usager doit pouvoir mettre à jour sa situation lorsque l’erreur est commise de bonne foi, sans risquer une sanction dès le premier oubli. Le droit à l’erreur s’applique à toutes les démarches administratives, sauf exceptions prévues par la loi ESSOC. L’agent informe l’usager de son droit et de son obligation de signaler à l’administration si ses informations sont inexactes, afin de régulariser l’erreur commise. L’administration doit permettre à l’usager de modifier ses informations. Les services publics expliquent clairement et simplement à l’usager comment réaliser ses démarches, en promouvant des conseils pratiques à suivre pour lui éviter de commettre les erreurs les plus fréquemment commises. Ces conseils sont accessibles sur la plateforme Services Publics + et sur les sites internet des administrations. Ils sont mis à jour dès que les règles changent pour l’usager. Les services publics identifient les erreurs les plus fréquentes et développent des actions permettant de les éviter et de les résoudre simplement. |