Livre | Bernard Zimmern : « Changer Bercy pour changer la France »
« Au-delà des tricheries statistiques, l'imposture des inégalités serait-elle la haine de l'excellence qui paralyse ceux qui sont incapables de créer de la richesse et dont dépend l'emploi ? » La formule est ramassée mais résume fort à propos l'entreprise à laquelle s'est attelée Bernard Zimmern, président d'honneur de la Fondation iFRAP, dans son dernier ouvrage « Changer Bercy pour changer la France », aux éditions Tatamis : dénoncer la supercherie consistant à marteler le thème d'une augmentation des inégalités aux Etats-Unis, pour mieux masquer le fait que les vrais bénéficiaires de revenus les plus dynamiques sont en réalité les entrepreneurs créateurs de leur propre entreprise.
Qui sont en effet les membres du 1% des plus fortunés aux USA [1] et comment évolue leur fortune ? Leurs revenus proviennent-ils majoritairement de rentes ou de fortunes héritées ? Bernard Zimmern montre que les entrepreneurs représentent 65% des 1% les plus riches, proportion qui monte à 90% pour les 400 plus grandes fortunes si l'on retient non seulement les entrepreneurs ayant fait fortune dès la première génération (67%) et leurs héritiers directs (23%). La « new money » est donc prédominante, et la fortune de ces nouveaux venus est corrélée positivement à l'activité économique. Fortune qui, au passage est massivement investie au premier chef dans leur propre entreprise. Les riches entrepreneurs ne confisquent donc pas la croissance, ils la font. Mais pour la faire, ils prennent des risques, et c'est avant tout la rémunération de ces risques qui explique leur montée rapide dans l'échelle des fortunes, mais également la propension statistique plus grande que les autres professions à en descendre.
Et la France dans tout cela ? Avec un coefficient de Gini désespérément plat depuis les années 1980 [2], situé proche de la moyenne des pays de l'OCDE (0,31-0,32), notre pays accuse un retard d'emplois marchands de 20 à 25%, ce qui représente la même propension quant au manque de milliardaires (ils sont 61 quand nous devrions en avoir 80 pour faire jeu égal avec les Américains qui en ont 400). Par ailleurs, le renouvellement des fortunes est beaucoup plus lent en France qu'aux États-Unis : Les « nouveaux milliardaires » ne sont qu'1/3 quand les anciennes fortunes représentent les 2/3 ; soit un profil inversé par rapport à la situation outre-Atlantique. En refusant les milliardaires, en bridant la créativité entrepreneuriale, par un écosystème « égalitariste et complexe » volontairement peu propice à la création d'entreprises et à leur croissance tout comme aux investisseurs providentiels individuels (business angels), les pouvoirs publics encouragent en réalité indirectement la pauvreté et le chômage… et la boucle est bouclée.
Les théories égalitaristes propices à encourager plus de redistribution au détriment des riches et des classes moyennes supérieures reçoivent un accueil favorable au ministère des Finances. L'administration de Bercy y est favorable pour plusieurs raisons : vision court-termiste d'abord : la sécurisation de l'assiette fiscale, suppose sa prévisibilité et par conséquent le refus de prendre en compte le principe de l'impôt/risque [3] ; une certaine propension au pilotage keynésien favorable à la dépense et à la dette publique ensuite (direction de la prévision au sein de la direction du Trésor) ; par entrisme politique enfin : certaines associations comme l'observatoire des inégalités, regroupent des chercheurs du CNRS, des statisticiens, des politistes, des fonctionnaires des impôts, qui cristallisent cette approche de lutte contre les inégalités par la redistribution plutôt que par la création de richesse et l'emploi, faisant le jeu de la puissance publique plutôt que de l'initiative privée.
Cette erreur de perspective aboutit inexorablement, nous dit Bernard Zimmern, à faire le choix de l'égalitarisme et du chômage de masse. Pourquoi ? Parce que l'initiative publique ne peut pas (même au travers de fonds d'investissement publics) se substituer efficacement à l'initiative privée, qui seule peut et doit porter une logique d'apprentissage « entrepreneurial » fait d'échecs et de succès. Qui peut savoir quels seront les « Google » ou les « Tesla » de demain ? Ceux qui ont la capacité d'investir leur propre argent sans mettre en grand danger leur famille, c'est-à-dire les riches. Or cette logique est largement étrangère aux hauts fonctionnaires de Bercy qui pour 2% à peine d'entre eux sont passés par une entreprise.
La question en définitive n'est pas de multiplier les entreprises sans salariés, mais d'aller chercher les entreprises qui n'existent pas aujourd'hui et qui formeront les ETI de demain. Seuls les business angels peuvent accomplir cette mission prométhéenne. Mais celle-ci ne pourra s'accomplir harmonieusement que si, dans le même temps, des dispositifs fiscaux spécifiques sont mis en place ; l'ISF doit être supprimé, tandis que le secteur public enfin évalué étroitement par le Parlement, réduira dans le même temps la voilure. Cela veut dire d'abord changer le logiciel de Bercy, faire le pari des riches, de la new money contre la old money et créer un véritable statut aux business angels, afin de trouver les 6 millions d'emplois marchands qui nous font aujourd'hui cruellement défaut.
Commander le dernier ouvrage de Bernard Zimmern, président d'honneur de la Fondation iFRAP, « Changer Bercy pour changer la France » sur le site des éditions Tatamis.[1] Sous un angle différent et orignal par rapport à l'article très commenté de l'économiste Grégory Mankiw : « Defending the one percent » et son complément (2014)
[2] Voir sur cette question les dernières estimations de l'OCDE, dans son étude du 8 décembre 2014, Trends in Income inequality and its impact on economic growth
[3] Encore accentué par un déficit de modélisation, modèle MESANGE de Bercy (statique) contre modèle dynamique britannique, Computable general equilibrium model, dont les avancées ont fait l'objet d'un rapport récent, Analysis of the dynamic effect of Corporation Tax reductions en 2013.