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Croissance, rigueur, vrais objets du débat

Plus que 10 jours avant le 6 mai et il est encore temps de débattre sur le fond et de comparer les programmes. En tant que Fondation qui réfléchit sur les politiques publiques, l'iFRAP a mis à disposition des candidats une étude complète et chiffrée « 100 jours pour réformer la France », étude qui donne le planning des réformes à mener après les élections et met l'accent sur les mesures à prendre pour la croissance et pour baisser les dépenses publiques. François Hollande nous a répondu « Quelle attente ! Quelle exigence ! » et Nicolas Sarkozy nous a répondu : « Il ne peut y avoir de croissance forte sans une maîtrise de nos déficits et une réduction de la dette ». Oui, nous sommes exigeants car la situation de la France nécessite cette exigence.

Nous assistons à un débat sur les questions de rigueur et de croissance. La croissance ne serait pas compatible avec la rigueur. Mais baisser les dépenses publiques dans un pays dans lequel elles représentent 56% du PIB peut-il vraiment être appelé de la rigueur ? Nous avons chiffré qu'il est tout à fait possible d'économiser 129 milliards d'euros tout en gardant un niveau important de services publics. En ce qui concerne la croissance, les freins, ceux du financement du risque et ceux du marché du travail sont tellement importants en France, qu'il ne serait pas difficile de les desserrer pour faire repartir l'activité.

C'est d'ailleurs dans ce sens que le Président de la banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi a déclaré à la Commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, mercredi 25 avril, que « L'action des gouvernements européens dans "le domaine fiscal, financier et structurel" devrait être "complétée" par des "réformes structurelles en faveur de la croissance pour faciliter l'activité entrepreneuriale, la création de nouvelles entreprises et d'emplois ».

Ces mesures, en tout cas pour la France, ce sont clairement celles que la Fondation iFRAP a proposées dans son étude sur les 100 jours : flexibiliser le temps de travail et le SMIC, assouplir les conditions de licenciement pour embaucher plus facilement, réformer la rigidité des seuils sociaux, faire baisser le coût du travail et mettre en place un plan start-up qui draine les investissements vers la création de nouvelles entreprises et de nouveaux emplois. Ces mesures ne coûteraient rien aux caisses publiques (rapporteraient même selon nos chiffrages 70 milliards d'euros de recettes nouvelles sur cinq ans) et permettraient, comme le souhaite Mario Draghi, de faciliter l'activité entrepreneuriale. Et ce alors même que le rapport d'Eurostat publié hier sur le coût du travail confirme que la France a perdu du terrain par rapport à l'Allemagne, avec un coût du travail de 34,20 euros contre 30,10 outre-Rhin.

C'est la clé de notre avenir, favoriser nos entreprises en leur permettant de grandir et de prospérer plutôt que de les taxer pour distribuer du pouvoir d'achat à des consommateurs qui achèteront des produits importés. Choisir l'offre plutôt que la demande. La relance par l'arrosage d'argent public est une impasse. A ce point, nous devons éclaircir une question : de quelle croissance parle-t-on ? Car la conception française semble parfois aux antipodes de celles de nos voisins européens avec la logique bien hexagonale qui voudrait que la croissance vienne de l'augmentation des dépenses publiques.

Pour évaluer l'écart de conception avec nos partenaires européens, il suffit de relire la lettre commune « un plan pour la croissance en Europe » d'une douzaine de chefs d'État européens (David Cameron pour le Royaume-Uni, Mario Monti pour l'Italie, Mariano Rajoy pour l'Espagne, Frederik Reinfeldt pour la Suède) datée du 20 février 2012 qui demande d'« agir de manière décisive à améliorer les possibilités d'investissement pour les start-ups innovantes à croissance rapide des entreprises et des petites entreprises, en créant un système efficace de capital-risque à l'échelle européenne », de « promouvoir le bon fonctionnement des marchés du travail qui offrent des possibilités d'emploi » et de « prendre des mesures supplémentaires pour réduire le nombre de professions réglementées en Europe ».

A la lecture du programme des 100 jours de François Hollande, on comprend mal ce qui pourrait permettre la croissance des entreprises. Ce ne sont pas l'encadrement des licenciements boursiers, la banque publique d'investissements, l'augmentation des charges sur les salaires pour financer les départs en retraite à 60 ans ou les 23 mesures annoncées sur les entreprises dont 16 (augmentations de l'IS, une réforme de la réforme de la taxe professionnelle, l'augmentation des cotisations patronales ou la suppression de certains allégements, notamment sur les heures supplémentaires, de nouvelles taxes comme l'impôt de bourse ou la taxe sur les activités financières etc) représentent des hausses d'impôts pesant sur les entreprises pour un montant total de 25,7 milliards qui pourront permettre à nos entreprises de créer à nouveau de la richesse.

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Qu'est-ce que le TSCG (traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance) ? Il s'agit d'un amendement au Pacte de stabilité européen. L'idée est simple, accroître la pression sur les états pour assainir leurs finances publiques. Les deux dispositions majeures sont les suivantes :
- Un premier volet correctif : obligation de programmer une trajectoire rapide de retour à 3% de déficit sous peine d'amende de 0,2% PIB si l'état ne prend pas des « mesures suivies d'effets » (c'est-à-dire des mesures concrètes)
- Un volet préventif sitôt les 3% atteints, afin de converger vers l'équilibre ensuite de 0,5% PIB/an
- Un second volet correctif visant à partir de la 4ème année suivant le retour en dessous des 3% de déficit (où logiquement le pays doit se trouver à -1%, de réduire d'1/20ème chaque année sa dette jusqu'à atteindre les 60% de PIB). )]

Henri de Castries, président d'Axa a bien souligné aujourd'hui que les investissements doivent se faire non pas par l'argent public mais par le privé et que l'épargne des Français ne doit plus être uniquement captée pour financer la dette publique. Trois mesures phares proposées par François Hollande sont d'ailleurs défavorables à l'investissement de long terme dans la création de richesse car elles désinciteront les particuliers à investir : retour à l'ISF d'avant la loi TEPA, imposition des revenus du capital (pour ce qui concerne au moins les valeurs mobilières) et la tranche d'IR à 75%. Ces mesures vont à l'encontre de l'objectif commun que devront se fixer les partenaires européens pour permettre aux entreprises européennes de générer la croissance dont l'Europe a besoin.

