Actualité

Smart (suite), succès à 90% du referendum d’entreprise

La semaine dernière, nous avons souligné l’importance du sort de la consultation des salariés de l’usine de Moselle de Smart, après l’impossibilité d’obtenir un accord avec une majorité de syndicats. Mais à la date d’aujourd’hui, déjà 90% des salariés, directement consultés ont dit oui. Si on veut voir plus loin, deux problèmes se posent : pourquoi les syndicats sont-ils contredits par la base qu’ils sont censés représenter ? Et, surtout, faut-il étendre la solution ?

CGT et CFDT avaient fait opposition, comme c’est leur droit, à l’accord donné par les autres syndicats représentatifs à hauteur de 30% (CFE-CGC et CFTC). Rappelons que l’accord proposait un retour, d’ailleurs temporaire, aux 39 heures payées 37, donc une augmentation de salaire, et non une réduction, comme cela s’était passé chez Volkswagen en 1993, avant que l’entreprise rencontre le succès que l’on connaît. Smart a proposé directement l’accord aux salariés, qui ont accepté l’accord à 90% dès le 15 décembre, ce pourcentage pouvant encore être augmenté jusqu’à la fin du vote, le 18 décembre. La société avait fixé à 75% le pourcentage minimum voulu pour mettre l’accord en œuvre.

Certes, rappelons aussi que Smart n’est pas au bout de ses peines dans la mesure où l'entreprise va licencier les salariés qui persisteraient à refuser la modification de leur contrat, avec les problèmes que nous avons signalés la semaine dernière de reconnaissance du motif économique légitime.

Pourquoi un tel désaveu des syndicats par leur base ?

Hélas, c’est classique chez les syndicats français, qui prennent leur posture traditionnelle de lutte des classes chaque fois qu’un conflit se lève sous les projecteurs des médias. Ils sont incapables dans ce cas de faire preuve de l’attitude pragmatique qu’ont les syndicats étrangers dans un contexte comparable. L’usine de Moselle, insistons-y, fabrique la Smart Fortwo pour le monde entier et pas seulement pour le marché français, et sa compétitivité internationale est forcément en jeu. Aussi longtemps que des syndicats comme la CGT et FO continueront à faire référence dans leurs statuts et dans leur attitude à la terrible charte d’Amiens de 1906, affirmant l’expropriation capitaliste comme la raison d’être des syndicats, le dialogue social restera beaucoup trop souvent un slogan sans consistance en France.

Faut-il que l’expérience Smart serve de référence pionnière ?

C’est là aussi l’inquiétude des syndicats. Et pourtant, aussi longtemps que leur attitude ne changera pas, oui, le référendum d’entreprise sera la solution. Et le sujet est brûlant en ce moment, où le droit du travail est en voie d’évolution. Le gouvernement actuel, suivant en cela de nombreux auteurs, a pour ambition de favoriser le dialogue social au niveau de l’entreprise, en généralisant les accords dérogatoires au Code du travail, accords passés avec la majorité des syndicats.

Mais si les syndicats continuent à se comporter comme ils le font actuellement, ce sera un coup d’épée dans l’eau. Nous préconisons donc le référendum d’entreprise. Dans le cas de Smart, l’entreprise pouvait mettre en œuvre le référendum, avec cependant le risque rappelé ci-dessus que les licenciements ne soient pas considérés comme légitimes au cours de litiges ultérieurs. Mais bien d’autres décisions nécessitent que la loi s’en mêle et accorde aux référendums d’entreprise leur légitimité légale. C’est notamment le cas pour la durée du travail et la possibilité de sortir de 35 heures d’une façon qui puisse s’imposer aux salariés refusant la modification de leur contrat de travail. Ce qui a rendu la solution possible pour Smart a tenu à un risque bien identifié que le groupe allemand choisisse un autre site, en fait celui de Slovénie, pour fabriquer le modèle suivant de la Smart. Mais plus généralement, les entreprises françaises devraient pouvoir passer aux 35 heures avant de voir leur avenir menacé, ou indépendamment de toute menace. C’est pourquoi il faut que la loi s’en mêle en autorisant les entreprises à consulter leurs salariés en cas d’impossibilité de parvenir à un accord entre partenaires sociaux,  et aussi que le Conseil constitutionnel n’y fasse pas obstacle.