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Absentéisme dans les villes : la transparence n’est pas une option

En mai dernier, la Fondation iFRAP a publié le palmarès de l’absentéisme des grandes villes. Dans ce classement, nous avions mentionné que les villes de Montpellier, du Mans, de Caen et d'Angers, de Boulogne-Billancourt, de Dijon, de Rouen, de Brest et de Paris n'avaient pas donné de réponses. Depuis cette date, nous avons relancé les collectivités et obtenu des éléments qui permettent de mettre à jour le classement.

Si la Fondation iFRAP a souhaité poursuivre jusqu’au bout ce travail de diffusion des informations issues du bilan social, c’est que nous pensons que la transparence n’est plus une option pour les collectivités. En effet, comment expliquer que pour des villes semblables (plus de 100.000 habitants), à une demande adressée le 10 février, la ville de Nice a répondu le 15 février ou Toulouse le 17 février mais il aura fallu attendre le 24 août pour avoir les informations de la ville d’Angers et le 9 novembre de la ville de Rouen !!! Soit 7 mois d’attente pour un courrier électronique…

Les informations contenues dans les bilans sociaux sont des indicateurs de bonne gestion comme en atteste leur vérification systématique par les Chambres régionales des comptes lorsqu'elles effectuent l'audit d'une collectivité. Mais il n'est pas normal que seuls les magistrats des chambres y aient directement accès. Il faudrait que la publication de ces informations soit automatique. Trop souvent encore, il faut saisir la Commission d’accès aux documents administratifs pour obtenir ces documents.

Les résultats

 

Nb jours abs T C/agent

Nb jours abs Hors Parentalité/agent

Nb jours abs MO

Rouen

18,6

16,8

8,9

Montpellier

38,3

35,2

19,8

Dijon

25,6

24,1

11,19

Angers

21,4

19,1

6,8

Caen

22,3

21,1

10,8

Boulogne Billancourt

14,3

12,6

7,1

Le Mans

27,4

25,8

15,.3

Il apparaît que les retardataires ont des résultats très contrastés.

Ainsi Rouen qui a été pourtant la dernière ville à répondre, présente un nombre de jours d’absences toutes causes de 18,6 jours plaçant la ville à la 3e place parmi celles ayant le plus faible absentéisme.

Plus fort encore la ville de Boulogne-Billancourt arrive en tête de notre clasement et figure comme le meilleur élève avec 14,3 jours d'absences toutes causes par agent. Un résultat qui s'explique en partie par le nombre d'agents non permanents 25% des effectifs et qui est pris en compte dans le noombre d'agents servant au dénominateur. Néanmoins cette bonne performance explique d'autant moins le délai très long pour répondre à une simple demande de communication de bilans sociaux.

En revanche, Montpellier, est à 38,3 jours et donc vice-championne de l’absentéisme derrière Amiens, un résultat malheureusement conforme à notre précédente enquête avec 39,16 jours d’absence en 2011.

Au global, la moyenne de l’absentéisme dans les villes n’est pas modifiée avec 27,4 jours toutes causes d'absences en moyenne pour les villes de notre échantillon, 24,7 jours d'absences hors parentalité (maternité/paternité) et 13,2 jours d'absences pour la maladie ordinaire et les conclusions de notre précédente enquête sont donc confirmées. 

Nombre de jours d'absences toutes causes par agent, dans les 50 plus grandes villes de France, en 2013

Reste deux cas particuliers : les villes de Brest et Paris. Ces deux collectivités nous ont transmis des bilans sociaux très peu détaillés en données qui ne permettent pas de recoller les informations avec les autres villesLa ville de Brest nous a transmis des données concernant la métropole ce qui ne correspond pas au périmètre des autres villes observées. La ville de Paris nous a adressé son bilan social et nous a informé que les données sont disponibles sur le site opendata.paris.fr. Cependant ce bilan social reste très succinct concernant les données sur l'absentéisme indiquant une baisse du taux global d'absentéisme à 10,78% en 2013. . Nous avons demandé à avoir le formulaire DGCL qui nous aurait permis de faire le rapprochement, mais notre demande est restée sans réponse. Nous observons cependant que ces deux villes ont fait l’objet de rapports de Chambres régionales des comptes assez sévères :

Pour la ville de Brest, « la communauté urbaine connait une augmentation globale de 8% des jours d’absence au travail entre 2010 et 2013. La progression est très élevée pour la maladie ordinaire (14%) et les accidents du travail (16%). Le nombre annuel de jours d’absence pour raison de santé est en moyenne de 29,9 jours par agent en 2013 (...). Cet absentéisme représentait pour l’année 2013 l’équivalent de 264 ETP. »

