Mayotte : les chiffres clés d'une situation explosive
La situation de Mayotte est explosive. L’île subit tout à la fois une crise migratoire sans précédent, une pénurie d’eau, des problèmes de sécurité très graves, mais aussi une démographie endogène galopante, autant de problèmes structurels qui rendent son économie anémique. Aussi, les pouvoirs publics multiplient les annonces et les opérations atypiques (opération Wambushu visant à faciliter l’expulsion des immigrants illégaux installés dans des bidonvilles), proposition de suspension du droit du sol sur le territoire mahorais contre une déterritorialisation des visas etc. Il faut dire que la situation est explosive :
- Début décembre 2023, 22 000 personnes avaient été expulsées de Mayotte vers les Comores contre 25 380 personnes en 2022, soit un repli de près de -13,3%.
- La population étrangère pourrait atteindre 55,8% de la population de Mayotte et ce, dès 2024.
- La violence augmente et est majoritairement le fait de mineurs : 81% des vols avec violence sans arme, 57% des vols avec armes, 72% des cambriolages mais aussi, significativement , 48% des violences sexuelles, 34% des viols, 27% des homicides et tentatives d’homicides.
- Le chômage représente 34% de la population active et 77% de la population est sous le seuil de pauvreté national. Cela pour un niveau de vie moyen à 261 euros par mois.
- Enfin, à Mayotte le secteur public représente 54,7% de la valeur ajoutée et les fonds publics pèsent pour plus de 3 milliards d’euros, soit une dépense de 10 000 euros par habitant !
Il est donc urgent d’agir et de prendre des mesures systémiques au bénéfice des mahorais, premières victimes de cette situation hors norme et explosive.
Une économie dépendante à près de 54,7% de la valeur ajoutée publique
Le 101ème département français se distingue par une économie productive particulièrement faible comparativement à la valeur ajoutée publique qui y est « injectée ». En 2021 le PIB mahorais s’élevait à 2,932 milliards d’euros, soit une hausse de 6,7% en volume (+8,1% en valeur) en lien avec le rebond économique lié à la crise sanitaire qui a finalement beaucoup moins touché l’île que la métropole (+1,3% de croissance en volume en 2020). Elle présente cependant le PIB régional le plus petit derrière celui de la Guyane (4,58 milliards d’euros en 2021) et seulement 14% de celui de La Réunion (20,34 milliards d’euros en 2021).
Le territoire mahorais produit également une valeur ajoutée majoritairement constituée par les services publics, à 54,7%, soit 1,59 milliards de VA publique (norme COFOG secteurs OQ) en 2021 sur 2,9 milliards d’euros de VA totale. Une évolution qui se renforce progressivement par paliers depuis 2003, soit près de +14,1 points en 18 ans, soit une croissance moyenne de la VA publique dans la VA totale de +0,8 point par an.
Si l’on effectue une comparaison par rapport aux autres DOM et à la moyenne nationale, cette répartition de la VA est hors norme :
Les données régionales de l’INSEE montrent qu’en 2021 alors que la moyenne de la VA publique dans la VA totale était de 22,8% au niveau national, celle des DOM ressortait à 39,2%, soit en-dessous du niveau atteint par le territoire mahorais de 2003, tandis que celui de Mayotte s’établit à 54,7%. Il en résulte que la VA privée mahoraise représente 5% de la VA privée de l’ensemble des DOM, tandis que la VA publique en représente 9%.
Le retraitement par la méthode dite de la différence des différences permet de déterminer la « surcroissance » de la VA publique par rapport à la dynamique d’ensemble de l’économie mahoraise au sein de l’économie nationale, soit 14 points en 2021.
Une démographie galopante et préoccupante à horizon 2050
Comme le souligne à juste titre le rapport inter-inspections de janvier 2022 sur Mayotte[1], « les données de l’INSEE postérieures à 2017 sont réalisées à partir d’estimations des soldes naturels et migratoires » dans l’atteinte d’une nouvelle photographie intégrale de la population mahoraise qui devrait intervenir avant fin 2025[2]. Néanmoins, les résultats obtenus entre projections et estimations sont très préoccupants :
Avec un maintien des flux migratoires observés entre 2012 et 2017 Mayotte compterait près de 760.000 habitants à horizon 2050. Un scénario maximaliste (excédent migratoire) qui est toutefois vérifié pour les années 2018-2024 selon les dernières estimations disponibles de l’INSEE et de l’INED[3].
