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Vers une nationalisation des banques ?

Les débats sur les banques dans les médias français, et particulièrement la télévision, relèvent le plus souvent d'un insupportable confusionnisme.

Confusion entre la responsabilité des banques et celle de l'Etat américain dans la crise des subprimes, confusion entre le rôle des banques américaines ou britanniques et celui des banques françaises dans cette crise, confusion entre la nouvelle crise des finances publiques des Etats et sa répercussion sur les banques prêteuses, accusations de « spéculation » relatives à la notation de la dette des Etats alors qu'il ne s'agit que de la conséquence de la dérive incontrôlée de ces finances publiques…

Manque de culture économique des Français et des journalistes. Manque aussi de communication de la part des banques, dont les dirigeants lors de leurs rares interventions dans les médias paraissent trop surmenés pour avoir le temps de faire de la pédagogie. Comment se fait-il par exemple que dans un récent débat télévisé sur LCP consacré à la régulation des banques, aucun représentant de ces dernières n'ait été présent ?

Parce qu'on reproche aux banques de ne pas accorder de crédits, on (re)parle ici et là de les nationaliser. Vieux réflexe d'étatisme, comme si le rôle de l'Etat était de distribuer des crédits là où la logique économique des entreprises ne le justifie pas. Là encore une confusion : les banques ne sont pas des capital-risqueurs et n'ont pas pour rôle de se substituer aux actionnaires pour fournir les fonds propres des entreprises, lesquelles doivent équilibrer leurs besoins financiers entre ces fonds propres et les concours bancaires. Mais en France on sait que le financement par fonds propres est complètement insuffisant et inférieur à ce qu'il est ailleurs.

Nationaliser pour quoi faire ? Les Français ont la mémoire courte. Les nationalisations de 1981/1982 ont concerné 39 banques et compagnies financières. L'évaluation du coût des nationalisations était de 86 milliards de francs sur 15 ans. Dix ans plus tard, la débâcle du Crédit Lyonnais, la défaisance dans le cadre du CDR et la recapitalisation coûtaient une fortune aux contribuables. Dès 1986 le mouvement inverse s'amorce sous les gouvernements de droite, mais c'est Lionel Jospin qui reprivatise le plus entre 1997 et 2002 (pour 210 milliards de francs, soit 32 milliards d'euros qui retombent dans les caisses de l'Etat).

L'expérience de 1981 n'a été ni suivie ni probante. Quelle justification pour évoquer de nouveau la question ? On entend souvent dire que le crédit constituerait un service public. Mais les banques ne constituent pas un service public ! Il ne suffit évidemment pas d'avoir une activité essentielle pour être qualifié de service public. Et l'article de la Constitution qui exige que l'Etat soit propriétaire des services publics nationaux ne s'applique pas. Le simple fait qu'il s'agisse d'une activité commerciale en concurrence suffit à écarter toute nationalisation pour cette raison.

Enfin, personne n'évoque la simple question du coût des nationalisations. En 1981, le gouvernement avait dû s'y reprendre à plusieurs fois, après annulation de la première loi par le Conseil Constitutionnel, pour trouver une formule acceptable d'indemnisation fondée sur le cours boursier. Car une nationalisation est une expropriation, et qui dit expropriation dit indemnisation (c'est aussi dans la Constitution). Un simple chiffre permettra de clore le débat : la capitalisation boursière de la seule BNP est de…50 milliards d'euros !