Prisons : Emmanuel Macron avait promis 15 000 nouvelles places, il n'y en aura que 7 000
Tous les mercredis, avant le Conseil des ministres, Le Macronomètre, l'observatoire des réformes du gouvernement lancé par la Fondation iFRAP, attribue une note aux réformes d'Emmanuel Macron. La note de la semaine du Macronomètre est présentée dans le Figaro. Cette semaine : 4/10 sur la promesse de construire de nouvelles places de prison.
Plus de 70.000 détenus en juin 2018 pour 58.670 places opérationnelles… Un taux de suroccupation global moyen qui frôle les 120%. Les matelas au sol seraient 1.687 contre 1.400 en octobre 2017. Le programme de construction de 24.000 places de prison voté sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy a été supprimé avec l'alternance. La surchauffe amène les pouvoirs publics à gérer l'urgence et à définir la politique pénale qui en découle : demandes aux procureurs de retarder, voire d'éviter l'exécution des peines de prison ferme.
La prison de Nîmes est, par exemple, la plus surpeuplée de France avec un taux d'occupation de 220%. Des détenus y poursuivent même l'État en justice pour mise en danger de la vie d'autrui… La nouvelle prison d'Aix qui vient d'ouvrir dispose déjà pour la moitié de ses cellules de lits superposés ! Et elle n'est pas la seule. Le nombre de personnes incarcérées en attente de jugement (20.939) représente déjà près de 30% de la population carcérale.
90.000 peines de prison en attente d'exécution en novembre
En maison d'arrêt, où sont incarcérées les personnes détenues pour de courtes peines ou en attente de jugement, la densité carcérale est de 141%, une des pires moyennes d'Europe. Au 1er novembre dernier on comptait déjà 90.000 peines de prison en attente d'exécution, faute de places. La création de 15.000 places de prison est la condition indispensable pour que les peines de prison prononcées soient effectivement exécutées.
C'est d'ailleurs peu ou prou ce à quoi s'était engagé le président de la République dans la campagne : « Nous construirons 15.000 places de prison supplémentaires sur le quinquennat, soit environ un quart de plus qu'aujourd'hui. » Mais, revirement, la chancellerie a annoncé en novembre dernier que la construction de ces 15.000 places se ferait, non plus « sur le quinquennat », mais sur deux quinquennats. Soit à l'horizon 2027…
L'explication est la suivante : « le précédent gouvernement avait lancé en octobre 2016 un programme immobilier qui devait courir sur deux quinquennats, jusqu'en 2027. Mais aucune opération n'a été lancée et les plus avancées en sont aujourd'hui au stade de l'identification du foncier. »
On espère maintenant 7.000 nouvelles places de prison d'ici 2022. C'est insuffisant. En 2018, seuls 299,7 millions d'euros sont prévus pour la construction de nouvelles prisons - il faudrait deux à trois fois plus. 82,8 millions d'euros pour les rénovations alors qu'il faudrait 120 à 130 millions d'euros. Le sous-dimensionnement des budgets « pénitentiaires » est criant alors que le flux des entrants dans le milieu carcéral ne faiblit pas… au contraire.
Le plus incompréhensible est la baisse des crédits liés au port du bracelet électronique. Certes, en cas de radicalisation, ce moyen s'est révélé cruellement inefficace, mais pour les petits délits de droit commun ? Les crédits ont baissé de 27,2% passant de 15,4 à 11,2 millions d'euros ! Les moyens alloués aux flux sortants (réinsertion, probation, etc.) restent sous-dimensionnés et sont aussi en baisse: 24,9 millions d'euros pour les premiers.
Seul point positif : le développement rapide du renseignement pénitentiaire. Et il y a urgence à cause du choc des détenus radicalisés en fin d'incarcération. Après 9 mois d'existence, le bureau central du renseignement pénitentiaire est déjà fort de 335 agents (400 en 2020). Il deviendra à compter de janvier 2019 un service à compétence nationale rattaché au directeur de l'administration pénitentiaire.
Vers une Europe des prisons ?
Plus globalement, la France ne consacre que 64 euros par habitant à sa justice, l'Italie 73, l'Espagne 88, le Royaume-Uni 92 et les Pays-Bas 122. Avec un budget de moins de 9 milliards d'euros par an, la chancellerie française est le parent pauvre de l'Europe. Ceci explique donc cela… pourtant ailleurs en Europe, il y a des surcapacités carcérales : en Allemagne, en Hollande et en Espagne. Aujourd'hui les Pays-Bas ferment des prisons et louent des places de prisons à la Norvège et à la Belgique. Pourquoi ne pas faire de même sur la base du volontariat en mutualisant les capacités pénitentiaires européennes ?
L'ancien ministre de la justice, Jean-Jacques Urvoas avait prévenu dans un rapport sur l'encellulement individuel : « La durée entre l'annonce du lancement d'un programme immobilier et la livraison du dernier établissement pénitentiaire est, en moyenne, d'une décennie. (…) Aucun Gouvernement n'a donc pu inaugurer un programme immobilier d'envergure qu'il avait lui-même arrêté et aucun ne pourra jamais le faire. »
Est-ce une raison pour repousser les investissements et ne pas construire les places qui sont déjà pourvues en détenus ? Les 7.000 places ne sont pas suffisantes. Espérons qu'elles ne deviendront pas 3.000…