Entre 2014 et 2024, la population mahoraise devrait passer de 223.713 individus à près de 320.901, soit une augmentation de 43% en 10 ans, soit +97.188 personnes. Si la tendance actuelle se poursuit, en 2034 la population mahoraise pourrait avoir atteint les 453.000 individus soit +41 % par rapport à 2024, et une croissance de près +132.000 personnes. La population aura alors tout simplement doublé en 20 ans.
Cette population est en particulier extrêmement jeune puisqu’en 2024 53,8% des individus présents à Mayotte avaient moins de 20 ans. Cela pose des questions spécifiques d’éducation alors que l’on relève l’augmentation inquiétante des MNA (mineurs non accompagnés) laissés en déshérence dans l’île, soit près de 15.462 mineurs non scolarisés dont 2.100 adolescents de plus de 16 ans vivant sans leurs parent et 4.568 adolescents de plus de 15 ans non scolarisés (chiffres 2020[4]). Un phénomène massif alors même que simultanément au 22 octobre 2021, 1.857 mineurs et jeunes majeurs étaient pris en charge par les services de l’aide à l’enfance (ASE).
Population totale - Mayotte | ||||||
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0 à 19 ans | 20 à 39 ans | 40 à 59 ans | 60 à 74 ans | 75 ans et plus | Total | |
2014 | 121 865 | 60 601 | 31 923 | 7 231 | 2 093 | 223 713 |
2015 | 124 801 | 61 755 | 35 613 | 7 899 | 2 121 | 232 189 |
2016 | 129 531 | 64 093 | 36 962 | 8 200 | 2 201 | 240 987 |
2017 | 134 454 | 66 527 | 38 368 | 8 515 | 2 279 | 250 143 |
2018 | 139 558 | 69 047 | 39 823 | 8 836 | 2 357 | 259 621 |
2019 | 144 920 | 71 696 | 41 350 | 9 172 | 2 441 | 269 579 |
2020 | 150 367 | 74 388 | 42 900 | 9 513 | 2 528 | 279 696 |
2021 | 155 404 | 76 870 | 44 328 | 9 831 | 2 606 | 289 039 |
2022 | 160 945 | 79 607 | 45 910 | 10 181 | 2 693 | 299 336 |
2023 | 166 639 | 82 421 | 47 547 | 10 549 | 2 745 | 309 901 |
2024 | 172 577 | 85 357 | 49 249 | 10 935 | 2 783 | 320 901 |
Variation 2024/2014 | 41,6% | 40,9% | 54,3% | 51,2% | 33,0% | 43,4% |
Variation en valeur absolue | 50 712 | 24 756 | 17 326 | 3 704 | 690 | 97 188 |
Source : INED, INSEE (2023).
Cette errance des MNA nombreux et souvent violents[5], ne procède pas uniquement de l’immigration comorienne mais plus largement des flux d’Afrique de l’Est (Congo, Rwanda, Burundi etc.) qui utilisent les Comores comme voie d’accès pour atteindre le territoire français. C’est en substance d’ailleurs ce que confirme dans sa récente interview à l’Humanité le Président de la République[6] : « A cela s’ajoute un nouveau phénomène, ces derniers mois, compte tenu des difficultés sécuritaires dans la région des Grands Lacs : une arrivée massive de personnes en provenance de Tanzanie et d’autres pays. »
La population à Mayotte étrangère d’ores-et-déjà majoritaire sur l’île ?
