Journée de défense et de citoyenneté : prise en charge par l'Education nationale ?
Dans le cadre du remaniement ministériel du 16 octobre 2018, la tutelle dans le cadre interministériel du projet du Service national universel (SNU) passe du ministère des armées (MINARM - son secrétaire d’État : Madame Geneviève Darrieussecq) au ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse (son secrétaire d’État : Monsieur Gabriel Attal). Cette décision est l'occasion de mettre en évidence l'opportunité d'intégrer dans le SNU la gestion de la journée de défense et citoyenneté (JDC) qui est actuellement organisée par la direction du service national et de la jeunesse (DSNJ) intégrée dans le secrétariat général de l'administration (SGA) du MINARM et dont le programme très court est présenté dans le graphique ci-dessous :
Source : ministère des armées.
Actuellement, la JDC dont l'utilité au sein du MINARM apparaît contestable en ce qui concerne le faible retour sur investissements pour les forces armées (confer l'article du 17 mars 2016), concerne annuellement environ 750.000 jeunes Françaises et Français âgés de 16 à 25 ans. Cependant il y a lieu de noter les éléments suivants :
- environ 3 à 4 % de cette population appelée chaque année n'y participe pas ;
- suite aux coupes budgétaires concernant le réseau consulaire dans les 4 prochaines années, il n'y aurait plus de JDC pour les jeunes Français de l’étranger - confer l'article du 16 octobre 2018 de Monsieur Philippe Chapleau dans Ouest France (Lignes de défense) faisant référence à la déclaration de Monsieur Nicolas Warnery directeur de l’administration des Français de l’étranger au Quai d’Orsay devant l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE) ) qui a présenté l'objectif du réseau consulaire de recentrage sur son "cœur de métier": "les élections, les documents d’identité et la lutte contre la fraude".
Pour ces JDC, la DSNJ dispose d'un volume de ressources non négligeables qui sont les suivantes1 :
- humaines : 1.255 équivalents temps plein travaillé (ETPT) dont 35 % de militaires, soit donc 440 personnels qui représentent le volume de 3 escadrons de chars - soit environ 55 % d'un régiment de l'arme blindée-cavalerie ; à ces effectifs de la DSNJ, auxquels se rajoutent environ 9.300 militaires des forces et des services qui sont les animateurs de la JDC ;
- organisationnelles : une direction avec environ 200 personnels, 5 établissements régionaux et 27 centres locaux (confer le tableau en PJ) ;
- infrastructures d'accueil des JDC : soit militaires (2/3), soit civils publics comme des établissements de l'éducation nationale : 275 sites répartis sur tout le territoire métropolitain et ultramarin ;
- financières du titre 3 (programme 167 – « Liens entre la Nation et son armée ») : 14,6 millions d'euros dont 2,9 millions d'euros relatifs au fonctionnement de la DSNJ et 11,7 millions d'euros pour la JDC (principalement alimentation et transport des jeunes Françaises et Français).
Toutefois, il y a lieu de noter les éléments suivants :
- les dépenses du titre 3 n’intègrent pas celles des bases de défense qui accueillent les JDC dans un cadre de leur mutualisation ;
- la difficulté d'évaluer les coûts du titre 2 (salaires et soldes) de la JDC, compte tenu de leur transfert depuis 2015 dans le programme 212 « Soutien de la politique de défense » ; cependant, l'évaluation de la masse salariale des personnels relative à la JDC peut être estimée à une centaine de millions d'euros dont 40 pour le personnel militaire2.
En outre, il convient de préciser que les ressources financières du titre 3 relatives à la JDC, soit environ 14 millions d'euros, correspondent à l'achat de 30 véhicules blindés multirôles Serval légers (VBMR)3 dans le cadre du programme SCORPION (Griffon et Jaguar) alors que la loi de programmation militaire 2019-2025 prévoit la livraison de 489 exemplaires.
Conclusion
Dans le cadre de la prise en compte du SNU par le ministère de l'Education nationale, il conviendrait de décharger le MINARM de la mission de l'organisation de l'actuelle JDC. Concrètement, ce transfert devrait permettre :
- de recentrer les quelque 440 militaires d'active de la DSNJ sur le cœur de leur métier opérationnel ;
- d'engranger au niveau du MINARM des économies relatives au fonctionnement des infrastructures régionales et locales (établissements et centres du service national) dont une partie d'entre elles pourraient être cédées au secteur marchand.
Cependant, il convient de préciser que le coût de fonctionnement du SNU est estimé à 1,6 milliard d'euros par an et 1,7 milliard d'investissement en infrastructures (sur 5 années)4. Ainsi, 6 à 8 années de fonctionnement de ce SNU correspondent au coût de la réalisation de 2 porte-avions (confer l'article du 12 septembre 2018) qui peut se traduire par :
- des retombées économiques dans le monde industriel (y compris la sous-traitance) en matière de chiffres d'affaires, d'emploi et de recettes fiscales directes et indirectes (exemple = TVA) ;
- la confirmation de la France au sein de l'UE en matière de leader de la Défense et de sa position de membre permanent du conseil de sécurité de l'ONU.
En outre, selon la note de synthése n° 7 du sénateur, Monsieur Dominique de Legge, à la commission des finances du Sénat dans le cadre du PLF 2018 de la Mission « Défense », « l’entretien des infrastructures, notamment celles du quotidien, devrait être doté de 333 millions d’euros. Cet effort devra être poursuivi dans les années à venir ». C'est ainsi que selon ses estimations, « l’investissement nécessaire à la remise à un niveau de risque considéré comme acceptable de l’ensemble du patrimoine des armées est estimé à un montant compris entre 2,5 milliards d’euros et 3 milliards d’euros ». Ainsi, le montant des investissements en infrastrutures du SNU correspond à envion 60 % des besoins du MINARM. Pour conclure, il y a lieu de s'interroger sur l'opportunité de créer un SNU (confer l'article du 3 juillet 2018) :
- pour lequel environ 27 % (soit pour une classe d'âge, environ 150.000 jeunes) ne sont pas volontaires à ce stade de l'étude selon le rapport relatif à la consultation de la jeunesse sur le service national universel du 12 novembre 2018 sans occulter que ce taux pourrait être plus important en phase de croisière ;
- dont les conditions de la mise en œuvre de son caractère obligatoire mériteraient d'être précisées5.
1Confer l'avis n° 111 (2017-2018) du sénateur, Monsieur Bruno GILLES, fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat déposé le 23 novembre 2017 et relatif au projet de loi de finances (PLF) 2018.
2Confer le rapport d'information du sénateur, M. Marc LAMÉNIE, fait au nom de la commission des finances du Sénat n° 475 (2015-2016) en date du 16 mars 2016.
3Annonce faite par Madame Florence Parly, ministre des armées, le 12 février 2018 à l’occasion d’une visite sur le site NEXTER à Roanne.
4Confer les Echos du 23 novembre 2018.
5Il est rappelé que les réfractaires de l'ancien service national faisaient l'objet d'actions de la gendarmerie et pouvaient faire l'objet de sanctions de différentes natures.