Et maintenant, le tournant
Cela fait un an. Un an pour essayer ce qui ne marche pas et commencer à rétropédaler en direction de ce qui marche. C'est ce qu'a fait le président de la République aux assises de l'entrepreneuriat en reconnaissant : "c'est une évidence, mais parfois mieux vaut rappeler ce qui va de soi : ce sont les entreprises qui créent la richesse, qui créent l'activité et qui créent donc l'emploi".
[(Le journal Le Monde publie une tribune d'Agnès Verdier-Molinié, directeur de la Fondation iFRAP, à l'occasion du premier anniversaire de la présidence de François Hollande. Anniversaire marqué par la tenue à l'Élysée des assises de l'entrepreneuriat et par la conférence de presse du président de la République du 16 mai.)]
À elle seule, cette phrase marque le tournant que le président vient de prendre. Cette étape est fondamentale car elle tranche totalement avec le discours convenu qui voudrait que plus de dépenses publiques implique plus de consommation donc plus de produit intérieur brut (PIB), plus de croissance et plus d'emplois.
Le président fait bien de rappeler que l'emploi et la richesse se créent dans le secteur marchand et que seul ce secteur peut "ressusciter" la croissance en France. Au moment même où la Commission européenne confirme 2013 comme une année en récession de 0,1%, il est positif que le gouvernement reconnaisse ses erreurs et accepte de détricoter la contreproductive imposition au barème des plus-values des cessions d'entreprises.
La nouvelle version de l'imposition des plus-values devient maintenant - après 8 ans de détention dans une PME de moins de 10 ans - plus incitative que ne l'était la fiscalité des plus-values sous le précédent gouvernement, passant de 34,5% de taux d'imposition (IR+ cotisations sociales) à 23,75%.
"Priorité à la réduction des dépenses publiques"
En parallèle, le programme de stabilité de la France est désormais clair : "priorité à la réduction des dépenses publiques" avec un effort en 2014 de 70% sur les dépenses et à 30% sur les recettes en expliquant que "les études les plus approfondies montrent (...) qu'à moyen terme, les ajustements les plus durables et les plus favorables à la croissance sont ceux qui reposent sur une maîtrise de la dépense publique et sur les gains d'efficacité de la dépense publique", selon le document envoyé par Bercy à Bruxelles.
Justement, toujours aux assises de l'entrepreneuriat, le président a évoqué clairement le souci qui est le sien de mettre à exécution ce qu'il appelle le "choc de simplification" et qui n'est rien moins que l'application, certes tardive mais nécessaire, du dépenser moins pour les mêmes services publics : "J'ai annoncé il y a quelques semaines un choc de simplification. Pas facile, une fois que l'on a fixé la perspective de s'assurer de l'exécution !".
Jean-Marc Ayrault s'est d'ailleurs essayé le 3 mai à mobiliser 200 directeurs d'administration centrale et secrétaires généraux sur ce sujet pour "encourager, mobiliser davantage ceux qui ont la charge" de la Modernisation de l'action publique.
Il va vraiment falloir que notre administration s'engage au service de la baisse des dépenses publiques même si cela va un peu à l'encontre de ses codes. Pas facile mais c'est le challenge de ce quinquennat que de remettre à plat l'ensemble des missions et des échelons publics pour une meilleure organisation de nos services publics.
60 milliards d'euros
Là où la moyenne des pays de l'Union européenne dépense 24,5% de leur richesse nationale à produire les services publics, la France est à 27,7%. L'écart entre les deux représente 60 milliards d'euros.
En clair : nous payons nos services publics tous les ans 60 milliards de trop. Et cela est dû à l'empilement des strates, des niveaux de décision, aux financements croisés, à la multiplication des guichets publics.
Qui peut dire qu'il n'y a pas de redondance dans la dépense publique française alors que, quelle que soit la politique publique étudiée (éducation, culture, transports, aides aux entreprises, action sociale, aide au développement...), on ne peut que constater les doublons et les surcoûts ?
Imaginatives créations de taxes
L'État, les Collectivités locales et la Sécurité sociale doivent être étudiés dans leurs interactions pour aller beaucoup plus loin que feue la RGPP dans une grande redistribution des rôles où chacun aura une feuille de route bien délimitée et non pas une possibilité d'intervenir dans tous les domaines (clause générale de compétence).
Rendre la dépense publique efficiente peut redonner à la France ce souffle dont elle manque et éviter que, chaque année, nos budgétaires les plus inventifs se lancent dans d'imaginatives créations de taxes (pique-nique, Nutella, soda...) et augmentations des taux, toutes imaginées dans l'urgence pour combler les trous des budgets publics... et finalement freiner la croissance.
Augmenter les impôts et dépenser toujours plus d'argent public a déjà été essayé et nous a conduits droit au découragement des forces vives et au déficit chronique. La nouvelle méthode : stimulation de l'entrepreneuriat et baisse de la dépense publique devrait marcher si cela va au-delà de la com' gouvernementale.