Dans une note de 2019 l’INSEE fait le point sur la présence de résidents étrangers à Mayotte[7]. L’institut relève que près « d’un habitant sur deux est de nationalité étrangère », soit 48% en 2017 : 123.000 personnes concernées (122.777 très exactement) sur un total de 256.518 résidents. Les chiffres ont depuis été affinés et corrigés dans les publications ultérieures de l’INSEE. Il est donc possible puisqu’en l’absence de chiffres renouvelés de recensement (2025[8]) l’institut procède par agrégation des soldes naturels et migratoires, de dégager la population étrangère théorique (aux régularisations des enfants nés à Mayotte en vertu du droit du sol près[9])…
Années | Population totale | Accroissement annuel | Solde migratoire | Volume étrangers totaux dans l'accroissement naturel | Volume étrangers totaux dans l'accroissement naturel | Volume étrangers totaux dans la population Mahoraise | Volume étrangers totaux dans la population Mahoraise |
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2017 | 250 143 | 9 156 | 136 | 7 336 | 80,1% | 47,9% | 119 726 |
2018 | 259 621 | 9 478 | 648 | 7 778 | 82,1% | 49,1% | 127 504 |
2019 | 269 579 | 9 958 | 968 | 8 288 | 83,2% | 50,4% | 135 792 |
2020 | 279 696 | 10 117 | 1 907 | 8 727 | 86,3% | 51,7% | 144 519 |
2021 | 289 039 | 9 343 | -127 | 7 903 | 84,6% | 52,7% | 152 422 |
2022 | 299 336 | 10 297 | 497 | 8 598 | 83,5% | 53,8% | 161 020 |
2023 | 309 901 | 10 565 | 765 | 8 822 | 83,5% | 54,8% | 169 842 |
2024 | 320 901 | 11 000 | 1 200 | 9 185 | 83,5% | 55,8% | 179 027 |
Source : INSEE, calculs Fondation iFRAP février 2024. Hypothèse retenue, un volume d’étrangers total dans l’accroissement naturel supposé constant en 2023 et 2024 à partir de 2022.
Si l’on suit cette base de calcul, entre 2017 et 2024 la population étrangère sur le sol mahorais devrait passer de 48% à près de 55,8% soit +7,8 points. Selon cette modélisation que le recensement en cours devrait affiner, la population étrangère sur l’île serait majoritaire depuis 2019 et depuis ce point de bascule le ratio de population française devrait continuer de se détériorer très rapidement (de quasiment 1 point par an), nonobstant l’accroissement parallèle de la population française sur l’île (indigène ou halogène de métropole).
Comme le relève le rapport des députés Marcangeli/Youssouffa de mai 2023[10], « d’après la préfecture de Mayotte, un peu moins de 50% de la population serait de nationalité étrangère, soit entre 140.000 et 150.000 personnes. » Cette affirmation dans notre tableau semble recouvrir les évolutions intervenues en volume entre 2020 et 2021, mais au contraire, le mode de calcul de la population estimée par l’INSEE permet de montrer que c’est désormais plus de la moitié de la population qui serait concernée qui à date serait étrangère. Par ailleurs « entre un tiers et la moitié de la population seraient en situation irrégulière : la préfecture estime ce chiffre compris entre 70.000 et 100.000 personnes. » Un chiffre qui s'explique dans la mesure où la législation française « interdit l’éloignement des mineurs s’ils ne sont pas accompagnés d’un adulte. »
Détail des éloignements forcés à Mayotte Une bonne mesure de la pression migratoire est de comparer le solde migratoire aux volumes des éloignements annuels. La préfecture de Mayotte a publié la cinétique des flux d’éloignements entre 2018 et 2022. Elle est très significative :
Note : Préfecture de Mayotte (2023) Le rapport Marcangeli/Youssouffa montre un niveau historiquement élevé d’éloignement forcés, atteignant les 22.381 individus en 2022, soit un retour à un taux d’éloignement proche de celui de 2019. Pour 2023 la situation semble globalement en repli s’agissant du total des éloignement (y compris aidés) puisqu’en décembre celui-ci n’atteindrait que les 22.000 individus au total. A noter que les éloignements passent majoritairement par les CRA (centres de rétention administrative) présents sur l’île puisque Mayotte totalisait pour 2022 75,73% des éloignements depuis CRA (19.763 individus) contre 76,69% en 2021 (20.014 individus) intervenus sur le plan national (la métropole étant stable avec un ratio de 21,38%). |
Des budgets publics mobilisés pour près de 3 milliards d’euros/an
Il n’existe pas de vision consolidée des dépenses publiques en direction de Mayotte. Cependant, il est possible d’avoir une idée des dépenses publiques consacrées par chacun des différents niveaux d’administration publique au bénéfice du territoire ultramarin, sans toutefois pouvoir neutraliser les flux existants entre eux. Et ces montants sont très conséquents pour faire face aux besoins de cette population en pleine expansion (besoin éducatifs, sanitaires, sécuritaires, sociaux etc.).
