6 propositions pour une République irréprochable
Que serait une vraie République irréprochable aux élus vertueux comme nous le promettent avec brio ceux qui briguent nos suffrages ? Il est plus que temps de prendre de la hauteur pour se prémunir contre les quatre conflits d'intérêts majeurs identifiés par la commission Jospin : public/privé, public/politique, privé/politique et public/public. Voici ici 6 propositions pour rétablir à la fois une meilleure éthique et le choc de transparence dont la vie politique a besoin.
Première proposition : par devoir de neutralité, quitter définitivement la fonction publique quand on est élu au Parlement ou qu'on exerce des fonctions d'envergure nationale (maire des plus grandes villes de France, président du conseil général ou régional…). A l'inverse, autoriser les agents locaux à se présenter pour des mandats locaux comme le font les britanniques.
La tradition de l'Assemblée nationale et du Sénat n'incite pas à avoir un comportement vertueux notamment car les indemnités de frais de mandats ne sont pas imposables, comme ne le sont pas non plus les crédits collaborateurs conservés pour eux-mêmes par les parlementaires [1]. La commission pour la transparence financière de la vie politique avait constaté un « enrichissement » de 1.400 euros à 200.000 euros sur 5 ans rien que grâce aux IRFM…
Deuxième proposition : rendre imposables les indemnités représentatives de frais de mandats (6.412 euros par mois) (s'il y a lieu, le parlementaire pourra justifier de ses frais de mandats auprès des services fiscaux) et restituer les crédits collaborateurs (9.138 euros par mois) non utilisés.
La réserve parlementaire donne de mauvaises habitudes à nos élus, comme autrefois les primes de cabinet non déclarées. En 2012, la réserve parlementaire s'élevait à l'Assemblée nationale à 90 millions d'euros. Somme répartie de façon aléatoire entre les députés (entre 30.000 et 200.000 euros par an environ). Ces crédits servent à financer des projets locaux, sans aucun contrôle [2] même si le Président de l'Assemblée nationale a annoncé en septembre dernier : « je souhaite qu'à la fin de l'année, la liste des subventions et des investissements soutenus par la réserve parlementaire soit publiée » il faudra être vigilant sur le respect de cet engagement. Dans un second temps, notre proposition est la suivante :
Troisième proposition : supprimer la réserve parlementaire à l'Assemblée et au Sénat
Au moment des déclarations d'intérêt des candidats à la Présidence de la république, certains ont été étonnés que pour 78.516 euros de revenus imposables, François Hollande paie 5.127 euros d'impôt sur le revenu. L'explication est qu'une partie des indemnités d'élu local bénéficie de ce que l'on appelle le mode dérogatoire d'imposition forfaitaire à la source des élus locaux qui leur permet de beaucoup freiner la progressivité de leurs impôts puisque le barème est appliqué deux fois au premier euro.
Quatrième proposition : supprimer le mode dérogatoire d'imposition forfaitaire à la source des élus locaux afin que le barème de l'IR leur soit appliqué comme à tout contribuable.
84% de nos députés cumulent les fonctions électives alors qu'en Allemagne par exemple, le cumul d'un mandat au Bundestag et d'une fonction de membre de l'Assemblée d'un Land est interdit. L'éthique en politique serait plus grande si nos parlementaires n'étaient pas à la fois juge et partie c'est-à-dire chargés d'évaluer les politiques publiques et en même temps de dépenser les mêmes deniers au niveau local. Le cumul des indemnités est plafonné à une fois et demie l'indemnité parlementaire soit environ 8270 euros mais il existe de nombreux biais, par exemple il n'est pas interdit de présider une intercommunalité quand on est parlementaire et la rémunération n'est pas toujours comprise dans le plafonnement des revenus (bien que théoriquement dans la pureté des textes elle y soit comprise)…
Cinquième proposition : supprimer totalement le cumul des mandats pour les parlementaires afin qu'ils se concentrent uniquement sur leur mission nationale et évitent les conflits d'intérêts potentiels. Supprimer aussi la règle de l'écrêtement qui permet de reverser les sommes écrêtées à un élu de son choix, système intrinsèquement clientéliste.
Aussi, sur le sujet de la déclaration d'intérêt des ministres et des parlementaires, des améliorations peuvent être largement envisagées et sont les suivantes :
Sixième proposition : rendre publiques les déclarations d'intérêts des ministres et des parlementaires et y associer deux déclarations complémentaires : une déclaration de patrimoine et une déclaration d'activité (si activités connexes aux activités principales –conseil économique, juridique ou pharmaceutique…).
Chaque personne qui s'engage en politique doit être irréprochable, c'est un euphémisme. Mais attention à ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Chez nos élus, la connaissance de l'administration publique surpasse largement la connaissance du monde de l'entreprise (la lecture des parcours des membres de la commission des Finances l'atteste), ne laissons pas s'installer l'idée que l'expérience des entrepreneurs n'est pas souhaitable au Parlement ou au Gouvernement.
La version présente a été mise à jour le 02/09/2013 avec quelques corrections mineures.
[1] En réalité il faut distinguer les députés des sénateurs. Les premiers peuvent bénéficier d'une rétrocession de la somme non consommée contrairement aux sénateurs qui eux ne peuvent en bénéficier, ce qui n'est pas dépensé fait retour au budget du Sénat.
[2] Même si en pratique il faut normalement fournir un dossier défendant un projet pour pouvoir en bénéficier au ministère de l'Intérieur.