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Baisse des salaires des ministres : le début d'une politique transparente sur les rémunérations publiques ?

La Fondation iFRAP le demandait depuis quelque temps déjà : symboliquement, la crise de la dette appelait à réduire le train de vie du gouvernement. François Hollande a choisi de baisser de 30% les salaires des ministres. Cela doit être salué non pas pour l'économie que cela permettra de réaliser mais pour le symbole. La rémunération brute d'un ministre sera ainsi de 9.940 euros (au lieu de 14.200 euros actuellement) et celle d'un secrétaire d'État de 9.443 euros (au lieu de 13.490 euros). Le Président de la République et le Premier ministre se verront également appliquer dès leur entrée en fonction une réduction de 30% de leur rémunération.

Selon notre estimation, l'économie par an serait de l'ordre de 1,5 million d'euros. Cela ne résoudra certes pas le problème du déficit public de la France mais pourrait être une première étape vers un véritable gel des salaires publics (ce qui permettrait plus de 2 milliards d'économies par an) et vers un plafond des rémunérations publiques (primes comprises) pour les hauts fonctionnaires.

Baisser les salaires des ministres n'est qu'une première étape. Comment concevoir que des directeurs d'administration centrale ou d'opérateurs soient maintenant mieux rémunérés que les ministres eux-mêmes (idem pour certains directeurs de cabinet et certains agents de l'Assemblée et du Sénat qui émargent en moyenne entre 80.000 euros et 89.000 euros net par an) ? A la vérité, parce que la régularisation des rémunérations des ministres [1] s'est réalisée par référence à la grille indiciaire mais sans mettre les membres du gouvernement au sommet de la hiérarchie des traitements. Ce phénomène curieux existe également dans le monde anglo-saxon (notamment britannique) [2]. Mais dans ces pays les directeurs d'administration centrale sont responsables (ordonnateurs principaux) juridiquement de leur ministère… si bien que le montant de la rémunération est fonction de leur responsabilité opérationnelle (voire même plus, puisqu'en Australie les Directeurs d'administration centrale sont contractuels et révocables ad nutum).

Cette première étape ne doit pas masquer les vrais sujets : les salaires publics ont continué d'augmenter ces dernières années, spécialement en France où seul le point d'indice a été gelé et pas les augmentations à l'ancienneté. Les salaires des hauts fonctionnaires (catégories A et A+) ont d'ailleurs particulièrement augmenté dans la période récente puisqu'on a pu constater que l'écart de rémunération avec les cadres du privé par mois est passé de (hors enseignants) de 337 euros net par mois en 2006 à 52 euros net par mois en 2009 (3.799 euros net par mois dans le public face à 3.851 euros par mois dans le privé) pour un temps de travail moyen inférieur pour les cadres du public. [3]

Il est clair que cette mesure engage à réfléchir sur les mesures qui pourraient avoir un véritable effet sur le déficit. Et l'on pense évidemment aux rémunérations de nos agents publics car la rémunération des ministres est indexée sur les traitements de la Fonction publique. En mai 2010, Éric Woerth, ancien ministre du Budget s'était expliqué un peu vite sur une baisse éventuelle des salaires des ministres : "c'est une mesure qui accompagne la baisse du salaire des fonctionnaires (…) Si je devais baisser mon salaire cela voudrait dire que les salaires des agents publics baissent aussi, ce dont il n'est pas question." Pas tout à fait… car le principe pyramidal n'est pas respecté, la grille de rémunération des ministres étant apposée à celle des fonctionnaires et non placée à son sommet [4].

En plus de la question de la baisse des salaires publics, la baisse des salaires des ministres pose la question de la transparence des montants des rémunérations des agents publics. On a beaucoup entendu parler dans la campagne des rémunérations dans les entreprises du CAC 40 mais peu de la nécessaire transparence des revenus de ceux qui travaillent dans nos administrations, au service de la collectivité.

Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, dans sa charte de déontologie des membres du gouvernement a expressément demandé à ses ministres « un devoir de transparence », de « respecter scrupuleusement les dispositions garantissant l'accès des citoyens aux documents administratifs » et de « mener une action déterminée pour la mise à disposition gratuite et commode sur internet d'un grand nombre de données publiques. »

Une première action nécessaire serait de mettre en ligne les éléments d'information sur les traitements et primes des personnels et ce, par direction administrative [5]. Cela rentrerait directement dans cette logique de mise à disposition des données publiques auprès des citoyens. La droite ne l'a jamais fait, mais la gauche, soucieuse de l'ouverture des données publiques, pourrait peut-être le faire.