Pour la ville de Paris, le rapport est plus ancien : « les données 2009 du bilan social montrent la poursuite de l’aggravation du phénomène. Le taux des absences compressibles est ainsi passé de 5,19% en 2002 à 6,14% en 2009 (...) En 2011, le nombre de jours ouvrés perdus s’élèvait à plus de 1,15 million, soit environ 20 jours par an et par agent de la commune et du département. » Ce rapport indique qu'un précédent travail d'analyse en 2008 faisait état d’un manque de reconnaissance des agents dans leur travail. Ce qui avait appelé le commentaire suivant du secrétaire national CGT fonction publique  « Dans les arrêts de courte durée, il y a une relation évidente : quand vous êtes bien dans votre boulot, avec 39° de fièvre, vous venez travailler. Si vous avez l'impression d'être un pion, vous restez chez vous. »

L'étude Sofaxis

Les résultats de l'enquête de la Fondation iFRAP rejoignent ceux de l'étude Sofaxis publiée en novembre 2016. Cette note de conjoncture est le résultat de l’observation de 367.895 agents affiliés à la CNRACL  répartis dans 18.339 collectivités. L'étude indique que le nombre de jours d'arrêts par agent employé est de 26 jours toutes causes confondues et de 12 jours pour la maladie ordinaire. Sur les 9 dernières années, la maladie ordinaire a évolué de 41 à 47% des absences observées contre 14% pour les accidents du travail, même si ce dernier motif d’absence connaît une forte hausse (+52% depuis 2007). L’étude se conclut par une estimation du coût moyen des absences pour raison de santé (2.067 euros).

L’étude observe également une forte baisse des arrêts de courte durée entre 2011 et 2013, année de mise en place du jour de carence. Ce point est d’autant plus important que la maladie ordinaire, cible de la mise en place du jour de carence, représente 83% des arrêts (fréquence). Par ailleurs, les caractéristiques des absences en maladie ordinaire dépendent de la taille des collectivités : plus de 350 agents, la durée moyenne est de 14 jours, alors que dans les collectivités de moins de 10 agents, la durée moyenne est de 27 jours. En revanche la fréquence des arrêts pour maladie ordinaire est trois fois supérieure à celle des collectivités de 10 agents ce qui fait dire à l'étude que "les spécificités des organisations et la taille de l'effectif ont un effet certain sur les absences, tout particulièrement sur la maladie ordinaire".

Un revirement gouvernemental ?

L'effet du jour de carence apparaît donc incontestable dans la lutte contre l'absentéisme et on ne peut que regretter que la ministre de la Fonction Publique Marylise Lebranchu ait décidé de sa suppression. Le gouvernement conscient que la question doit être affrontée a décidé d'introduire dans le PLFSS 2017 un amendement visant à renforcer le contrôle des arrêts maladie des fonctionnaires.

Cet amendement s'appuyait sur une expérimentation plutôt ratée de contrôle des arrêts maladie des fonctionnaires par les médecins conseils des CPAMVoir Localtis.Info, 23/11/2016, Un rapport accable une expérimentation sur le contrôle des arrêts maladie des fonctionnaires, http://www.localtis.info/cs/ContentServer?pagename=Localtis/LOCActu/ArticleActualite&jid=1250271818860&cid=1250271816195 et visait un "renforcement de la mise en œuvre des contrôles des arrêts de travail qui relève déjà des employeurs publics et ce via le recours, en plus des médecins agréés par l’administration, aux médecins-conseils des échelons locaux du service médical de l’assurance maladie et de l’ensemble des médecins, la possibilité pour les employeurs publics de solliciter auprès des agents des informations sur leur situation afin d’exercer le contrôle du respect des obligations en matière de cumul."

Cet amendement est intéressant car il montre une vraie prise de conscience des élus sur cette question tout en voulant éviter le "fonctionnaire bashing", selon leurs termes. D'où des déclarations rassurantes de la ministre de la Fonction Publique Annick Giradin (non, les salariés du secteur public ne sont pas plus absents que les salariés du secteur privé) tout en reconnaissant qu'une juste mesure de l'absentéisme est nécessaire.

Mais le Conseil constitutionnel a censuré cet amendement au motif que le PLFSS n'était pas le bon outil législatif pour faire passer cette mesure. Le gouvernement envisage de faire passer cette mesure par circulaire mais selon la Fondation iFRAP si le gouvernement entend vraiment lutter contre l'absentéisme, le renforcement des contrôles n'est pas suffisant et il devrait revenir sur sa décision de supprimer le jour de carence. 

Proposition de la Fondation iFRAP : Réintroduire le principe de jours de carence avec éventuellement un maximum de six jours de carence par an pris en charge (hors primes).