Haut-Commissariat au Plan : «Pourquoi une administration de plus dans un pays déjà suradministré ?»
La création d'un Haut-Commissariat au Plan et à la Prospective fait partie des annonces du gouvernement dans le cadre du plan de relance de 100 milliards d'euros pour préparer la France de 2030.
Ce que l'on sait déjà
On sait déjà que le Haut-Commissariat sera «chargé d'animer et de coordonner les travaux de planification et de réflexion prospective conduits pour le compte de l'État et d'éclairer les choix des pouvoirs publics au regard des enjeux démographiques, économiques, sociaux, environnementaux, sanitaires, technologiques et culturels». Pour cela, le Haut-Commissariat aura les moyens de l'agence France Stratégie à sa disposition (un effectif d'une centaine de personnes et un budget annuel de 15 millions d'euros). Les grandes lignes de la mission du Haut-Commissaire seront annoncées via une lettre de mission signée par le président de la République, mais il devrait mener la réflexion de l'État sur des problématiques de longue durée comme sur la politique énergétique du pays ou l'avenir du système de retraite.
Le Commissariat au plan est, en France, une vieille histoire : il a été institué pour la première fois en 1946 afin de suivre les plans quinquennaux de l'État, et ce jusqu'en 1993. Bien que tombé depuis longtemps en désuétude, ce n'est qu'en 2006 que Dominique de Villepin, alors premier ministre, transforme le Commissariat général au Plan en Centre d'analyse stratégique. En 2013, un décret de François Hollande remplace le Centre par l'agence France Stratégie. C'est cette entité chargée de la prospective, actuellement sous la tutelle de Matignon, qui va se retrouver à disposition du Haut-Commissaire au Plan. On ne sait pas encore comment s'articuleront les échanges entre le Haut-Commissariat et France Stratégie, ni entre le Haut-Commissaire (François Bayrou doit voir sa nomination confirmée en Conseil des ministres cette semaine) et le Commissaire général de France Stratégie.
Le Haut-Commissariat au plan sera donc chargé de réfléchir à la France de 2030 (et peut-être aussi à celle de 2022). Mais dans le pays le plus dépensier, le plus taxé, parmi les plus endettés au monde, l'urgence n'était-elle pas que France Stratégie travaille plutôt directement pour le Parlement, dont la mission constitutionnelle (article 24) est d'évaluer les politiques publiques, et dont l'objectif numéro un, à l'heure actuelle, quand les caisses sont vides, devrait être d'évaluer l'efficience de chaque euro de dépense aux niveaux central, social et local ?
Et ce d'autant plus que le gouvernement a déjà des instances consultatives à sa disposition comme le Conseil d'analyse économique ou le Conseil économique et social et environnemental. Le Conseil d'analyse économique a par exemple pour mission «d'éclairer, par la confrontation des points de vue et des analyses, les choix du gouvernement en matière économique». Le Parlement, quant à lui, est sous doté en la matière et peine à exercer sa mission de contrôle de l'utilisation des deniers publics.
Attention à la suradministration
Peut-on vraiment penser que cette exhumation de la planification en 2020 va améliorer la situation de la France dans les prochaines années ? Le risque est grand qu'il s'agisse d'une administration de plus pour penser l'État à l'intérieur de l'État, et cela dans une France déjà suradministrée.
On voit poindre encore le réflexe de création d'une nouvelle strate avec l'annonce de la nomination dans les territoires de «sous-préfets à la transformation et à la relance». Leur objectif ? Faire « remonter tous les blocages administratifs de procédures». À croire que l'État ne dispose pas déjà de toute une administration déconcentrée, de la Banque de France, de la BPI, des préfets… pour le tenir informé.