Syndicats de fonctionnaires : les comptes publiés !
Les syndicats sont tenus de publier leurs comptes au Journal officiel depuis la loi du 20 août 2008 (complétée par le décret du 28 décembre 2009), sous la houlette de la Direction des journaux officiels [1]. Cette obligation est applicable aux niveaux confédéral et fédéral pour la première fois en 2011, concernant l'exercice comptable 2010.
Il s'agit en réalité d'une première étape, les suivantes conduiront à la publication des comptes en 2012 aux niveaux régional et départemental et en 2013 pour les autres niveaux.
Une incertitude subsistait cependant concernant les syndicats de fonctionnaires, et nous avions émis quelques réserves interprétatives au regard du faible nombre d'organisations représentatives publiques ayant publié leurs comptes à la fin novembre 2011, malgré une clarification bienvenue du législateur (projet de loi n°784 du 7 septembre 2011 en cours de discussion malgré la procédure accélérée). Un premier bilan s'impose donc en début 2012 afin de vérifier le respect de ces obligations légales de dépôt (31 décembre 2011) par les organisations syndicales du public.
**Les organisations ont globalement respecté la date butoir du 31 décembre 2011
Une première série de comptes annuels a bien été déposée durant l'année 2011, jusqu'au 31 décembre. A ce jour, vingt-neuf syndicats de fonctionnaires loi 1884 ont publié leurs comptes 2010 au Journal officiel, ainsi que sept syndicats de fonctionnaires loi 1901. Globalement, les délais ont été respectés par la plupart de ces syndicats. Vingt-neuf syndicats ont publié leurs comptes 2010 au courant de l'année 2011, dont 41% de syndicats ont déposé leurs comptes entre juin et octobre 2011 et 59% d'entre eux l'ont fait entre le début du mois de novembre et la fin du mois de décembre 2011. Ils comprennent notamment sept syndicats de fonctionnaires du transport mais aussi deux de la culture, deux de la communication, deux de la fonction publique, puis de l'énergie, de la défense, des services publics etc. Il semble donc que l'on observe un effet d'emballement en fin d'année qui sans doute n'est pas étranger aux travaux menés par la commission d'enquête sur le financement des syndicats. La répartition s'effectue comme suit :
Cependant, sur les trente-six syndicats étudiés, sept ont publié leurs comptes 2010 en retard (soit 19,44% environ), c'est-à-dire après le 31 décembre 2011. Ces syndicats concernent les administrations publiques de la santé, la poste, l'intérieur, la Banque de France et l'éducation. Ces derniers ont :
soit eu des difficultés pour déposer leurs comptes à temps,
soit ne se sentaient pas forcément concernés par l'obligation légale et ont dépassé la date limite, pour ensuite, dans l'urgence, se conformer à leurs obligations (on pourrait parler de délai d'apprentissage durant l'actuelle phase de transition).
**Mais certains organismes manquent toujours à l'appel
Parallèlement, il semble que certains syndicats de fonctionnaires n'ont pas encore publié leurs comptes : omission volontaire ? Les syndicats eux-mêmes reconnaissaient être incapables de présenter des comptes fiables en 2006. Ils doivent s'y efforcer depuis le nouveau décret du 28 décembre 2009.
Toujours est-il qu'a priori, quatre d'entr'eux [2] répondent encore aux abonnés absents sur la liste du Journal officiel, par exemple la fédération FO territoriaux ou encore la fédération CGT des organismes sociaux. Pourtant, même s'ils échappent aux critères (par exemple avoir des ressources supérieures à 230.000 euros) imposant la publication des comptes consolidés, ils doivent tout de même publier un exercice comptable sous forme de bilan, compte de résultat et annexe simplifiée, ou encore livre chronologique des ressources et des dépenses. Le rapport n°470 du Sénat de la session extraordinaire de 2007-2008 (au nom de la commission des Affaires sociales) sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence et portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, indique que « les règles d'établissement de ces comptes sont déterminées par décret pris après avis du Conseil national de la comptabilité ». De son côté, le règlement n°2009-10 du Comité de la règlementation comptable (du CNC, conseil national de la comptabilité) présente un afférent aux règles comptables des organisations syndicales. Il certifie notamment (p.11) que « le bilan et le compte de résultat des organisations syndicales bénéficiant d'une présentation simplifiée de leurs comptes annuels doivent présenter au minimum les rubriques et les postes fixés dans les modèles suivants (soit un bilan et un compte de résultat, ndlr) ».
Évidemment on ne peut attendre l'application parfaite de cette loi dès son entrée en vigueur, d'où une certaine clémence à l'égard des réfractaires (retards, oublis). Cela dit, si l'obligation de publier est bien réelle, aucune sanction n'a été prévue envers les contrevenants si ce n'est l'argument massue de leur représentativité (mais il semble que ces nouveaux critères à titre transitoire ne s'imposent précisément pas aux organisations syndicales de fonctionnaires).
Dans ces conditions, les syndicats du public pourraient-ils, à l'avenir, passer outre la loi en toute impunité ? Certes, dans un article paru le 28 mai 2008 sur le site des militants FO de la Loire, Rodolphe Helderlé a mis en avant les sanctions éventuelles que « le CNC estime nécessaire de prévoir ». Des sanctions pénales sévères ont été évoquées en cas de non publication des comptes, avec par exemple, des mesures modulables comme une suppression des subventions de l'État. Toutefois ces mesures ne figurent pas dans la loi…
Ainsi, si les origines du financement syndical commencent à être clarifiées grâce à la nouvelle législation, qui semble déjà porter ses fruits pour une majorité de syndicats, la situation du financement des syndicats de fonctionnaires doit être encore clarifiée…
[1] Les comptes annuels exigés comprennent en principe un bilan, un compte de résultat ainsi qu'une annexe.
[2] FO territoriaux, FNEC-FP FO (fédération de l'enseignement, de la culture et de la formation professionnelle), Fédération CGT des organismes sociaux, SNPTES –UNSA- (Syndicat National des Personnels Techniques, scientifiques et des bibliothèques de l'Enseignement Supérieur, de la recherche et de la culture).