Employés-réservistes : comparaison entre différents pays
Pour faire face aux menaces terroristes sur le territoire national a été votée la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense qui a assoupli pour le cas de « crise menaçant la sécurité nationale » les conditions du recours aux employés-réservistes de la réserve opérationnelle :
réduction du préavis que doivent respecter les employés-réservistes pour prévenir leur employeur de leur absence pour activités militaires de 30 à 15 jours pour le régime de droit commun et de 15 à 5 jours pour ceux ayant souscrit une clause de réactivité ;
augmentation du nombre de jours d'activité militaire (10 jours au lieu de 5 jours en temps ordinaire) que peuvent effectuer les employés-réservistes sur leur temps de travail sans avoir besoin de l'autorisation de leur employeur.
Cependant, aucune mesure incitatrice n'a été prise pour compenser les contraintes des employeurs face à ces nouvelles dispositions à l'exception des opérateurs ou d'établissements identifiés comme étant d'importance vitale dont les employés-réservistes « en cas de nécessité inhérente à la poursuite de la production de biens ou de services ou à la continuité du service public », peuvent être dégagés de leurs obligations au titre des aménagements du régime des réservistes salariés pour cause de crise menaçant la sécurité nationale.
En conséquence, il est présenté ci-dessous les droits des employeurs du secteur privé et de leurs employés-réservistes1 mis en place par quelques pays en vue de présenter in fine des propositions concrètes permettant aux employeurs de faciliter le rappel des employés-réservistes pour des activités militaires tout en leur assurant des compensations au titre de leur participation à l'effort demandé dans le cadre de la défense et la sécurité nationales.
Le système français
Le dispositif mis en place dès 1999 accorde aux employeurs le droit à l'assimilation de certaines périodes d'activités militaires (instruction et entraînement) des employés-réservistes à la formation professionnelle continue de l'entreprise et la possibilité de la récupération des coûts salariaux afférents à ces périodes2 au titre de la participation des employeurs au financement de la formation professionnelle continue prévue à l'article L. 950-1 du code du travail.
Les employés-réservistes ont droit :
au maintien de leur emploi - leurs contrats de travail étant suspendus pendant leurs périodes d'activité militaire ;
possibilité de maintien par les employeurs de tout ou partie des conditions de rémunération des employés-réservistes pendant leurs activités militaires selon certaines conditions relatives à la nature des périodes d'activités militaires.
Le système américain
En l'absence d'indemnisation des employeurs, le dispositif mis en place dès 1994 (loi USERRA) qui offre le statut le plus protecteur aux employés-réservistes, leur assure les droits suivants :
maintien de l'emploi selon des conditions de poste de travail définies en fonction des périodes d'absence : moins de 30 jours, entre 31 et 90 jours et au-delà de 90 jours ;
impossibilité de licenciement pendant une certaine durée définie en fonction de leurs durées d'absence qui suivent leur réintégration chez les employeurs ;
interdiction de toute discrimination fondée sur leur appartenance à la réserve ;
possibilité de bénéficier de congés payés lors des périodes d'activité militaire sous certaines conditions de durée.
Le système britannique
Le dispositif législatif mis en œuvre depuis 1997 accorde aux employeurs des indemnisations visant à :
compenser les frais relatifs à la recherche d'un nouvel employé ;
couvrir les frais d’heures supplémentaires engagés par suite de l’absence des employés-réservistes ;
défrayer les frais de recyclage engagés lors du retour des employés-réservistes.
Les employés-réservistes ont droit à :
la réintégration dans leur dernier emploi selon certaines conditions définies en fonction de la durée de la demande par rapport à la fin de leurs activités militaires, et en cas de litige, possibilité d'obtenir des indemnités de réparation ;
une protection sociale contre le licenciement à l'issue de leur réintégration pendant une période définie en fonction de son ancienneté chez l'employeur et en cas de litige possibilité d'obtenir une indemnité de réparation.
Le système canadien
Le dispositif législatif mis en place en particulier dès 2012 offre un programme d’aide aux employeurs qui est le suivant :
un dédommagement sous la forme d’une aide financière compensatoire pendant les absences de leurs employés-réservistes pendant leurs périodes d'activités militaires (entre 1 et 18 mois) : environ 400 Can $ par semaine d'absence totale des employés-réservistes ;
une aide matérielle pour le recrutement de travailleurs temporaires palliant l'absence des employés-réservistes.
Cependant, les employés-réservistes ne bénéficient pas :
- de la garantie du maintien de l'emploi civil à l'issue des périodes d'activités militaires ;
du droit automatique de salaires pendant leurs périodes d'activités militaires.
Le système espagnol
En l'absence d'indemnisation des employeurs, le dispositif législatif mis en place dès 1999 garantit la réintégration des employés-réservistes dans leur emploi précédent ou dans un poste similaire et rémunéré de la même façon, dans la même entreprise et au même endroit.
Le système belge
En l'absence d'indemnisation des employeurs, le dispositif législatif mis en place dès 2001 garantit aux employés-réservistes :
la suspension du contrat pendant les périodes d'activités militaires ;
l'interdiction de licenciement pendant les périodes d'activités militaires sous réserve de détenir un CDI et de respecter les délais d'information de l'employeur ; à défaut, l'employé-réserviste a droit à une indemnité de réparation.
Système néerlandais
En l'absence d'un système législatif, le ministère de la Défense conclut régulièrement des accords avec les employeurs volontaires visant à assurer zéro licenciement des employés-réservistes qui serait fondé sur les périodes d'activités militaires.