Le document de politique transversale relatif à l’Outre-mer annexé au PLF 2024 permet de dégager sur moyenne période les sommes allouées par l’Etat aux politiques publiques soutenues à Mayotte. Il en ressort une enveloppe budgétaire (en crédits de paiement) de près de 1,844 milliards d’euros en 2024, soit +158% depuis 2012 (+1,13 milliards d’euros). Cette dynamique s’explique ne particulier à cause du « Plan de convergence » lancé en 2018 à la suite du mouvement social survenu au 1er semestre de cette même année[11], crédité de 1,6 milliards d’euros (soit l’équivalent du budget annuel Mahorais en 2021), et devant s’étirer entre 2019 et 2022.
A ces crédits s’ajoutent les budgets des collectivités territoriales déduction faite des transferts de l’Etat en direction de ces mêmes collectivités (dont 250 millions d’euros uniquement au titre des transferts de l’Etat en directions des collectivités territoriales dont 107 millions de dotations de compensation liée au processus de départementalisation).
La DGFCL[12] publie depuis 2 ans (tableau 4-12b) une estimation de la dépense locale par habitant consolidée par région. Il est donc possible d’en déduire la dépense locale consolidée totale en retenant les dépenses réelles de fonctionnement et d’investissement hors EPL (établissements publics locaux). Celle-ci atteindrait au total près de 933 millions d’euros, dont 656 millions en dépenses réelles de fonctionnement et 277 millions en dépenses réelles d’investissement pour une augmentation globale de 22% poussée par les dépenses d’investissement (+45% entre 2021 et 2022) :
Mds € | 2021 | 2022 | var 2022-21 |
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Comptes consolidés des collectivités locales à Mayotte Total Dépenses réelles | 0,764 | 0,933 | 0,168 |
Dépenses de fonctionnement | 0,573 | 0,656 | 0,082 |
Dépenses d'investissement | 0,191 | 0,277 | 0,086 |
Source : DGCL 2023.
A ces dépenses s’ajoutent celles de la caisse de sécurité sociale de Mayotte. A partir des comptes publiés par ses soins, nous disposons du total des prestations de sécurité sociale versé entre 2017 et 2022[13] :
Mds € | 2017 | 2018 | 2019 | 2020 | 2021 | 2022 | Var 2022-2017 |
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Prestations légales | 0,351 | 0,396 | 0,423 | 0,439 | 0,463 | 0,515 | 0,164 |
dont Assurance maladie-maternité | 0,262 | 0,303 | 0,321 | 0,337 | 0,370 | 0,418 | 0,157 |
dont ATMP | 0,012 | 0,010 | 0,011 | 0,012 | 0,002 | 0,002 | -0,010 |
dont Allocations familiales et légales | 0,057 | 0,059 | 0,065 | 0,063 | 0,063 | 0,065 | 0,008 |
dont Assurance vieillesse | 0,021 | 0,023 | 0,025 | 0,026 | 0,027 | 0,029 | 0,008 |
Prestations extralégales et préventions | 0,009 | 0,009 | 0,010 | 0,009 | 0,011 | 0,014 | 0,006 |
dont action sanitaire et sociale | 0,008 | 0,008 | 0,010 | 0,009 | 0,009 | 0,011 | 0,003 |
dont action de prévention | 0,001 | 0,001 | 0,001 | 0,001 | 0,002 | 0,003 | 0,002 |
Prestations sociales | 0,360 | 0,405 | 0,433 | 0,448 | 0,474 | 0,529 | 0,170 |
Source : CSSM, 2016-2022
Entre 2017 et 2022, les prestations sociales ont augmenté de 170 millions d’euros, passant d’un budget total de 360 millions à 529 millions d’euros toutes branches confondues et en y incluant les prestations extralégales et la prévention. Cela représente une augmentation de près de 47% sur la période dont +46,7% pour les prestations légales et +63,7% pour les prestations extra-légales. En particulier les dépenses d’assurance maladie augmentent sur la période de 59,8%, de 15% pour les allocations familiales et légales et de 36,4% pour les allocations vieillesses. S’agissant des actions sanitaires et sociales, celles-ci augmentent de 40% quand les actions de préventions s’apprécient de +333,1%.
