Immobilier de l'État : les ambitions à la baisse du gouvernement
Tous les mercredis, avant le Conseil des ministres, Le Macronomètre, l'observatoire des réformes du gouvernement, lancé par la Fondation iFRAP, attribue une note aux réformes d'Emmanuel Macron. La note de la semaine du Macronomètre est présentée dans le Figaro. Cette semaine : 4/10 sur la gestion de l'immobilier de l'Etat.
Une étude de la Banque postale évalue l'actif des collectivités territoriales à près de 1.361 milliards d'euros. Les seules communes posséderaient de l'ordre de 240 milliards en immeubles, les hôpitaux publics 36 milliards d'euros. L'immobilier de l'État est, quant à lui, évalué à 64 milliards d'euros dont 5 milliards à l'étranger avec un coût annuel de 7,8 milliards.
Alors même qu'il faudrait trouver partout de nouvelles recettes alternatives à la fiscalité, on ne peut que s'étonner que le montant des produits des ventes immobilières de l'État soit programmé pour baisser drastiquement en passant de 491,7 millions d'euros en 2018 à 320 millions d'euros pour 2019. Il y a quelques années, les réalisations de ventes ont pu aller jusqu'à 700 à 800 millions d'euros par an. Les ambitions sont à la baisse. Et pour cause, on dirait que tout est fait pour dissuader l'État de vendre son immobilier.
Les « décotes » Duflot en cause
La responsabilité est clairement portée par les « décotes » Duflot qui permettent la vente de terrains de l'État à des prix inférieurs à ceux du marché. La loi SRU de 2013 a, en effet, renforcé le mécanisme de décote Borloo sur les cessions de biens publics, pouvant atteindre 100% de la valeur d'un bien si celui-ci est transformé en logements sociaux. Six ans après, il apparaît que le montant des décotes envers les collectivités territoriales est en moyenne de 61% de la valeur vénale des biens. De quoi « refroidir » les envies de cessions pour l'État propriétaire : sur une valeur de marché des biens à vendre préemptés de 323,14 millions d'euros, les ventes n'ont pas dépassé 121,3 millions.
Dernière utilisation de ce rabais par la ville de Paris ? La vente à la casse d'une partie du site de l'îlot Saint-Germain, ancien QG du ministère de la Défense déménagé à Balard, soit 17.000 m² à proximité de l'Assemblée nationale. La vente semblait prometteuse compte tenu de sa superficie et de sa situation, mais elle a finalement pris six ans de retard et a été de seulement 29 millions d'euros alors que le prix au mètre carré dans ce quartier est plutôt de 14.000 euros le m². Soit près de 90% de décote ! France Domaine avait pourtant évalué l'ensemble à 350 millions d'euros. Pour la part rachetée par la ville de Paris, la « remise » peut être évaluée à plus de 200 millions d'euros (suite à un arbitrage de Manuel Valls en juin 2016) pour la régie immobilière de la ville de Paris, la fameuse RIVP. On comprend dans ces conditions que les opérations de cession se tarissent !
Car l'objectif à atteindre en termes d'occupation est toujours le même : une surface utile nette de 12 m² par agent. Cet objectif a été déclaré en 2008 et, depuis, les avancées ont été très peu significatives : ainsi, pour l'ensemble des surfaces mises à disposition de l'État le ratio d'occupation des bureaux passe de 14,96 m² par agent à 14,81 m² entre 2017 et 2018… On avance à pas de fourmi alors qu'une gestion dynamique de l'immobilier par la DIE (direction de l'immobilier de l'État) en mode foncière, pourrait dépasser le milliard d'euros par an (cessions, prises et mises à bail, développement du parc locatif, etc.)
Le deuxième comité interministériel de la transformation publique du 29 octobre 2018 propose la simplification des instances existantes et la création de foncières publiques. Une vielle idée qui cherche à contourner la nécessaire transformation de la DIE en opérateur de l'État autonome à l'instar de ce qu'avaient mis en place La Poste et France Télécom pour leur immobilier, ce qui leur a permis, dans le passé, de baisser leur surface occupée de près de 40%.
Une nécessaire réduction des surfaces
Plus que jamais, les ministères se comportent en « quasi-propriétaires » et la Direction immobilière de l'État n'a aucun pouvoir. Un seul chiffre : celle-ci comporte 1.578 agents (dont la plus grande partie est affectée à des évaluations domaniales à la demande d'autres acteurs publics) quand les autres ministères consacrent à l'immobilier près de 10.058 agents. À l'heure où tous les acteurs privés font évoluer leur utilisation immobilière (réduction des surfaces par personne, développement du « flex office »), on se demande pourquoi l'État serait le seul à ne pas fournir à ses services un cadre de travail moins cher et plus attractif ?
Pour débloquer la situation actuelle, il faudrait supprimer les décotes Duflot qui sont dissuasives à la vente et lancer une politique plus offensive de réduction des surfaces et d'amélioration de leur qualité. Le schéma immobilier devrait être le suivant : en cinq ans atteindre 12 mètres carrés par agent et, en 10 ans, atteindre 10 mètres carrés par agent (le Royaume-Uni a atteint en 2017 9,9 m²/agent sur le plan national, soit une amélioration de 0,5 m²/agent en deux ans).
L'État libèrerait ainsi 30% de ses surfaces et, compte tenu de la nécessité de réinvestir dans des bâtiments en mauvais état et du déséquilibre Paris/province, l'État pourrait se fixer comme objectif de céder 15% de la valeur de son parc en 10 ans, soit 10 milliards d'euros.