Comparatif SMA, EPIDe et Service militaire volontaire
La récente actualité a remis à l'ordre du jour l'idée d'un service militaire volontaire plus spécifiquement tourné vers les jeunes en difficulté... sauf que ce service existe déjà et sous 3 formes différentes. Cette note sert à mettre en évidence les doublons, les aspects des missions et des moyens mis en œuvre dans le domaine civil de l’insertion des jeunes en difficulté via 3 dispositifs de service volontaire sous la tutelle du ministère de la Défense. Et ce, dans une logique de rationalisation de mise en œuvre d'objectifs et de moyens dans un cadre financier contraint par la réduction nécessaire du déficit budgétaire national.
Quels sont les organismes créés ?
Le service militaire adapté (SMA) rattaché au ministère de l'outre-mer (MIOM) avec une gouvernance assurée par un conseil consultatif composé de représentants des ministères du travail (commission nationale de la certification professionnelle, délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle), des affaires sociales et de la santé (agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances), de l'outre-mer (agence de l'outre-mer pour la mobilité, délégué général à l'outre-mer, général commandant le SMA (COMSMA)) et de la défense (état-major des armées - EMA) ;
L’Etablissement public d'insertion de la défense (EPIDe)1 qui est sous la triple tutelle des ministères :
- du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social,
- de la ville, de la jeunesse et des sports,
- de la défense (MINDEF).
Le service militaire volontaire (SMV) rattaché au ministère de la Défense (MINDEF).
Pourquoi et quand ont été créés ces 3 organismes ?
Le SMA a été crée en 1961 face à l'urgence socio-professionnelle et politique aux Antilles (importantes émeutes en décembre 1959 de la jeunesse frappée par un chômage endémique), dispositif qui s'est étendu progressivement aux autres DOM-COM en raison notamment de problèmes similaires et codifié par l'arrêté du 30 septembre 1991 portant organisation et missions ;
L'EPIDe a été créé suite aux émeutes de 2005 dans les banlieues françaises suite à des violences urbaines qui ont commencé à Clichy-sous-Bois à la suite de la mort de deux adolescents le 27 octobre 2005 électrocutés dans l'enceinte d'un poste électrique alors qu'ils cherchaient à échapper à un contrôle de police ; cette situation a débouché sur l'ordonnance du 2 août 2005 suite au discours de politique générale du Premier ministre qui s'était déclaré favorable à la transposition sur le territoire métropolitain du savoir-faire du SMA en matière d'insertion professionnelle ;
Le SMV a été crée suite aux attentats terroristes de janvier 2015 qui ont donné lieu à la diffusion de l'arrêté du 30 juillet 2015 portant organisation et missions du SMV qui précise son caractère expérimental.
Quel est le public concerné ?
Ces 3 organismes concernent les jeunes en difficulté d'insertion socio-professionnelle : reposant sur la base du volontariat2, ils sont ouverts aux jeunes résidant sur le territoire national français sans qualification professionnelle, sans emploi, en situation de retard ou d’échec scolaires, voire en risque de marginalisation :
- le SMA qui concerne les ultramarins nationaux âgés entre 18 et et 26 ans3,
- l'EPIDe qui inclut aussi les étrangers sous réserve d’être en situation régulière et d’avoir une autorisation de travail, âgés entre 17 et 26 ans,
- le SMV qui concerne les nationaux de métropole âgés entre 18 et 25 ans (SMV).
Quels sont les objectifs de ces organismes ?
Leur mission qui est sensiblement identique, est de garantir l'insertion socioprofessionnelle des stagiaires à partir d'une formation leur permettant d'acquérir un savoir et un savoir-faire (attribution de brevets et de qualifications), un savoir-vivre (assimilation aux règles de vie en collectivité), un savoir-être (valorisation du dépassement de soi), un savoir-donner (participation à des missions d'aide aux populations locales sur le territoire national et à l'étranger en ce qui concerne le SMA, voire le SMV) à partir d'un accompagnement social individuel pour régler les difficultés passagères et construire un projet d'avenir.
Quelle est la formation civile donnée par ces organismes ?
- le permis de conduire délivré par les 3 organismes avec leurs propres moyens ;
- une formation professionnelle (BTP, différents services, industrie à forte main d'œuvre...) assurée essentiellement en régie et avec le concours de dispositifs extérieurs de formation et des entreprises débouchant sur des certificats validés ;
- une formation de remise à niveau scolaire avec leurs propres moyens par les 3 organismes ;
- diverses formations (bureautique, prévention santé et environnement...) avec leurs propres moyens par les 3 organismes.
Quelle est la formation militaire donnée par ces organismes ?
- pour le SMA : formation militaire de base (1 mois) avec maniement des armes individuelles ;
- pour l'EPIDE : aucune ;
- pour le SMV : formation militaire de base sans maniement des armes individuelles.
Quelles sont les durées de stage ?
