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Maisons de retraite des anciens combattants : à détacher du ministère

La qualité de ressortissant des anciens combattants et des victimes de guerre (ONAC-VG [1]) ouvre droit à l'accueil en tant que personnes âgées dépendantes ou non, seules ou en couple, et âgées d'au moins 60 ans dans ses 8 établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Héritiers des foyers d'anciens combattants, ces EPHAD sont situés dans 8 départements [2]. Ils se caractérisent pour certains d'entre eux par un parc immobilier d'architecture ancienne (datant du XIVème au XIXème siècle), une situation dans des zones touristiques (sud est et sud ouest du pays), une proximité de grandes métropoles (Paris, Marseille, Lyon) et un important domaine foncier qui pour 7 d'entre eux représente 45 hectares dont un étang de 17 hectares.

Les capacités d'accueil de ces EHPAD [3] varient entre moins de 60 à 110 résidents, soit un total de 625 places (dont 325 (52%) habilités à l'aide sociale), avec un taux d'occupation moyen de 92,84% en 2012. La population accueillie à une moyenne d'âge en 2012 de 84 ans. Elles représentent une faible capacité par rapport à la population des ressortissants de l'ONAC-VG (environ 2 millions). Ces capacités, à comparer avec l'offre nationale en 2010 d'environ 550.000 places, n'est plus, depuis 2004, exclusivement réservée aux ressortissants puisque seulement 405 des 799 résidents [4] accueillis en 2012 étaient des ressortissants de l'ONAC-VG (soit 50,7%).

Compte tenu de cette insuffisance d'accueil, l'ONAC-VG conduit, depuis 12 ans, une politique de labellisation sans frais à travers le label « Bleuets de France » attribué aux établissements publics ou privés qui ont des références communes à tous les EHPAD : sécurité matérielle et médicale, bien-être, préservation de l'autonomie des pensionnaires, qualité des prestations fournies et bientraitance, et qui s'engagent à privilégier l'accueil des ressortissants de l'Office et à promouvoir la mémoire combattante. Le label « Bleuets de France » couvre un réseau de 86 EHPAD présents dans 53 départements offrant 3.153 places en 2011, pour 834 effectivement utilisées par les ressortissants de l'ONAC-VG.

Les 8 EHPAD représentent une exécution de dépenses de 25,3 millions d'euros [5] en 2012 et emploient 376 personnes physiques dont 94 vacataires [6]. Depuis 2004, la gestion et le financement de ces organismes devenus EHPAD sont entrés dans le droit commun et n'offrent plus de spécificité particulière à l'exception d'un accès prioritaire en cas de disponibilité et de la tenue de commémorations officielles, le choix des ressortissants étant avant tout lié à la proximité familiale. À ce titre, la signature de conventions tripartites obligatoires avec les conseils départementaux et les agences régionales de santé (ARS) précisent les tarifs suivants :

  • un tarif « hébergement » qui recouvre l'ensemble des prestations hôtelières et d'animation acquittées par le résident qui peut recevoir, le cas échéant, une aide sociale départementale ;
  • un tarif « dépendance » qui recouvre l'ensemble des prestations d'aide et de surveillance apportées aux personnes âgées pour l'accomplissement des actes ordinaires de vie courante et qui, dans le cadre de l'Aide personnalisée à l'autonomie (APA), est arrêté par les Conseils départementaux ;
  • un tarif « soins » qui recouvre les soins de « base » et « techniques » des prestations médicales et paramédicales relatives à l'entretien, l'hygiène et le confort des résidents ainsi que a prise en charge de leurs affections somatiques et psychiques et qui est arrêté par les ARS et acquitté par l'Assurance-aladie sous forme d'une dotation globale.

Ces EHPAD qui sont soumis aux mêmes règles du code de l'action sociale des familles (CASF) et contrôles que les autres maisons de retraite, sont confrontés aux mêmes difficultés que les établissements associatifs et publics : difficultés de financement des investissements liées à la dépendance croissante des personnes placées en maisons de retraite, et de recrutement et de fidélisation du personnel.

La situation financière de ces EHPAD est globalement et chroniquement déficitaire. Ce déficit provient pour partie des mêmes causes que pour les autres établissements recevant du public (ERP) relatives aux exigences normatives énergétiques lourdes et aux besoins spécifiques des personnes âgées à mobilité réduite [7], et à une nouvelle organisation du travail impactant les infrastructures. En outre, ils sont confrontés à l'insuffisance de la prise en compte par les ARS des frais de siège [8] (0,9 million d'euros en 2012), de la revalorisation importante des cotisations pour pensions civiles des fonctionnaires d'État exerçant dans les maisons de retraite (environ 1,1 million d'euros pour les seuls EHPAD en 2012). De plus, la situation financière de ces EHPAD résulte de causes inhérentes à leur organisation qui impactent directement leurs recettes :

  • 3 maisons de retraite (Vence, Saint-Gobain et Le Theil) n'atteignent pas le seuil du nombre de lits (80) qui permettrait de supporter les charges de structure ;
  • 2 maisons de retraite (Barbazan et Montmorency) ont des taux d'occupation nettement inférieurs à 95%, norme qui sert de base à la facturation des prix de journée.