En parallèle, la baisse des dépenses publiques permettra de retrouver la souveraineté de la France vis-à-vis des marchés. Sur ce point, François Bayrou ne s'est pas trompé quand il écrit aux deux finalistes de l'élection présidentielle : « C'est ainsi, et seulement ainsi, par la vérité et l'unité que la France pourra regarder en face les conditions de son redressement. Et d'abord de son redressement financier. […] Pour moi, la décision constitutionnelle, inscrite dans le traité européen, de renoncer pour l'avenir aux facilités du déficit, du moins en période de croissance, la « règle d'or », doit s'imposer à tous les pays qui ont l'euro en partage. Non pour faire plaisir aux « marchés », ou à « Bruxelles », mais parce que c'est le seul moyen d'éviter pour la France et les Français, particulièrement pour les plus fragiles, la catastrophe sociale qui s'annonce. »

En reposant l'exigence budgétaire comme gage de notre autonomie et de notre souveraineté, François Bayrou nous invite à regarder d'un peu plus près les programmes budgétaires des deux candidats à la présidentielle.

Ceux-ci se déclinent comme suit : [(

Tableau 1 : les projets des deux candidats
(En milliards d'euros)UMP (objectif zéro déficit en 2016)PS (objectif zéro déficit en 2017)
Pertes de recettes annoncées pendant la campagne -5,5 -5
Dépenses supplémentaires -4 -15
Réduction des dépenses 40 4,5
Recettes supplémentaires 13,5 44,5
Mesures non intégrées dans le chiffrage des candidats* -5,3 -10,3
Total4429

* Source Institut de l'entreprise )]

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Tableau 2 : comparaison des projets des deux candidats
(En % du PIB)2011201220132014201520162017
Différentiel Sarkozy/Hollande sur le désendettement 0,0 0,5 0,8 1,0 0,8 0,1 0,0
Différentiel Sarkozy/Hollande sur les dépenses publiques 0,0 -0,7 -1,3 -1,7 -2,0 -2,1 -2,0
Différentiel Sarkozy/étalement 2017 sur les dépenses publiques 0,0 0,0 0,0 -0,4 -0,6 -0,9 -0,9
Différentiel Sarkozy/Hollande sur les recettes publiques 0,0 -0,7 -1,3 -1,3 -1,4 -1,2 -1,1
Différentiel Sarkozy/étalement 2017 sur les recettes publiques 0,0 -0,6 -1,3 -1,4 -1,4 -1,3 -1,5
Sources : Programmes des candidats, rapport du Sénat Programme de stabilité 2012-2016, Fondation iFRAP
1. Si le projet Hollande par la lourdeur de ses prélèvements obligatoires parvient à un désendettement public plus rapide, seul le projet de Nicolas Sarkozy permet de desserrer plus rapidement la contrainte budgétaire (à cause de l'effet important des économies en dépenses sur le solde).
2. Note : les références en bleu représentent la comparaison entre le dispositif Sarkozy et un « simili-Hollande », c'est-à-dire un programme similaire à celui du candidat Sarkozy pour la croissance anticipée mais avec les projections de François Hollande réalisé par la Commission des finances du Sénat. )]

C'est un devoir de vérité qui s'impose dans cet entre deux tours. Ensuite, les bonnes mesures devront être prises rapidement, au-delà des idéologies et l'idéal serait que ces mesures soient convergentes entre les partenaires de la zone euro aussi bien au niveau budgétaire qu'au niveau des mesures à prendre pour la croissance.

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Pour un comité budgétaire indépendant La Fondation iFRAP a longtemps milité pour l'introduction d'un juge impartial des perspectives de croissance pour l'évaluation de la crédibilité des programmes de stabilité français mais aussi pour la confection de lois de programmation des finances publiques. A l'instar de nos plus proches voisins européens, le gouvernement actuel semble se convertir à cette approche de bon sens. François Baroin Ministre de l'Économie et des finances a ainsi affirmé le 11 mars 2012 devant la Commission des finances du Sénat que « Le gouvernement est favorable à l'idée de faire établir les prévisions macroéconomiques par un organisme indépendant. » tout en soulignant que l'idée était contenue intrinsèquement dans le nouveau traité budgétaire européen (TSCG voir supra). Celui-ci a jouté « Nous ferons des propositions pour le PLF 2013 et la Commission fera des suggestions pour améliorer la gouvernance statistique. Ce qui ne dévalue en rien les travaux de l'INSEE, dont l'indépendance ne saurait être contestée. ». La Fondation iFRAP souhaite que cette « conquête historique », pour reprendre les termes utilisés par Philippe Marini, Président de la Commission des finances du Sénat, se concrétise quelque soit le vainqueur de l'élection présidentielle en cours. Afin qu'émergent enfin une évaluation qui puisse se faire le relai des prévisions de conjoncturiste (consensus Forecast) indépendants. )]