- pour le SMA : en fonction du profil du volontaire, soit un cursus long (8, 10 ou 12 mois) s'il est sans diplôme et cumule des difficultés de tout ordre, soit un cursus court (6 ou 8 mois) s'il est titulaire d’un CAP ou BEP, ou au chômage depuis un an et plus
- pour l'EPIDe : en fonction des besoins du volontaire, de 8 et 24 mois (moyenne : environ 10 mois) ;
- pour le SMV : précisée dans l''article 23 de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 qui stipule que « Le contrat de volontaire stagiaire du service militaire volontaire est souscrit pour une durée minimale de six mois, renouvelable par période de deux à six mois, et pour une durée maximale de douze mois ».
Quels sont les places de stage offertes aux de volontaires de ces organismes ?
- pour le SMA : en 2014, environ 5 500 places offertes dans l'année pour prés de 4 200 ETPT (Équivalent Temps Plein Travaillé) de volontaires ;
- pour l'EPIDE : en 2014, 2 085 places offertes dans l'année pour 3 500 ETPT de volontaires ;
- pour le SMV : 1 000 place offertes pour 2016, pouvant être porté à 2 000.
Quels sont les taux de réussite de ces organismes ?
Le SMA et l'EPIDe enregistrent des taux de réussite relative à l'insertion professionnelle des jeunes relativement identiques qui sont de l'ordre de plus de 70%.
Quelles sont les structures de ces organismes ?
- pour le SMA : un commandement du SMA4 dirigé par un général5 ayant autorité sur les formations militaires (régiment et groupement)6 basées dans les DOM-COM hors Wallis et Futuna7 et Saint-Pierre et Miquelon auxquels se rajoute le détachement de Périgueux qui a pour mission de former les cadres, les engagés volontaires (en tant que moniteurs) et les volontaires techniciens du SMA (en tant que aide-moniteurs) ;
- pour l'EPIDE : une direction de cet établissement public8 supervisé par un conseil d'administration et qui a autorité sur 18 centres répartis9 sur le territoire métropolitain ;
- pour le SMV : un commandement du SMV10 et dirigé par un général ayant autorité sur 3 centres (Lorraine, en 2015, basé à Montigny-lès-Metz, Île-de-France, en 2015, à Brétigny-sur-Orge, Poitou-Charentes, à La Rochelle, en janvier 2016), auxquels pourrait s'ajouter, sous réserve de la décision du gouvernement celui à Varennes sur Allier à créer.
Quelles sont les sources de financement de ces organismes ?
- pour le SMA : 203 millions d'euros (avec charges de personnel) et 69,46 millions d'euros en 201311 (hors masse salariale12) attribués comme suit : MIOM : 74,47%, Fonds de concours européen : 23,16 %, collectivités territoriales : 2 % et autres ressources (dont la taxe d'apprentissage) : 0,36 % ;
- pour l'EPIDe : 80 millions d'euros (dont 54% dédiés aux charges de personnel) en 2014 attribués comme suit : subventions étatiques : 84 % (ministères de l'Emploi et de la Ville), Fonds de concours européen : 12 % ; autres ressources dont la taxe d’apprentissage : 4 % ;
- pour le SMV : 40 millions d'euros (dont 30 millions d'euros au titre de la masse salariale) en prévisionnel provenant du MINDEF, mais non consolidés à ce jour.
Quel est l'encadrement de ces organismes ?
- pour le SMA : cadres militaires d'active auxquels s'ajoutent les engagés volontaires du SMA (comme moniteurs) et les volontaires techniciens du SMA (comme aide-moniteurs),
- pour l'EPIDE : fonctionnaires et contractuels civils auxquels s'ajoutent des militaires en retraite (environ 20 à 30 % du total) par voie de contrat,
- pour le SMV : cadres militaires d'active et de réserve (à priori pour ces derniers 30% du total) auxquels devraient s'ajouter des volontaires employés comme moniteurs et aide-moniteurs.
Quels sont les effectifs d'encadrement et d'environnement de ces organismes ?
- Pour le SMA : environ 800 ;
- Pour l'EPIDE : environ 920 ;
- Pour le SMV : environ 300 pour 1 000 volontaires.
Conditions du soutien des jeunes dans ces 3 organismes ?
Les jeunes sont accueillis dans le cadre d'internat (nourri et logé gratuitement, port d'un uniforme visant à éliminer toute discrimination sociale) reposant sur une discipline et un règlement intérieur stricts.
Les salaires des volontaires stagiaires sont les suivants :
- pour le SMA : 340 € mensuels,
- pour l'EPIDe : 201 € mensuels avec une prime mensuelle de 90 € versée en fin de contrat,
- pour le SMV : environ 300 € mensuels.
Quelle est la tenue des volontaires de ces organismes ?