Une insécurité chronique et largement sous-évaluée générée par des mineurs
Les statistiques du ministère de l’intérieur (« Etat 4001 ») permettent de documenter en partie l’insécurité régnant à Mayotte. Les plus grandes baisses entre 2016 et 2023 concernent les cambriolages de logement (-9,52 infractions/1000 habitants), suivi par les vols violents sans armes etc.
Unités/1000 habitants | 2016 | 2017 | 2018 | 2019 | 2020 | 2021 | 2022 | 2023 | Variation 23-16 | Variation 23-22 | |
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Cambriolages de logement | infraction | 15,00 | 12,59 | 8,50 | 7,53 | 6,90 | 5,85 | 6,06 | 5,48 | -9,52 | -0,58 |
Vols violents sans arme | infraction | 2,86 | 2,34 | 1,61 | 1,66 | 2,23 | 2,11 | 1,92 | 2,11 | -0,75 | 0,19 |
Vols de véhicules | véhicule | 1,99 | 1,81 | 1,99 | 1,80 | 1,99 | 1,70 | 1,51 | 1,77 | -0,22 | 0,27 |
Vols dans les véhicules | véhicule | 2,50 | 1,85 | 1,52 | 1,91 | 1,83 | 1,54 | 2,07 | 2,36 | -0,14 | 0,29 |
Trafic de stupéfiants | Mis en cause | 0,35 | 0,32 | 0,26 | 0,26 | 0,24 | 0,27 | 0,27 | 0,25 | -0,10 | -0,02 |
Vols d'accessoires sur véhicules | véhicule | 0,34 | 0,35 | 0,39 | 0,41 | 0,34 | 0,28 | 0,22 | 0,28 | -0,06 | 0,05 |
Homicides | victime | 0,039 | 0,008 | 0,027 | 0,039 | 0,055 | 0,043 | 0,055 | 0,055 | 0,016 | 0,00 |
Usage de stupéfiants | Mis en cause | 0,34 | 0,49 | 0,55 | 0,47 | 0,49 | 0,58 | 0,59 | 0,86 | 0,52 | 0,27 |
Violences sexuelles | victime | 0,90 | 0,71 | 0,97 | 1,15 | 1,07 | 1,48 | 1,56 | 1,62 | 0,72 | 0,05 |
dont autres coups et blessures volontaires | victime | 4,35 | 4,41 | 4,18 | 4,71 | 4,36 | 4,63 | 5,00 | 5,36 | 1,02 | 0,37 |
Vols sans violence contre des personnes | victime entendue | 5,23 | 5,52 | 4,65 | 4,99 | 4,42 | 4,67 | 4,52 | 6,26 | 1,03 | 1,74 |
dont coups et blessures volontaires intrafamiliaux | victime | 1,07 | 1,15 | 1,08 | 1,45 | 1,44 | 2,03 | 2,20 | 2,11 | 1,04 | -0,09 |
Vols avec armes | infraction | 1,35 | 0,90 | 1,20 | 1,19 | 1,90 | 2,06 | 2,48 | 2,48 | 1,13 | 0,00 |
Escroqueries | victime | 1,12 | 1,27 | 1,06 | 1,24 | 1,34 | 1,77 | 3,34 | 2,74 | 1,62 | -0,60 |
Coups et blessures volontaires | victime | 5,41 | 5,56 | 5,25 | 6,16 | 5,80 | 6,66 | 7,20 | 7,48 | 2,06 | 0,28 |
Destructions et dégradations volontaires | infraction | 4,71 | 3,67 | 3,20 | 4,32 | 6,88 | 6,73 | 7,95 | 9,88 | 5,17 | 1,93 |
Source : Etat « 4001 », Mayotte. 2024[14]
A l’autre bout des infractions en très forte hauses, les infractions pour Destruction et dégradations volontaires augmentent de +5,17 infractions/1000 habitants, suivi par les coups et blessures volontaires (+2,06 victimes/1000 habitants), les escroqueries (+1,62 victime/1000 habitants). Mais comme le souligne le rapport inter-inspection de 2022, « le nombre d’infractions enregistrées par la police et la gendarmerie nationales ne reflète pas la réalité de la violence subie car la part non déclarée de la délinquance est très importante à Mayotte. Pour les vols, les victimes inégalement assurées pour leurs biens, ne voient pas l’utilité d’aller porter plainte. » Et particularité de cette délinquance, elle est ultra-majoritairement portée par des mineurs qui représentent 81% des personnes mises en cause dans les vols avec violence sans arme, 57% des vols avec armes, 72% dans les cambriolages de domicile. Mais aussi une part significative d’autres infractions : 48% des violences sexuelles, 34% des viols, 27% des homicides et tentatives d’homicides, 46% des violences envers les personnes dépositaires de l’autorité publique[15].
