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« Sentinelle » : des limites juridiques qui empêchent un meilleur soutien local

A Marseille (gare de Saint-Charles), le 1er octobre 2017 un militaire réserviste appartenant à un régiment de la Légion étrangère en mission « Sentinelle » a neutralisé avec son arme automatique un assaillant qui a tué précédemment avec une arme blanche 2 jeunes femmes. Alors que le parquet antiterroriste a été saisi avec le parquet de Marseille pour déterminer la nature de cet acte : terroriste ou non, le ministre de l'intérieur, Monsieur Gérard Collomb, a déclaré sur place : "À partir du moment où le parquet antiterroriste a été saisi, c'est qu'il y a cette possibilité, mais aujourd'hui nous ne pouvons l'affirmer de façon assurée". 

C'est bien là, la question concernant l'engagement des militaires dans l'opération « Sentinelle » depuis janvier 2015 dans des interventions contre des agressions de nature non terroriste. En effet, sous réserve des résultats de l'enquête judiciaire sur la nature de l'acte, l'assaillant qui aurait proféré des propos de nature « djihadiste », présenterait des signes de fragilité psychiques et sociales.

Depuis le déclenchement de cette opération, les militaires des forces armées ont été amenés à intervenir avec leurs armes à l'occasion d'actes qui notamment les ciblaient directement : à ce titre, il convient de se référer à la note précédente, Sentinelle : bilan et perspectives pour les années à venir, qui met en évidence que les militaires ont été confrontés à des attaques directes de nature non terroriste qui sont en plus grand nombre par rapport à celles de nature terroriste.

En outre, les militaires de l'opération « Sentinelle » ont été amenés à intervenir lors d'incidents qui ne les touchaient pas directement mais dans un objectif de protection de la population dont quelques exemples sont les suivants1  pour la seule année 2017 :

  • le 4 janvier, à Bondy (rue de la gare) : vers 15h30 : interpellation de l’auteur d’un coup de couteau sur une victime civile ;

  • le 23 janvier, à Rouen : interpellation d'un groupe de jeunes suspectés d'avoir frappé et agressé un jeune touriste américain à la gare, au motif d'une cigarette refusée ;

  • dans la nuit du 4 au 5 juillet, à Montpellier : interpellation d'un individu sans domicile fixe suspecté d'avoir poignardé un autre individu sans-abri ;

  • le 12 juillet, à Maubeuge : participation aux côtés des policiers à l'interpellation d'un jeune homme armé d’un pistolet airsoft ;

  • le 29 juillet, vers 19h, à Louvroil : interpellation dans la galerie marchande de l'hypermarché Auchan d'un individu qui menaçait avec un couteau une caissière avant de s’enfuir.

Ces quelques éléments collectés parmi tant d'autres mettent en évidence un engagement des forces armées dans un domaine de sécurité face à des faits qui relève du domaine pénal et donc de la compétence des forces de sécurité nationale et municipale. A ce titre, il convient de mettre en évidence le très faible niveau d'engagement des communes où se sont déroulés les faits cités supra dans le domaine de la sécurité, avec des taux de couverture de policiers municipaux et d'agents de sécurité publique par rapport à la population, qui oscillent entre 0 et 0,06%.

II y a lieu de s'interroger après 3 années du déclenchement de l'opération « Sentinelle » sur le cadre judiciaire et pénal des interventions des militaires qui ne concernent pas des attaques de nature terroriste et qui se sont déroulées dans des lieux publics (ex : gare) et privés (ex : hypermarché). Face à ces constats, il semble urgent de soutenir de plus en plus largement le travail des forces armées par les établissement publics et des établissements privés, en propre ou en délégué (transports en commun aériens, terrestres de surface ou enterrés et maritimes), soit en mode régie2, soit par délégation de service public (privatisés).

Comme l'a souligné Thibault de Montbrial, avocat et directeur du CRIS (Centre de réflexion sur la sécurité intérieure) devant l'Association des maires de l'Île de France (AMIF), il y a lieu de faire évoluer la doctrine d'emploi des policiers municipaux en les transformant en "équipages de primo-intervenants", ce qui implique, selon lui, notamment, de définir leurs conditions juridiques et matérielles d’exécution de leurs missions (riposte et légitime défense en particulier en cas de "période de danger absolu", équipement en armes idoines...). En parallèle, après 3 années d'intervention dans le cadre de l'opération « Sentinelle », il est plus que temps de s'interroger sur la cadre judiciaire et pénal des interventions des militaires qui relèvent des forces de sécurité intérieure nationale avec l'appui des éléments de sécurité municipale. Pour l'instant, le projet de loi antiterroriste est une occasion manquée en la matière.


1Collectés dans les media nationaux, régionaux et locaux.

2Exemples : Groupe de protection et de sécurisation des réseaux (GPSR) de la RATP et la Surveillance générale (SUGE) de la SNCF.