- Pour le SMA : tenue militaire
- Pour l'EPIDE : tenue uniforme de type civil
- Pour le SMV : tenue militaire
Conclusion
Une 1ére occasion a été manquée en 2005 de confier la mission de l'insertion professionnelle des jeunes en difficulté au SMA à un organisme unique plutôt de nature civile car la formation opérationnelle (de longue durée tout au long de leur carriére13) des militaires ne milite pas pour leur engagement dans ce type de mission alors que le nombre et la nature des OPEX nécessitent leur mobilisation.
Une 2éme occasion a été manquée en 2015 puisqu'à côté des SMA et EPIDe, a été décidé de créer un 3éme dispositif – le SMV dont les missions doublonnent avec celles des 2 premiers organismes.
L'objectif de confier aux militaires du SMA la mission d'insertion socio-professionnelle des jeunes français en difficulté originaires des DOM-COM trouve sa source dans l'histoire du 2nd empire colonial français avec des stratèges militaires comme les généraux Galliéni et Liautey14 qui ont théorisé la mission de l'armée dans le développement et la mise en valeur des colonies qu'ils ont mis en pratique respectivement au Tonkin et à Madagascar pour le premier, et au Maroc pour le second.
Cependant, la nature et le nombre important des OPEX dans laquelle est engagée la France ne militent pas pour une dispersion des ressources humaines militaires des forces armées15 du MINDEF dans des fonctions civiles telle que l'insertion socio-professionnelle des jeunes en difficulté sur le territoire national.
Et surtout, dans une logique de rationalisation budgétaro-finaciére et comptable, il serait opportun de fédérer ces 3 dispositifs mais aussi d'autres16 dans un organisme unique civil17 sous tutelle de départements ministériels chargés du domaine d'intervention au profit de populations en difficulté socio-professionnelle, ce qui n'est pas la mission du MINDEF et de confier cette mission à des personnels civils ayant la formation adéquate en lieu et place de militaires d'active18.
1L'appellation Défense se réfère à l'initiative du MINDEF relative à la création de cet organisme pour lequel il a participé à la montée en puissance avec la cession d'emprises militaires et de matériels de vie courante (restauration, hébergement...).
2Les stagiaires sont recrutés grâce à un réseau de partenaires prescripteurs composé de Pôle emploi, des Missions locales d’insertion et de différents acteurs du monde associatif spécialisés dans le soutien social.
3Le dispositif mis en place par la loi du 26 décembre 2011 permet de proposer aux mineurs délinquants âgés de 16 à 18 ans, à titre d’alternative à une peine d’incarcération et sur la base du volontariat, d’accomplir un contrat de service.
4Basé à Paris au sein du MIOM.
5Sous l'autorité organique du chef d'état-major des armées et détaché pour emploi auprès du MIOM
6Dont les chefs de corps sont subordonnés aux commandants supérieurs (COMSUP) des forces de souveraineté dans les DOM-COM.
7Le programme « Cadres pour Wallis-et-Futuna » permet à ses bénéficiaires d'acquérir les diplômes nécessaires pour occuper, à leur retour, des postes à responsabilité. Ces formations peuvent avoir lieu en métropole, en Nouvelle-Calédonie ou en Polynésie française.
8Basé à Malakoff (92).
9Le 27 avril 2015, le Président de la république a annoncé l'ouverture en 2016 de 2 nouveaux centres dans le sud-ouest (Nîmes et Toulouse).
10Sous autorité du chef d'état-major de l'armée de terre, basé à Arcueil.
11Pour un volume de 4 007 ETPT.
12L'intégration de la masse salariale de l'encadrement fait monter le budget à 201 millions d'euros compte tenu de la nature des soldes (associant diverses et primes) des militaires dont le montant est relativement plus important que les salaires des cadres civils de l'EPIDe.
13Les militaires doivent être mobilisés à la défense des intérêts de la France et de ses citoyens dans les parties du monde.
14Suivis en cela par nombre d'officiers des troupes coloniales comme le colonel Monteil qui a développé l'action sociale de l'Armée dans son opuscule « Vade-mecum de l'officier d'infanterie de marine » s'ajoutant au volet militaire des conquêtes en outre-mer.
15D'autant que la France demande instamment à ses partenaires européens de participer aux OPEX en invoquant l'article 42-7 des traités européens prévoyant une clause de solidarité en cas d'agression contre un pays de l'UE.
16A titre d'exemple, il existe aussi d'autres dispositifs tels que les « Chantiers de développement local » qui permettent, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie et à Wallis-et-Futuna, d'assurer aux plus démunis des revenus en échange d'un travail d'intérêt général, et le programme « Jeunes stagiaires du développement » d'un fonctionnement identique au précédent réservé aux jeunes de 18 à 26 ans.
17Les postes budgétaires de militaires consacrés au SMA et au SMV devant être redéployés dans des forces opérationnelles basées en métropole.
18Même si peut être offerte aux militaires retirés du service actif l'occasion de rentrer par voie de contrat dans ce dispositif compte de leurs qualités d'encadrement.