Conclusion
Certes, il est nécessaire de garantir les droits au maintien de l'emploi des employés-réservistes, sans quoi le ressource de volontaires pourrait se tarir. Cependant, il apparaît juste que les employeurs recoivent une aide financière significative visant à compenser leurs contraintes relatives aux périodes d'activités militaires des employés-réservistes.
Plusieurs pistes pourraient être examinées telles que celles mises en place par le système britannique (mais aussi australien) qui consiste à compenser les dépenses relatives :
au recrutement, à l’embauche et la formation des employés de remplacement ;
au paiement des heures supplémentaires des salariés en place par suite de l’absence des employés-réservistes ;
au recyclage professionnel des employés-réservistes lors de leur retour sur leur lieu de travail.
Mais est-ce que ce dispositif est suffisant au vu des employeurs français ? En effet, 76% d'entre eux ont réclamé l'octroi d'avantages fiscaux et l'abaissement de charges sociales comme l'a précisé le compte rendu de la direction des ressources humaines du ministère de la Défense (« Les employeurs et la réserve » de juin 2004 – Observatoire social de la Défense).
Un dispositif voté en 2006 prévoyait un crédit d'impôt accordé aux employeurs, calculé sur la base des salaires (avec un plafonnement à 30.000€) qu'ils versaient aux employés-réservistes pendant leurs périodes d'activités militaires supérieures à 5 jours avec une clause de réactivité inférieure ou égale à 15 jours. Mais devant les réticences du ministère des Finances qui le jugeait trop complexe, ce dispositif a été abrogé en 2007.
Dans le cadre de la création d'une « garde nationale » réunissant de façon fonctionnelle les réservistes des forces armées, de la gendarmerie et de la police nationales, mais qui n'est pas une structure organique, a été retenue le 11 octobre 2016 une réduction d'impôt relative à la mise à disposition par les employeurs des employés-réservistes dont les conditions de mise en œuvre méritent d'être précisées.
A ce titre, il convient d'examiner le système du mécénat des sapeurs-pompiers volontaires3. Il permet aux employeurs qui mettent à la disposition à titre gratuit des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) des employés sapeurs-pompiers volontaires pendant leurs heures de travail (confer l'article 238 bis du code général des impôts) de bénéficier d'une réduction d’impôt égale à 60% du montant des rémunérations dans la limite de 5‰ du chiffre d’affaires compte tenu qu'elle constitue un don en nature.
Encore faut-il pour le cas des employés-réservistes des forces armées, de la gendarmerie et de la police nationales adopter les mesures suivantes qui s'appuient sur le retour d'expérience du dispositif actuel du mécénat des sapeurs-pompiers volontaires :
en vue d'obtenir l'aval du ministère des finances : identification du coût spécifique du mécénat relatif aux employés-réservistes alors que celui des sapeurs-pompiers volontaires n'est pas précisé dans la déclaration spéciale n° 2069-M-SD sur laquelle est indiqué le montant total du mécénat global de l'entreprise ;
en vue de réduire les charges des employeurs : simplification de la procédure actuelle du mécénat par rapport à celle des sapeurs-pompiers volontaires en :
intégrant dans la déclaration de don, non seulement les périodes d'activités militaires pendant les heures de travail, mais aussi celles des activités de formation4 ;
déterminant un socle d'évaluation du don fait par les employeurs plus simple : pour les sapeurs-pompiers volontaires, il doit être actuellement évalué à leur prix de revient, charges sociales incluses, mais en déduisant les éventuels dédommagements versés par le SDIS aux entrepreneurs ; le don doit ensuite être réintégré extra-comptablement par l’entreprise sur l’imprimé 2058 A de la liasse fiscale ;
rationalisant les échanges d'information entre les employeurs et le ministère de la Défense en tirant des leçons de la procédure complexe des SDIS : pour leur permettre de remettre aux employeurs les attestations de dons, ces derniers leur adressent au préalable les dates et les heures d'intervention des sapeurs-pompiers volontaires, à charge aux employeurs de restituer sous leur propre responsabilité aux SDIS l'évaluation correspondante ;
intégrer les exploitants individuels (artisans, auto-entrepreneurs, professions libérales...) pour élargir le périmètre du vivier des volontaires-réservistes : ce qui n'est pas le cas des sapeurs-pompiers volontaires issus de ces catégories socio-professionnelles.
S'il est vrai que ce dispositif de mécénat a été rejeté en 2011, la situation actuelle des menaces terroristes sur le territoire national et les théâtres d'opérations extérieures, nécessite un accroissement de la capacité de la réserve des forces armées et de sécurité publique et civile au moindre coût.
Les avantages du rappel des employés-réservistes des forces armées, de la gendarmerie et de la police nationales sont :
la flexibilité de leur utilisation, notamment en ce qui concerne les périodes d'activités militaires ;
une moindre dépense par rapport à un recrutement supplémentaire de fonctionnaires et de contractuels même s'il ne faut pas s’exonérer d'établir une étude sur le différentiel financier entre leur RCS (pensions comprises) et les dépenses fiscales relatives à un mécénat pour les employés-réservistes.
1Environ un tiers de la totalité des employés-réservistes sont issus de la fonction publique.
2Si les employeurs maintiennent tout ou partie de la rémunération des employés-réservistes pendant leur absence
3Confer le programme 161 « Sécurité civile 2014 » de la Mission "Sécurités" du ministère de l'intérieur.
4Les activités de formation des sapeurs-pompiers volontaires n’ouvrent pas droit aux avantages du dispositif de mécénat d’entreprise mais relèvent des dispositions de l’article 8 de la loi n° 96-970 du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat chez les sapeurs-pompiers et sont admises au titre de la participation des employeurs au financement de la formation professionnelle continue prévu à l’article 950-1 du code du travail