Notre-Dame-des-Landes, Exposition Universelle, de bons arbitrages, bon débarras surtout !
Que pensez-vous de la décision de Notre-Dame-des-Landes ? De celle de l’Exposition Universelle ?, etc. C’est comme cela que l’on fabrique des sondages qui n’ont d’autre intérêt que d’additionner les appréciations individuelles des citoyens sur chaque sujet pris isolément. Mais si pour une fois on essayait de juger de l’action d’un gouvernement en fonction de l’ensemble des défis qui se posent à lui, et des arbitrages qu’il doit trancher en tenant compte de tous les paramètres de décision ? Et en particulier de la responsabilité d’un gouvernement contraint de tenir la bride aux dépenses publiques ? Et quelle que soit la valeur des décisions – et nous les estimons justifiées –, bon débarras !
NDDL et l’Exposition Universelle sont deux sujets de nature microéconomique. Vu du haut des préoccupations à long terme de l’Etat, ils sont mineurs, même si vu des citoyens ils prennent une importance symbolique hypertrophiée. Car on y voit mise en cause l’autorité de l’Etat pour l’un et sa continuité pour l’autre. Ils nécessitent cependant une décision binaire qui tranche, et dont le Premier ministre a eu raison de dire qu’elle allait, quelle qu’elle fût, mécontenter grosso modo la moitié de la population. Eh bien merci à l’Etat de prendre ces décisions et de nous en avoir débarrassés ! Plus Alexandre que Jupiter, son chef a tranché les nœuds gordiens et c’est très bien.
Pour l’aéroport de Nantes, essayons d’aller à l’essentiel. Il est normal de penser que la décision d’abandon favorise l’apaisement sociétal, mais il est aussi possible que l’avenir de la ZAD recèle des difficultés plus grandes encore que si sa destination avait été la construction de l’aéroport. Il est par ailleurs possible que la reculade ait des effets défavorables sur d’autres projets contestés, mais cela n’est pas sûr… Inutile de gloser là-dessus, nous verrons bien. Posons-nous plutôt la question essentielle : ce nouvel aéroport était-il nécessaire, à partir du moment où la renonciation à en faire un hub international, pour se contenter d’une base pour des vols point à point, était acquise ? Reconnaissons qu’il est hasardeux pour le citoyen de base de se prononcer. La question à laquelle on n’a pas clairement la réponse, et le gouvernement peut-être non plus, est de savoir si, même après avoir fait les travaux d’agrandissement de la piste d’atterrissage, l’aéroport actuel ne va pas se révéler insuffisant à relativement brève échéance – 10-15 ans. On vient de voir que le trafic de Nantes-Atlantique a bondi de 15% sur une année, avec 5,5 millions de passagers. L’aérogare a connu 151 jours de tension en 2017, contre 6 en 2011. Mais qui sait ? Les rapporteurs ont évoqué le chiffre de 9 millions de passagers en 2040. L’échéance est acceptable, mais quid s’ils se sont trompés ? Pour le moment, suivons comme le gouvernement ce que nous ont dit les rapporteurs.
Pour l’Exposition Universelle, cas tout à fait différent, une considération s’impose. Il ne s’agit pas ici d’une mission de l’Etat, au moins prioritaire, encore moins régalienne. C’est d’ailleurs ainsi que le projet a été conçu d’emblée : il ne doit rien coûter à l’Etat. Or le Premier ministre constate que selon toute vraisemblance, ce ne sera pas le cas. Les hypothèses de recettes paraissent très optimistes, et l’Etat devrait s’impliquer lourdement : le projet suppose la cession de terrains publics, et surtout, le secteur privé ne paraît pas vouloir s’impliquer clairement (le budget est au minimum de 3,5 milliards), l’Etat devant donner sa garantie aux emprunts. Il est possible aussi que la décision du Premier ministre cache la difficulté de livrer en temps voulu la ligne 18 du métro express, partie de l’ensemble quasi pharaonique du Grand Paris express, dont le coût avoisinerait 35 milliards selon la Cour des comptes. Il n'est pas ici question de crtiquer le caractère stratégique du Grand Paris Express, essentiel pour les communications à l'intérieur de l'Ile de France (voir encadré ci-dessous), et en ce qui conerne la ligne 18, pour relier Saclay à Paris, mais de prendre en considération que les travaux ne pouvaient pas être exécutés dans le temps voulu pour l'Exposition Universelle, en tenant compte que d'autres tronçons sont prioritaires car ils doivent être prêts un an avant pour les JO de 2024. Quoi qu’il en soit, la décision est bien celle d’un gouvernement responsable, même si on comprend la désillusion des promoteurs du projet. Décision qui avait d’ailleurs été dûment annoncée en septembre 2017 par le Premier ministre qui réclamait la preuve de l’autofinancement du projet, preuve qui n’a pas pu être accordée. Dès lors le projet apparaissait comme une manifestation de prestige – d’orgueil – dont on pouvait bien se passer au nom d’un intérêt supérieur.
D’aucuns regrettent que l’on ait préféré les JO 2024 à l’Exposition Universelle 2025. Un ancien ministre philosophe, Luc Ferry, y a vu, dans une référence à la Rome antique, la soumission au goût populaire pour les « circenses ». Il n’a pas tort, mais la remarque n’est pas pertinente. Quand le nouveau gouvernement arrive, et quelles que soient ses inquiétudes sur le coût final, il est bien trop tard pour reculer sur la candidature aux JO. D’autant qu’il s’agit d’une ancienne vexation à effacer, après l’échec connu devant Londres aux JO précédents. Impossible de faire demi-tour pour un gouvernement responsable.
Deux conclusions s’imposent. En premier lieu, nous avons des décisions, et merci au gouvernement d’aller de l’avant et d’avoir décidé, après des années, des dizaines d’années plutôt, d’infinies hésitations et d’assez ridicules escarmouches judiciaires.
En second lieu, il est bien que l’Etat ait pris deux décisions qui sont de nature à réduire les dépenses publiques. On l’attend sur ce sujet essentiel. Mais là il n’est pas au bout de ses peines. Et déjà, pour ne prendre que cet exemple, surgit une occasion imprévue mais forcée d’utiliser les quelques milliards gagnés ici, occasion qui met cette fois en jeu une mission régalienne essentielle de l’Etat : le redressement de l’état lamentable du pénitentiaire français.
Le Grand Paris Express, un chantier pharaonique menacé. C’est un ensemble de lignes entourant Paris avec deux prolongations, l’une vers le Nord-Est (aéroport de Roissy), l’autre vers le Sud-Ouest (la ligne 18, qui devait desservir le site de l’Exposition Universelle). Un réseau de 200 kilomètres (presque autant que le métro parisien) avec 68 gares. Un coût que la Société du Grand Paris, responsable du projet, estime maintenant à 35 milliards (38,5 en comprenant les contributions aux autres projets), après les avoir estimés 9,5 milliards de moins en mars 2017. De quoi affoler les pouvoirs publics à la suite de la Cour des comptes, qui vient d’avertir que le financement à cette hauteur n’était pas assuré, avec la conséquence probable qu’il faudra étaler la réalisation dans le temps. Le Premier ministre, qui va reprendre le projet en main, assure qu’il n’est pas question de renoncer au projet, effectivement stratégique pour l’aménagement du territoire et des transports dans la région parisienne, mais s’inquiète évidemment des dérapages financiers. Bercy de son côté, manifeste son mécontentement, relevant que le projet est susceptible de remettre en cause nos engagements financiers à l’égard de l’Europe. |