Un chômage de masse, mais un niveau de vie très supérieur à celui de la région
Le département de Mayotte est le plus pauvre de France avec 77% de la population sous le seuil de pauvreté national soit 1.102 euros/mois (contre 14,6% au niveau national). Pire, le niveau de vie médian à Mayotte est près de 7 fois plus bas qu’en France métropolitaine à 261 €/mois (3.140 euros/an[16]). Mais même avec des conditions de vie aussi dégradées, l’attractivité du territoire reste très importante notamment pour les îles de l’archipel des Comores voisines : en effet, si l’on calcule cette fois le PIB/habitant, celui-ci ressort à Mayotte à 11.245 dollars courants (2017) contre 1.324[17] dollars aux Comores, l’attractivité du territoire semble donc irrésistible d’autant que ce PIB est d’abord d’origine publique comme nous l’avons montré plus haut en passant par l’estimation sectorielle de la valeur ajoutée.
S’agissant du chômage, celui-ci ressort à près de 34% de la population active[18] (27.000 personnes au sens du BIT), tandis que « le tissu économique n’est pas en mesure de répondre aux besoins d’emplois de la population. Le taux de couverture du commerce extérieur de Mayotte [étant] (…) de 2% (export/imports). » L’INSEE relève par ailleurs que le taux d’emploi « est au plus bas depuis 2009 » avec même au 2ème semestre 2022, « 2000 personnes de moins qu’en 2019 » occupant un emploi. Cet effet étant « amplifié par la démographie qui génère des arrivées toujours plus nombreuses sur le marché du travail. » Ainsi au 2ème trimestre, seules 30% des personnes de 15 à 64 ans avaient un emploi, soit le niveau le plus faible depuis 2009. Cela se traduit par ailleurs au travers d’un très fort halo du chômage (personnes inactives au sens du BIT, parce qu’elles ne font aucune démarche active de recherche d’emploi ou ne sont pas disponibles pour en occuper un). Celui-ci atteindrait 20% des personnes en âge de travailler et qui souhaiteraient travailler sans le pouvoir, soit près de 33.000 personnes.
Conclusion & recommandations
Le choix formulé par l’Exécutif de tout à la fois supprimer le droit du sol à Mayotte (via une réforme constitutionnelle à venir) et la déterritorialisation des visas est logique : il s’agit de traiter le flux dans le 1er cas, et le stock dans le second cas.
Le droit du sol a déjà été restreint par la réforme intervenue en 2018, si bien que le nombre d’acquisition de la nationalité française sur l’île pour les enfants qui y sont nés est en chute libre passant de 2.900 en 2018 à 900 en 2022. La réforme visée devrait non seulement à rendre l’acquisition de la nationalité illusoire ou particulièrement difficile[19], mais surtout à faciliter l’expulsion de ces mêmes populations restées étrangères (1er effet stock).
La déterritorialisation des visas vise quant à elle à réorienter les populations migrantes sur l’hexagone (2ème effet stock). Ce mouvement peut sembler particulièrement mal venu étant donné la pression migratoire déjà présente sur notre territoire métropolitain[20]. Cependant, Mayotte étant une île et les réadmissions comoriennes étant particulièrement difficiles, il semble logique de faire baisser le stock de résidents étrangers sur le territoire insulaire ne serait-ce que pour préserver sa biodiversité et ses réserves en eau[21]. Cependant ces flux doivent s’accompagner d’un développement important des infrastructures existantes (port en eau profonde (contrairement aux Comores), aéroport dont la piste d’atterrissage ne permet toujours pas la réception de gros porteurs) dont les travaux de modernisation devraient débuter en 2025[22].