Selon la rapport interministériel du 10 juin 2013 [9], ces EHPAD se caractérisent aussi par « l'absence de pilotage se traduisant par une maîtrise insuffisante des dépenses de personnel, un dialogue hétérogène avec les financeurs (Conseils départementaux et ARS) laissé à l'initiative des directeurs d'EHPAD et une méconnaissance des spécificités du monde médico-social » . Ce rapport ajoute que « l'ONAC-VG ne s'est pas impliqué jusqu'à une période récente dans la gestion de ces réseaux, montrant que ces activités ne constituent pas son cœur de métier ».

Les besoins d'investissements dans le domaine des infrastructures des EHPAD sont importants malgré une remise à niveau partielle, lors du passage en 2002, d'une infrastructure de type « foyer logement » à celle adaptée à une population plus âgée et plus dépendante dans le cadre des EHPAD [10]. Cette rentrée dans le régime commun a nécessité pour l'ONAC-VG une restructuration du parc immobilier (confer infra la cession de 7 maisons de retraite) mobilisant ses fonds propres et recourant à des crédits de l'État. Cependant, l'ONAC-VG ne pourra que très difficilement faire face à ces nouveaux défis compte tenu de la contrainte budgétaire qui pèse sur l'État et de la diminution des capacités financières de ses partenaires. Les investissements nécessaires au maintien d'une qualité de services et au respect des normes sont importants (exemple : 11,5 millions d'euros investis en 2010 dans la reconstruction de l'EHPAD d'Anse, dont la capacité est de 81 lits).

De 1998 à 2002, compte tenu de difficultés financières, il a été décidé de fermer 6 maisons de retraite en raison de leur non-conformité aux normes d'habitabilité, d'hygiène et de sécurité et de l'ampleur des investissements nécessaires à leur remise à jour : Ville-Le- Brun (Yvelines), Boulleville (Eure), Villiers-le-Sec (Calvados), Montpellier (Hérault), Thiais (Val-de-Marne) et Marseille (Bouches-du-Rhone). En vue de reloger les personnes âgées, des conventions ont été signées avec des organismes comme le centre hospitalier de Bayeux pour Villiers-Le-Sec et la fondation Léopold Bellan [11] pour Ville-Le-Brun. En 2002, l'établissement de Carignan (Ardennes) a fait l'objet d'un accord avec la Croix-Rouge Française qui, propriétaire d'une maison de retraite mitoyenne, a repris son activité sous sa responsabilité.

En ce qui concerne ses EHAPD, l'ONAC-VG a proposé à l'Assemblée nationale en janvier 2014 la reprise de leur mission par le secteur privé non marchand ou le secteur public. À ce titre, leur cession peut présenter un intérêt compte tenu de la pénurie d'autorisations de lits dans certaines zones et de la forte croissance du secteur des maisons de retraite médicalisées en France depuis 10 ans, pouvant ainsi compléter l'offre d'un réseau lui-même hétérogène. Cependant, leur situation disparate, tant au regard du nombre de lits que du taux d'occupation et d'encadrement par résident, et de l'état de l'infrastructure, peut être un inconvénient majeur pour ces secteurs qui connaissent aussi des difficultés de gestion des ressources financières (taux d'autofinancement des investissements faible, structures très endettées, et orientation d'une part importante de leur capacité d'autofinancement au remboursement des emprunts).

En outre, le rapport interministériel du 10 juin 2013 précise que « la question de la rentabilité des maisons de retraite exclut, tout autant que le transfert de personnels fonctionnaires, une cession au secteur privé lucratif, l'objectif de solidarité visé par le monde combattant étant inconciliable avec une augmentation importante du reste à charge pour les résidents ».

Les difficultés de financement de ces EHPAD qui ne pourront connaître d'amélioration significative dans le système actuel compte tenu des contraintes financières supportées par les conseils départementaux et l'Assurance-maladie, doivent conduire le MINDEF à se séparer de ce pan d'activités que l'histoire a pu justifier à l'issue des 2 conflits mondiaux.

