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Entretien avec Xavier Fontanet : "Pourquoi pas nous ?"

Xavier Fontanet, chef d'entreprise français. membre du conseil d'administration du Groupe l'Oréal, Schneider Electric et du Centre des Professions Financières, répond ici aux questions de la Fondation iFRAP à propos de la sortie de son livre Pourquoi pas nous ? sur les réformes mises en place à l'étranger et dont la France pourrait s'inspirer.

Fondation iFRAP : Pourquoi avez-vous ressenti le besoin d'écrire un ouvrage sur les exemples de réformes menées à l'étranger ? Avez-vous le sentiment que la France a pris du retard ?

Xavier Fontanet : Cela s'est fait grâce à deux jeunes députés qui ont suivi mes cours de stratégie à HEC fin 2013, dans le cadre de ma fondation, et qui m'ont demandé de mettre mes idées sur le papier. Mon idée de base a été que : « si d'autres se sont réformés alors pourquoi pas nous ? ». Il est temps de tordre le cou à la soi-disant spécificité française qui empêche d'aller prendre les bonnes idées à l'étranger.

Ce livre a été écrit en quinze jours. En fait je me suis rendu compte que je le portais en moi. Ce qui a pris plus de temps c'est le travail de recherche sur les données économiques, sociales et fiscales. Cela a été un très gros travail de six mois. A ce titre, je voudrais remercier en particulier les équipes de PWC. Nous avons été chercher tous les taux marginaux des impôts et ce, en 2008 et 2014, dans vingt pays différents, afin de démontrer la folie des dernières lois fiscales en France. Je ne suis pas certain que, même a très haut niveau, nos dirigeants aient compris à quel point ils cassaient tout ressort : hélas, nos hommes politiques ne comprennent en général pas (il y a des exceptions) ce qu'est une entreprise. Les dégâts vont être durs à réparer.

Je suis d'un naturel positif, mais là, je suis inquiet, surtout quand je vois ces gâchis d'argent public. Alors que ceux qu'on a nommés ministres ne payent pas toujours leurs impôts ! L'erreur est permise, nous en faisons tous, mais l'erreur à répétition, ça, c'est beaucoup plus grave !

Fondation iFRAP : Quels sont les pays dont la France devrait s'inspirer en termes de réformes des politiques publiques et pourquoi ?

XF : Le plus intéressant dans les réformes à l'étranger, c'est qu'elles se sont attaquées à des domaines différents ; pour la réforme de l'État c'est le Canada et la Suisse qui sont les plus pertinents a étudier ; sur le marché du travail, c'est sans conteste l'Allemagne ; sur la santé et la retraite, l'Allemagne encore et la Nouvelle Zélande. Sur cette dernière réforme, les grandes lignes seraient que Schroeder a décidé que l'État ne renflouerait plus les caisses de santé et de retraite, il a ainsi forcé les reengineering notamment le recul de l'âge de départ à la retraite et mis en compétition plusieurs caisses de santé. En Nouvelle Zélande, cela a été une réforme copernicienne sur la santé et la retraite.

Fondation iFRAP : Quelles sont les réformes prioritaires à mener dans notre pays ? Avec quel calendrier ?

XF : Ma proposition est d'ouvrir cinq chantiers avec cinq Vices Premier ministres et mener cinq actions en parallèle : réforme régalienne, réforme régionale, travail, santé et retraite. Voilà les cinq chantiers. Les réformateurs ont toujours dit que chacun devait être impliqué.

Je commencerais par le travail : il faut aider les syndicats à sortir d'une logique de lutte des classes. Je pousserais à ce qu'ils fassent comme les Allemands, c'est-à-dire à couper tout lien avec tout parti politique pour remettre progressivement leurs engagements au plus près de l'entreprise.

Il faudrait retoucher la Constitution pour réintroduite le référendum plus fréquemment mais aussi réduire le nombre et revoir le statut des parlementaires, inscrire dans la Constitution le rôle social de l'entreprise comme le principe de l'ouverture au monde. Il faut enfin substituer au principe de précaution le principe d'expérimentation.

Une fois ce principe admis, je tenterais des expériences régionales comme par exemple gérer la police et la justice, l'éducation, le droit du travail au niveau d'une entité régionale de la taille d'un canton suisse. Il y a des tas de régions qui seraient prêtes à tenter l'expérience. Ces expériences, une fois réussies, pourraient être étendues. La Suisse démontre qu'une gestion très décentralisée est beaucoup plus efficace et que ça coûte beaucoup moins cher.

L'opinion publique doit comprendre que la situation est grave, car sans cette prise de conscience, rien de durable ne se fera. Il faut comprendre que l'on ne peut plus demander d'aide à un État en perte et surendetté. Il faut comprendre qu'un emploi même satisfaisant vaut mieux que le chômage. Il faut dire (et non pas cacher les chiffres) que c'est un drame de voir tous ces jeunes entrepreneurs quitter le pays… Il faut aussi que les fonctionnaires comprennent qu'ils ont intérêt à la réforme même s'ils ont de gros efforts à faire. Il faut qu'ils sachent ce qui s'est passé en Argentine et en Grèce, peut être que les drastiques baisses de salaires qu'on y a observées leur remettraient les idées en place.

Tout cela viendra, finalement, le jour ou les médias accompagneront une politique courageuse. Il faut qu'eux aussi ouvrent le jeu et fassent l'indispensable pédagogie de la réforme.

Fondation iFRAP : Pensez-vous que le gouvernement de Manuel Valls puisse aller dans le sens des mesures que vous évoquez ?

XF : Je ne suis pas le seul à défendre ces idées et de loin, restons modeste… De plus en plus de gens se mettent à parler, à débattre et c'est bien ! Ça veut dire que les esprits commencent à évoluer. Les Français sont tout a fait capables de tirer leur épingle du jeu.

Les solutions ne sont ni de gauche, ni de droite mais ce sont des solutions de bon sens. Il faut remettre du calme, de la fermeté mais aussi de la douceur, même si la situation est très dure et va l'être encore plus dans le futur.