Des mesures complémentaires pourraient être prises comme la menace de la suspension des transferts d’argents en direction des Comores à partir de leurs diasporas présentent sur le sol national (dans le droit fil de la proposition Montebourg formulée lors de la dernière élection présidentielle[23]) concurremment à une révision de la politique d’aide de l’AFD (agence française d’aide au développement) et de la coopération décentralisée (en provenance des collectivités territoriales) au bénéfice des Comores.
[1] Mission inter-inspection (IGJ, IGA, IGAS, IGAE, IGF, IGESR), Evaluation de la prise en charge des mineurs à Mayotte, janvier 2022.
[2] Via un recensement annuel de 1/5ème des communes <10k hab, et de 1/5ème des logements des villes>10k hab.
[3] Comparer https://www.insee.fr/fr/statistiques/4628193 et https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/chiffres/france/structure-population/regions/
[4] Soit stricto sensu 4.500 MNA.
[5] https://www.20minutes.fr/societe/4067940-20231222-mayotte-resultats-decevants-operation-wuambushu
[6] L’Humanité, 19 février 2024, n°23884.
[7] https://www.insee.fr/fr/statistiques/3713016
[8] https://blog.insee.fr/mayotte-recensement-adapte-a-population-hors-norme/
[9] Par ailleurs dérogatoire au droit métropolitain en ce qu’il précise que la naturalisation des enfants étrangers nés à Mayotte n’est acquise qu’à leur 18 ans, les parents voyant cependant leur situation régularisée à cette occasion : https://www.lanouvellerepublique.fr/a-la-une/droit-du-sol-remis-en-cause-a-mayotte-en-quoi-est-ce-une-remise-en-question-fondamentale. L’écart statistique le plus marquant entre la situation réelle et la situation théorique ici exposée relève des enfants de mère étrangère et de père Mahorais ou Français. On suppose ces cas peu significatifs en volume.
[10] L.MARCANGELI, E. YOUSSOUFFA, Les enjeux migratoires aux frontières Sud de l’Union européenne et dans l’océan Indien, Assemblée nationale, 31 mai 2023, p. 34 et suiv.
[11] Voir notre note sur le sujet du 5 avril 2018, Mayotte, comprendre la crise, Fondation iFRAP.
[12] Consulter, Les collectivités territoriales en chiffres, 2023, https://www.collectivites-locales.gouv.fr/collectivites-locales-chiffres-2023
[13] https://www.cssm.fr/uploads//Rapport%20statistique%202022.pdf, précisons que les comptes ne sont publiés que tous les deux ans, il faut donc également consulter les comptes suivants : 2020, 2018 et 2016.
[14] Voir également https://www.interieur.gouv.fr/Interstats/Actualites/Geographie-departementale-de-la-delinquance-enregistree-en-2023-Interstats-Analyse-n-65
[15] https://www.insee.fr/fr/statistiques/5763061
[16] https://www.insee.fr/fr/statistiques/4632225#titre-bloc-1
[17] https://www.senat.fr/rap/r21-114/r21-1141.html
[18] Cour des comptes, Quel développement pour Mayotte ?, juin 2022 p.58. Corrigé et mis à jour par INSEE, Enquête emplois Mayotte 2022, https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/6799168/my_cp_2023_inf_151.pdf
[19] Voir https://www.lefigaro.fr/vox/societe/philippe-fontana-supprimer-le-droit-du-sol-a-mayotte-est-ce-bien-suffisant-20240212, tempéré par https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/02/15/fin-du-droit-du-sol-a-mayotte-l-attractivite-de-notre-droit-de-la-nationalite-releve-assez-largement-du-mythe_6216638_3232.html.
[20] D’autant qu’il viendra renforcer les communautés comoriennes importantes à Marseille, Dunkerque et Paris.
[21] https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/12/06/a-mayotte-l-eau-interdite-a-la-consommation-sur-une-partie-de-l-archipel-en-raison-de-la-presence-de-metaux-lourds_6204227_3224.html
[22] https://pistelongue-mayotte.fr/projet/chronologie/
[23] https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/11/07/arnaud-montebourg-veut-bloquer-les-transferts-d-argent-vers-les-pays-qui-ne-rapatrient-pas-leurs-ressortissants-et-se-fait-etriller-a-gauche_6101292_823448.html