Témoignage d'un entrepreneur sur l'effet des seuils sociaux
Alors que le débat sur les seuils sociaux enfle, la Fondation iFRAP a reçu de nombreux témoignages d'entrepreneurs et de dirigeants de PME et TPE qui ont souhaité partager leur expérience face aux contraintes imposées par les seuils sociaux. Nous publions ici le témoignage d'un entrepreneur francilien qui s'est retrouvé confronté au tout premier « palier » des seuils sociaux, la mise en place de délégués du personnel à partir de l'embauche du 11ème salarié.
Mi 2009, un entrepreneur reprend une entreprise industrielle de l'Est parisien. Avec un portefeuille de milliers de clients et une équipe de 17 salariés, il met tout en œuvre pour réussir son redressement. Il y investit ses économies et contracte un emprunt bancaire sur plusieurs années.
Mais dès la première année, juste après les élections des délégués du personnel, les deux élus, titulaire et suppléant, se déclarent syndiqués et forment une délégation syndicale (ce à quoi l'employeur ne peut s'opposer). L'un deux est également nommé sur liste préfectorale en tant que « conseiller des salariés », ce qui veut dire qu'il assiste d'autres salariés à l'extérieur de l'entreprise et ce, durant son temps de travail sans que l'employeur n'ait rien à dire là non plus.
Dans un premier temps, cet élu a systématiquement utilisé les 10 heures de délégation permises par la loi (3 demi-journées par mois, mois d'août inclus), sans jamais se préoccuper des conséquences pour la vie de l'atelier qui l'employait. Sans concertation avec les salariés de l'entreprise, les questions des délégués du personnel étaient préparées puis transmises à l'employeur par fax sur courrier à en-tête de la délégation syndicale locale. Aucune demande constructive pour les salariés et l'entreprise n'est formulée, et les délégués du personnel n'ont jamais pris en compte la réalité de la précarité économique de l'entreprise. S'en suit un chantage, quasi permanent, exercé par les délégués du personnel sur les salariés de l'entreprise afin de mettre le dirigeant en sérieuse difficulté.
Les difficultés de l'entrepreneur montent encore d'un cran quand, suite à un dépôt de plainte, il se retrouve convoqué et interrogé deux fois, soit 6 heures, au commissariat de police. Une procédure qui sera finalement classée sans suite par le procureur. Puis c'est au tour de l'inspection du Travail de visiter l'entreprise à plusieurs reprises et de convoquer le dirigeant pour un entretien où le patron de TPE est par nature suspect.
Prochaine étape ? La grève. Sans se préoccuper des conséquences pour l'entreprise, les deux élus initient un mouvement de grève, qui sera seulement suivi par deux autres salariés (sur 17) mais ce sera bien toute l'activité de l'entreprise qui sera stoppée durant plusieurs jours. Les salariés qui voulaient travailler, et qui étaient en désaccord avec leurs élus, ont été dépossédés de leur travail par leurs « représentants ». L'atelier bloqué a depuis été délocalisé en province à la satisfaction de l'entreprise sous-traitante. Mais le parcours du combattant ne s'arrête pas là, il faudra gérer des procédures aux prud'hommes et en appel, et au tribunal administratif pour faire face aux procédures initiées avec le concours du syndicat des salariés, leur conseiller syndical externe à l'entreprise et leur avocat assis sur cette même rente syndicale.
Ces 4 années de délégation du personnel et de représentation syndicale auront coûté plus de 100.000 euros à l'entreprise, dont 8 mois de salaire payés à domicile pour chacun des deux délégués du personnel dans l'attente de leur autorisation de licenciement, et les frais afférents d'avocat. Toute éventuelle décision de justice est susceptible d'en augmenter encore les coûts.
Quelle morale de l'histoire, cet entrepreneur retient-il de ces 4 années ? Qu'une partie des « représentants », délégués du personnel sont en réalité des usurpateurs de mandat avec lesquels toute discussion se révèle impossible. Que la parole des salariés est captée par une minorité plus avide de profits que ceux qu'elle croit être en droit de dénoncer. Et que les défis à relever pour un patron de TPE sont immenses face à des règlementations d'un autre temps.
En tant qu'employeur, cet entrepreneur se relèvera peu à peu en ayant beaucoup appris et sans illusions sur un système qui broie toute volonté entrepreneuriale au détriment de l'emploi, des salariés et de l'économie. Un système à bout de souffle, qu'il est temps de changer en cessant d'opposer employeurs et salariés qui partagent beaucoup plus d'intérêts en commun que les représentants syndicaux ne veulent l'admettre.
Signé : Un patron de TPE engagé avec conviction avec tous ses salariés au service de ses clients.