Capacités opérationnelles des armées : bilan 2010-2017
La déflation des effectifs militaires s'est accompagnée aussi d'une réduction du nombre des systèmes d'arme et donc des capacités opérationnelles des forces armées. C'est ainsi qu'à partir des sources diffusées dans les dossiers annuels « chiffre clés de la Défense », il est présenté pour chaque armée la liste de leurs matériels majeurs, ainsi que leur age, entre 2010 et 2017.
Concernant l'armée de terre
L'armée de terre dispose d'un parc important de matériels de mobilité terrestre (355 blindés chenillés et 6.279 blindés à roues), d'une composante aérienne non négligeable (304 hélicoptères, 13 avions et 63 drones) et de prés de 1.300 postes de tir de missiles antichars et anti-aérien – confer le tableau qui présente les principales données ci-dessous :
Cette présentation met en évidence les éléments suivants :
- une réduction de 25% du parc des chars Leclerc dont le remplacement doit être envisagé compte tenu de son âge en 2017 : environ 24 ans (confer l'article du 23 mai 2017),
- une obsolescence du parc des chars canons à roue (AMX 10 RC et SAGAIE ERC 90) dont le maintien en condition est de plus en plus coûteux,
- un nombre important de véhicules de l'avant blindé (VAB1 – 2.661 en 2017) dont l'âge avancé approche les 50 ans,
- le vieillissement des engins blindés chenillés sur châssis AMX 30 (génie, artillerie et dépannage) qui datent des années 1970,
- une hétérogénéité du parc d'artillerie lourde qui mérite d'être harmonisé dans les prochaines années : en 2017, sur les 121 canons de 155 m/m, il y a environ 70 canons CAESAR de conception très récente, le reste étant partagé entre les automoteurs AUF1 (environ 30 pièces) et les canons tractés TR F1.
Concernant le remplacement des VAB, il y a lieu de s'interroger sur la pertinence de réaliser les programmes GRIFFON et JAGUAR alors que le VBCI déjà opérationnel et sa version char canon-missiles T40 pourraient très bien satisfaire les besoins de l'armée de terre. Il semble que le choix de ce programme a été décidé en vue de faciliter les exportations des GRIFFON (confer l'article du 20 septembre 2015) alors qu'a pu être enfin signé en décembre 2017 un contrat de vente de 490 VBCI au Qatar.
Concernant la marine nationale
La marine nationale dispose d'une flotte de bâtiments importante : 10 sous-marins, 68 bâtiments de combat et 101 bâtiments de soutien auxquels s'ajoute un parc de 80 avions de combat et de 103 hélicoptères (dont environ 80% ont plus de 30 ans) – confer le tableau qui présente les principales données ci-dessous :
Cette présentation met en évidence la nécessité de :
- réaliser un 2éme porte-avions compte tenu que le BREXIT pourrait priver l'UE de la capacité aéronavale britannique (confer l'article du 6 octobre 2016),
- lancer le programme du renouvellement des 3 bâtiments de commandement et de ravitaillement (BCR) qui ont plus de 35 années d'âge (confer l'article du 30 mars 2017),
- respecter le programme du remplacement des 6 sous-marins nucléaires d'attaque (type Rubis) par 6 autres (type Barracuda) et qui est actuellement le suivant : livraison du 1er en 2018, puis des 5 autres de 2019 à 2029.
Concernant le remplacement de frégates de 1er rang, il convient de noter l’inopportunité de la décision prise lors du précédent quinquennat de réduire le programme des frégates FREMM de 17 à 8 et de réaliser 5 frégates de taille intermédiaire (FTI) moins bien armées et avec un équipage plus nombreux mais, selon le secteur industriel, pouvant être plus aisément exportables compte tenu de son coût (confer l'article du 13 février 2017).
Concernant l'armée de l'air
L'armée de l'air dispose d'une flotte d'aéronefs importante en nombre (492 avions et 76 hélicoptères dont environ 40% ont 40 ans (PUMA) et de nature très variée auxquels s'ajoutent 10 drones – confer le tableau qui présente les principales données ci-dessous :
Cette présentation met en évidence les éléments suivants :
- une diminution de 10% du parc d'avions de combat, alors que la lenteur de la montée en puissance de l'équipement en RAFALE se traduit par le maintien en service des MIRAGE 2000 qui ont 30 ans d'age,
- l'obsolescence du parc d'avions de transport (C 160 TRANSALL et C 130 HERCULES) et une lente arrivée des AIRBUS 400 M,
- le vieillissement des avions ravitailleurs alors que ne devrait être livré qu'en octobre 2018 le 1er AIRBUS 330 MRTT sur une flotte totale de 12 (il convient de noter que ces avions doivent aussi remplacer les 5 avions AIRBUS 310 et 340) et dont le dernier arrivera en 2025 (confer l'article du 18 mars 2017).
