Quelle réforme pour les logements de fonction des ministres ?
Par sa lettre en date du 28 juin 2010 envoyée au Premier Ministre, le Président de la République a souhaité que soient prises au plus vite des dispositions s'agissant de l'encadrement et de l'affectation des logements de fonction attribués aux membres du gouvernement.
« Concernant les membres du Gouvernement, il a été décidé l'assujettissement à l'impôt sur le revenu et à la taxe d'habitation de l'usage de leurs logements de fonction. Je souhaite de surcroît que désormais l'Etat ne prenne plus en charge à leur profit la location de logements dans le parc privé. »
Les termes sont clairs : resserrer encore les critères d'attribution des logements de fonction qui avaient déjà été précisés à la demande de Jean-Pierre Raffarin au travers de la circulaire n°5 078/SG du 30 juin 2005 à la suite de « l'affaire Gaymard [1] », mais aussi mettre en conformité la situation des ministres avec le droit commun en considérant que l'attribution de logements de fonction constituait des « avantages en nature », susceptibles en conséquence de se voir déclarés à l'IR et assujettis aux impôts locaux (taxe d'habitation).
Actuellement, ainsi qu'il a été précisé dans la circulaire 5 078/GS du 30 juin 2005, les membres du Gouvernement entrant en fonction se voient proposer, quant à l'attribution de leurs logements de fonction, le système suivant :
Si le ministre est de plein exercice, il dispose de droit d'un logement de fonction domanial mis à sa disposition par le ministère. S'il possède déjà un appartement dans le parc privé parisien, il peut néanmoins choisir de le refuser.
Si le ministre a rang de ministre délégué (ou de secrétaire d'Etat) celui-ci doit résider par priorité dans l'appartement privé qu'il détient dans la capitale (et ses trois départements limitrophes). Si ce n'est pas le cas, il peut obtenir un logement de fonction dans le parc domanial public en fonction des locaux disponibles non encore attribués au sein du « patrimoine » relevant de son propre ministère puis dans le parc disponible des autres ministères. Cette hypothèse peut d'ailleurs déboucher sur la situation où un secrétaire d'Etat bénéficie d'un logement « surclassé », dans le cas où ce logement aurait été refusé par le ministre de tutelle [2].
Enfin dernière hypothèse, s'il n'y a plus de logement de fonction domanial disponible (en considérant la taille du foyer familial) et si le ministre ne dispose pas de logement à proximité de la capitale (voir supra), un logement de fonction peut être attribué au ministre, loué sur fonds publics (France domaine). Les règles surfaciques sont très claires : 80 m² + 20 m²/enfant ou ascendant à charge. Si la surface dépasse la surface « réglementairement louée sur fonds publics », l'excédent est à la charge du ministre lui-même.
Les directives présidentielles vont donc substantiellement modifier la pratique actuelle. En effet, désormais, il existera une différence fondamentale entre :
D'une part, les ministres disposant de logements de fonction de droit ou sur option (après une demande au SGG) dans le domaine public c'est-à-dire dans ou à proximité (la plupart du temps) de leur ministère. Ces derniers ne paieront pas de redevance domaniale pour leur appartement ministériel, mais seront soumis au droit commun du point de vue des impôts nationaux et territoriaux (IR sur les avantages en nature et TH).
D'autre part, les autres ministres se logeant dans le parc privé. Ces derniers devront payer sur leurs traitements la location de leur logement et seront soumis à la seule fiscalité territoriale [3].
Dans un souci d'égalité et de transparence, il faudrait sans doute aller plus loin. Dans ce cas, une division devrait plutôt être établie entre :
les ministres d'Etat aux compétences régaliennes : le Premier ministre, le Garde des Sceaux (d'ailleurs fort mal logé à la chancellerie avec un petit 70 m²), le ministre de la Défense, le ministre des Affaires étrangères et le ministre de l'Intérieur. Ils pourraient disposer de leur logement de fonction à raison de leurs attributions, gratuitement comme auparavant.
Et les autres ministres et secrétaires d'Etat pour lesquels il serait normal qu'ils s'acquittent tous sur leur traitement de la location de leur logement de fonction, qu'il s'agisse d'une redevance domaniale (si le logement est dans le domaine public) ou d'un loyer classique (dans le parc privé). Il faudrait dans cette hypothèse, que les redevances domaniales soient équivalentes en valeur aux loyers consentis dans l'immobilier privé résidentiel pour des surfaces comparables afin de respecter un principe d'égalité des charges entre les occupants ministériels locataires de même rang protocolaire.
Ministres possédant un logement de fonction domanial (13) | Ministres disposant d'un logement de fonction dans le parc locatif privé aux frais de l'Etat (6) | Ministres se logeant dans leur propre appartement privé (20) |
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Ministre de la Justice, Ministre de la Santé, Ministre du Budget, Ministre de l'identité nationale, Ministre de l'Education nationale, Ministre de la Jeunesse, Ministre de la Relance, Secrétaire d'Etat à la Défense et aux anciens combattants, Ministre de l'Intérieur, Ministre de l'Economie et des finances, Ministre de l'Espace rural et de l'Aménagement du territoire, Ministre du Travail, Ministre de l'Industrie | Secrétaire d'Etat chargée des Aînés, Secrétaire d'Etat à la Justice, Secrétaire d'Etat à l'Economie numérique, Secrétaire d'Etat à la Coopération et à la Francophonie, Secrétaire d'Etat en charge des technologies vertes, Secrétaire d'Etat chargé de la Famille et de la Solidarité | Secrétaire d'Etat chargée de la politique de la Ville, secrétaire d'Etat au Logement, Secrétaire d'Etat chargé du Développement de la région capitale, Ministre de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement durable et de la Mer, Secrétaire d'Etat chargé des Transports, Secrétaire d'Etat au Commerce extérieur, Secrétaire d'Etat chargé de l'Ecologie, Ministre des Affaires étrangères, Secrétaire d'Etat chargé des Affaires européennes, Ministre de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Pêche, Secrétaire d'Etat à l'Intérieur et aux collectivités locales, Ministre de la Culture, Ministre de la Défense, Secrétaire d'Etat au Commerce et aux PME, Ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Ministre de l'Outre-mer, Ministre chargé des relations avec le Parlement, Secrétaire d'Etat chargé de la Fonction publique, Secrétaire d'Etat à l'Emploi, secrétaire d'Etat aux Sports |
[1] Réformant la réglementation alors en vigueur issue de la circulaire du 10 mai 2002 relative aux conditions de logements de fonction des membres du gouvernement. Voir communiqués des 16 et 24 février 2005.
[2] Dans l'hypothèse où aucun ministre du département ministériel considéré ne voudrait bénéficier du logement de fonction ministériel proposé, il serait reversé, par le Secrétariat Général du Gouvernement en charge des placements domaniaux des ministres, au bénéfice des ministres des autres départements ministériels.
[3] Puisqu'il n'y aura plus d'avantage en nature constitué par l'appartement de fonction en cause.