Conclusion

Durant l'entre deux guerres, les Foyers de l'ONAC-VG représentaient un réel progrès en offrant aux plus démunis des conditions d'accueil plus satisfaisantes que celles des hospices de l'époque. Depuis lors, le contexte sociologique, législatif et réglementaire de la gestion des maisons de retraite a profondément évolué. La gestion des EHPAD s'inscrit dans une politique médico-sociale très technique et spécialisée qui relève de la professionnalisation du secteur. Le maintien des EHPAD au sein de l'ONAC-VG le pénalise sans améliorer leur situation et donc cette mission ne doit plus relever de son périmètre fonctionnel car il n'a plus les moyens (notamment financiers) de l'assurer. En outre, il n'est pas avéré qu'une gestion plus rigoureuse permette dans tous les cas le retour à l'équilibre financier comme le souligne le rapport interministériel du 10 juin 2013. La programmation de l'extension du label « Bleuets de France » à l'ensemble des départements permettra de pallier cette situation.

En conséquence, au vu des éléments présentés supra, il convient de procéder à la vente du parc immobilier qui compte tenu de son importance peut générer des recettes substantielles pour le MINDEF lui permettant de les consacrer au renforcement des capacités opérationnelles des forces armées (réalisation d'équipements et consolidation du socle des unités de combat et d'appui). À titre d'exemple, la suppression des postes budgétaires des 376 personnels des EHPAD permettrait de financer peu ou prou les RCS d'un équipage [12] d'un bâtiment de projection et de commandement (BPC de la classe Mistral).

Les déficits antérieurs ne doivent pas être imputés sur la valeur de cession des EHPAD car il y a encore de nombreux gisements d'économie à engranger au sein de l'OANC-VG comme l'a mis en évidence l'article de l'IFRAP du 29 octobre 2014 relatif à l'entretien des sépultures de guerre et comme le sera démontré dans des articles ultérieurs de l'IFRAP relatifs à la cession de ses écoles de reconversion professionnelle, la gestion des cartes et des retraites du combattant…

Cette cession suppose de mettre en place un dispositif de conduite de changement pour les résidents des EHPAD associant leurs familles ainsi que pour les personnels des établissement en vue de leur expliquer la nécessité des évolutions envisagées :

  • pour les premiers, il s'agit de leur garantir une qualité de service au moins égale à celle qui prévaut actuellement dans les EHPAD de l'ONAC-VG grâce notamment aux engagements souscrits par les nouveaux organismes accueillants ;
  • pour les deuxièmes, et sous réserve de leur acceptation, doit être lancée la procédure de reclassement vers le secteur public du personnel titulaire des maisons de retraite (passage du statut fonction publique d'État (FPE) vers celui de la fonction publique hospitalière (FPH) tout en précisant que son taux de cotisation pour pension civile est de 30 points inférieur à celui de la FPE), et des agents non titulaires de droit public qui peuvent aussi s'orienter personnellement vers le secteur privé lucratif ou non.

[1] Établissement public administratif rattaché au secrétariat des anciens combattants.

[2] Anse (69), Barbazan (31), Beaurecueil (13), Boulogne-Billancourt (92), Montmorency (95), Theil-de-Bretagne (35), Saint-Gobain (02) et Vence (06)

[3] En règle générale, ces EHPAD ne disposent pas d'unités de soins longue durée et d'Alzheimer.

[4] Depuis quelques années déjà, ces établissements accueillent des personnes âgées de plus en plus fragilisées et dépendantes en raison de l'allongement de la durée de vie.

[5] Ces EHPAD constituent un budget annexe de l'ONAC-VG depuis 2006.

[6] Ces effectifs représentent 22% de la population totale de l'ONAC-VG (environ 1.700 agents).

[7] Accessibilité et évolutions des publics (maladie d'Alzheimer et pathologies proches).

[8] Ces frais de siège social de l'organisme gestionnaire qui sont définis par le ministère de la Santé et des Affaires sociales et peuvent être intégrés dans le calcul du prix de revient de la journée ou de la dotation globale, s'appuient sur une réglementation diverse, notamment : Art. 10 du Décret N° 61‐9 du 3/01/1961, Art. 24 du Décret N° 88‐279 du 24/03/1988, Art. L314‐7 du code de l'action sociale et des familles, Décret 2003‐1010 du 22/10/2003.

[9] Présenté par le contrôle général des armées du MINDEF et les inspections générales des finances et des affaires sociales.

[10] Confer la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 qui précise la nécessité de mise en conformité aux critères médico-sociaux et de professionnalisation des acteurs et l'Arrêté du 8 septembre 2003 relatif à la charte des droits et libertés de la personne accueillie (article L. 311-4 du code de l' action sociale et des familles (J.O n° 234 du 9 octobre 2003 page 17250) .

[11] La Fondation Léopold Bellan qui remonte à 1884, reconnue d'utilité publique dès 1907, est un acteur majeur présent dans le domaine de la santé, dans les secteurs social et médico-social, qui travaille en étroit partenariat avec les services de l'État et les collectivités territoriales et accueille prés de 40.000 personnes chaque année.

[12] 21 officiers, 116 officiers mariniers et 40 quartiers-maîtres et matelots.