Pendant ce temps-là, Mario Monti, le chef du gouvernement italien a nommé un « commissaire extraordinaire pour la rationalisation des dépenses publiques » en la personne de l'ancien administrateur extraordinaire du géant agroalimentaire en faillite Parmalat, Enrico Bondi avec l'objectif de réduire la dépense publique de 4,2 milliards d'euros. Les Italiens sont appelés à faire remonter des propositions concrètes de coupes dans les dépenses publiques et le succès de cette initiative citoyenne est incroyable : depuis le 2 mai plus de 122.000 mails ont afflué, environ 10.000 par jour. Les Italiens ont des raisons de faire partager ces informations au gouvernement italien : si ces 4,2 milliards d'économies sur les dépenses sont identifiés, la hausse de la TVA de 21 à 23% prévue pour octobre sera annulée. Cela car, selon le gouvernement italien, cette augmentation pourrait bien aggraver la récession contrairement à la baisse des dépenses publiques inutiles. Rappelons que les italiens ont baissé bien avant nous les salaires des ministres de 10%, les traitements des fonctionnaires qui touchent entre 90.000 et 130.000 euros ont été baissés de 5%, ceux des hauts-fonctionnaires gagnant plus de 130.000 euros de 10% et ce, depuis 2010. Un exemple à méditer. La France est au tout début de sa réforme des politiques publiques et l'annonce de la fin de la RGPP ne doit pas faire croire à l'abandon des mesures de baisse des dépenses car la France n'aura pas le choix.

[(

Le décret publié au Journal Officiel (décret n°2012-766 du 17 mai 2012)

Publics concernés : membres du Gouvernement.

Objet : réduction de 30% de la rémunération des membres du Gouvernement.

Entrée en vigueur : le texte s'applique aux membres du Gouvernement nommés à compter du 15 mai 2012.

Notice : le décret met en œuvre la décision du Président de la République de réduire de 30% la rémunération des membres du Gouvernement.

La rémunération brute d'un ministre sera ainsi de 9.940 euros (au lieu de 14.200 euros actuellement) et celle d'un secrétaire d'État de 9.443 euros (au lieu de 13.490 euros). Le Président de la République et le Premier ministre se verront également appliquer dès leur entrée en fonctions une réduction de 30% de leur rémunération. A cette fin, la modification législative, qui est pour eux nécessaire, comportera une date d'entrée en vigueur rétroactive.

Références : le texte modifié par le présent décret peut être consulté, dans sa rédaction issue de cette modification, sur le site Légifrance )]

[1] La vérité est simple, et date de la loi de finances rectificative du 6 août 2002 (art.14). Auparavant les rémunérations des membres de gouvernement s'effectuaient sans base réglementaire. Le Sénat avait proposé que leur traitement brut mensuel soit égal à la totalité des indemnités allouées aux membres du Parlement (ordonnance du 13 décembre 1958). La commission mixte paritaire a finalement tranché pour une indexation basée sur le double de la moyenne entre le plus haut et le plus bas traitement reçus par les fonctionnaires classés dans la catégorie hors échelle (A+). Le problème c'est que primes comprises, les traitements les plus élevés du hors échelle sont supérieurs au double de la moyenne.

[2] Il a cependant le défaut de ne pas mettre les ministres devant leurs responsabilités. En plaçant les rémunérations des ministres au sommet du hors échelle devrait conduire à la situation suivante : baisser leurs traitements devrait mécaniquement impliquer la baisse des traitements des fonctionnaires de niveau comparable ou légèrement inférieurs, donc impliquer leur intégration (de droit) au sommet de la hiérarchie administrative corollaire de leur responsabilité politique et financière en tant qu'ordonnateurs principaux.

[3] Source : DGAFP-Insee

[4] Pour que le phénomène décrit pas le ministre soit réalisé il faudrait renverser la problématique et faire en sorte que la rémunération des agents soit basée sur la grille d'indexation au salaire des ministres et non l'inverse.

[5] A la fois par une démarche de Gouvernement ouvert (donc directement sur le site du ministère), et dans un document récapitulatif (xls, html, csv) publié sur le site des données publiques de l'État : data.gouv.fr (Open Data). Rappelons pour mémoire que les traitements des hauts fonctionnaires anglais ont été livrés avec les noms, les fonctions des intéressés (hors secrets défense et postes sensibles), brut et avec prime, et avec la grille indiciaire correspondante, contrairement à la simple référence à la grille indiciaire en France qui n'apporte aucune information concrète au citoyen français.