Pour faire face aux problèmes de capacité en matière de transport,il a été décidé la création d'un futur escadron de transport franco-allemand sur la BA 105 d'Évreux qui sera composé de :
- pour la France : 2 avions C-130J-30 et 2 avions KC-130J Super Hercules commandés en janvier 2016 par la Direction Générale de l'Armement (DGA), le 29 janvier 2016, auprès de l'US Air Force, dans le cadre d’une procédure d’acquisition FMS (Foreign Military Sales) et qui devraient être livrés en 2018 et 2019,
- pour l'Allemagne : 6 C-130J Super Hercules qui devraient être commandés à l'US Air Force en 2019 pour une première livraison en 2021.
Conclusion
Il convient de préciser que les matériels majeurs des armées sont fortement sollicités en OPEX dont la nature a changé depuis le début des années 2000 : aux opérations de maintien de la paix ont succédé des interventions de contre-insurrection sur plusieurs théâtres : Afghanistan de 2001 à 2014, Libye en 2011, Bande sahelo-sarahienne depuis 2013, Irak depuis 2014, qui se traduisent par l'usage intensif des systèmes d'armes engagés, notamment les blindés à roues, les canons, les mortiers et les aéronefs (avions et hélicoptères).
En outre, un nouveau théâtre d'opération qui a mobilisé plus de 6.000 personnels entre 2015 et 2017 est à prendre en compte. En effet, la France contribue régulièrement aux mesures d’assurance de l’OTAN envers ses alliés d’Europe centrale et de l’Est, notamment dans le cadre de la Présence avancée renforcée de l’OTAN décidée lors du Sommet de Varsovie en juillet 2016 avec les actions suivantes :
- participation de l’armée de l’Air depuis 2007 aux missions de police du ciel de l’OTAN,
- déploiement d'un sous-groupement tactique interarmes (Chars LECLERC, VBCI, canons CAESAR, engins du génie – 300 personnels) au sein de battle group britannique en Estonie (2017) et allemand en Lituanie (2018),
- participation de la marine à une grande partie des exercices et des missions de surveillance maritime de l’OTAN réalisés dans la mer Baltique, en mer de Norvège et en mer du Nord, mais également en mer Noire
La programmation de la réalisation des matériels doit tenir compte de la position diplomatique de la France en tant que puissance mondiale et européenne et de ses objectifs stratégiques, tout en notant que la majorité des conflits se situe sur les zones côtières. A cet égard, la marine dont une bonne partie de sa flotte de surface est âgée, apparaît comme un outil majeur compte tenu que la France dispose notamment du 2ème espace maritime au monde, et la composante nucléaire aérienne suppose la mise en place d'avions ravitailleurs performants dans les meilleurs délais.
Le lancement des programmes doit aussi s'appuyer sur l'obsolescence des matériels tels les hélicoptères, outil important en OPEX, dont le parc des 3 armées présenté ci-dessus met en évidence un vieillissement important. C'est ainsi qu'il faut espérer que le projet de l’hélicoptère interarmées léger (HIL) qui doit remplacer les flottes d'Alouette III, de Dauphin SP et de Fennec sera poursuivi.
De plus, il apparaît effectivement nécessaire :
- de développer des partenariats européens en vue de la réalisation de matériels majeurs : exemples, avion et char de combat (et ses dérivés : génie, dépannage...)
- de trouver une juste adéquation entre la satisfaction des besoins des armées et les exportations des systèmes d'armes qui permettent de réduire les coûts d’acquisition par le ministère des armées.
Certes le dégel de 700 millions d'euros obtenus en décembre 2017 par le ministère des armées est une bonne nouvelle si, toutefois, il profite en priorité au programme 146 « équipement des forces ». Cependant, ce ministère doit engager une profonde réforme de ses structures de soutien courant essentiellement assurées par des personnels civils telles que :
- le secrétariat général de l'administration (SGA) : exemple : la direction des ressources humaines qui dispose entre 900 et 1.000 personnels, la direction du service national et de la jeunesse dont l'utilité n'est pas avérée,
- le service du commissariat des armées (SCA) qui dispose d'une quarantaine d'organismes (confer l'article du 21 décembre 2017),
- l'office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONAC-VG) qui assure des missions qui pourraient être assurées par le SGA (ex : attribution de la carte et de la retraite du combattant et soutien social)
Enfin pour conclure, rappelons qu'en parallèle, pour la période 2010-2016, la déflation des effectifs du ministère des armées a été de 12.070 personnels civils et de 35.875 personnels militaires.
1Transport de troupes, missiles anti-char, transmissions, évacuation sanitaire, artillerie.