RSI : toujours un problème considérable et mal posé
Ils sont 6 millions d'affiliés au régime social du RSI, ils ne font pas de bruit et détestent même en faire, ils n'en ont pas d'ailleurs le temps, sauf revendications sectorielles (les chauffeurs de taxi), ce sont les indépendants et libéraux. Mais aujourd'hui une colère noire gronde, déclenchée par une pagaille monstre dans le traitement des dossiers. Pagaille due à un dysfonctionnement informatique majeur qui a écrasé des dossiers. Depuis 4 ans, l'ordre n'est pas encore revenu, et des erreurs de traitement insupportables se produisent toujours, à quoi il faut ajouter une gabegie certaine dans le coût de fonctionnement des services, des dépenses somptuaires…
Mais, si cette pagaille met le feu aux poudres, le problème essentiel et durable n'est pas là, c'est celui mis en lumière par le fait que les indépendants doivent payer pour les deux parts de cotisation qui sont autrement divisées entre employeurs et salariés. Dans un système où les employeurs paient au moins les deux-tiers des charges, notre système de protection sociale n'est simplement pas viable pour tous les indépendants dont les revenus sont faibles, et conduit à des injustices dont il faut absolument sortir, soit en mettant en jeu la solidarité nationale, soit plutôt à notre sens, compte tenu des limites inévitables de cette solidarité, en développant un système d'assurance privée.
On a, et c'est certes heureux, depuis longtemps axé la défense du petit commerce sur la règlementation des grandes surfaces. Mais au point d'en oublier les problèmes ayant pour origine les prélèvements d'origine fiscale et parafiscale. La disparition record des cafés français, qui ne peut pas être attribuée au développement de la grande distribution, a fait l'objet d'études mettant en exergue des causes sociologiques expliquant pourquoi ces cafés cessent peu à peu d'être un lieu de rencontre pour les habitants. Mais cela n'explique pas tout, et les réseaux sociaux fourmillent d'exemples expliquant comment les prélèvements en cause paupérisent la profession. Et maintenant on assiste au développement d'associations aux noms divers, comme les Pendus, les Tondus, les Citrons, Sauvons nos entreprises, etc., qui sont loin de désarmer.
Mise au point : Il est exact que le régime RSI est moins coûteux pour l’entreprise que le régime de sécurité sociale des salariés. Mais…
En effet, un salarié dont le salaire brut est de 100 perçoit en net 80 euros coûte environ 140 euros à son employeur, à supposer l’inapplicabilité des allègements de charges, tandis que l’indépendant, pour un revenu net égal, aura déboursé au total 117 euros (dont en charge environ 46% de 80 euros). Les charges payables par les indépendants ne correspondent pas en effet à l’addition des charges patronales et salariales dans le régime général qui sont respectivement d’au moins 40% du salaire brut pour les premières et 21% pour les secondes (record mondial).
Cependant, les conditions ne sont pas les mêmes, pour peu que l’indépendant se compare à un salarié, et ce pour plusieurs raisons
Tout d’abord, le salarié dispose d’un garde-fou avec le smic, minimum qu’il est assuré de percevoir. Si son employeur ne peut pas le rémunérer, le salarié perdra son emploi mais il sera couvert par l’indemnité de chômage. L’indépendant n’est pas assuré contre le chômage, et en tout état de cause, quel que soit son revenu, il devra toujours acquitter 46% de charges. En cas de revenu très faible, il ne lui restera quasiment rien pour vivre.
En second lieu, au niveau du smic, et jusqu’à 1,6 smic, les charges patronales ne sont pas égales à 40%, puisque le zéro charges a été institué, de même que diverses mesures d’allègement des cotisations. Ainsi, le coût pour l’employeur à ces niveaux est à peu près le même que pour un indépendant, grâce à la prise en charge par l’Etat des allègements. Rien de tel n’existe pour les indépendants, alors que ceux-ci n’ont pas droit aux mêmes prestations. Au contraire, un décret du 3 février 2015 a changé le mode de calcul des indemnités des indépendants affiliés au RSI en intégrant des conditions de revenus minimum. Désormais si le revenu annuel n'excède pas 3.804 € (soit, 10% du plafond de la sécurité sociale), l'indépendant ne percevra plus aucune indemnité maladie. Le décret est effectif depuis le 1er mai 2015, avant, les indépendants avaient pourtant bien le droit à un plafond minimal de 20,84 € par jour.
Enfin, et d’une façon générale, la couverture sociale des indépendants est très inférieure à celle des salariés. Sans entrer dans le détail, à côté de l’absence d’assurance-chômage, on note que les indemnités maladie sont beaucoup plus limitées et qu’il est plus difficile d’y avoir accès (8 jours de carence en cas de maladie ou d'accident, 4 jours en cas d'hospitalisation, sont exigés au lieu de 3, et souvent seulement 1 (dans le secteur public ou dans le secteur privé lorsqu’il y a prise en charge par l’employeur), sans compter que certaines caisses ne versent aucune indemnité). Les AT/MP ne sont pas non plus couverts.
Les pouvoirs publics ont ainsi pour règle de privilégier l’emploi salarié au détriment des indépendants.
Les récentes mesures du PLFSS 2017 changent-elles la donne ?
Conscient des différents problèmes posés par le RSI, le gouvernement a confié une mission à deux députés, qui ont rendu leur rapport en septembre 2015. Déjà, en juin de la même année, le gouvernement avait annoncé vingt mesures pour améliorer la qualité du service et la relation avec les assurés, comme un meilleur ajustement des cotisations à travers un nouveau calendrier de paiement. L’assainissement du RSI semble en route, mais fin 2016, à voir les manifestations présentes un peu partout en France, les résultats ne sont guère au rendez-vous.
Le rapport de septembre 2015 propose quant à lui diverses mesures d’amélioration des prestations, par exemple l’abaissement du délai de carence que nous avons évoqué. Ces mesures sont bienvenues, mais ne touchent pas à notre sens au véritable problème qui est celui de la lourdeur du financement de la protection sociale de la catégorie particulière des indépendants. Toutefois, on peut noter avec satisfaction que le rapport préconise le maintien d’un régime autonome, le tout étant de savoir dans quelles conditions…
Quant aux mesures du PLFSS devant s’appliquer en 2017, elles ne changent pas la donne, malgré quelques améliorations : exonérations sociales pour la première année d’activité en-dessous d’un revenu net de 38.616 euros, allègements de cotisations pendant les 24 premiers mois, baisse dégressive des cotisations maternité sous conditions de ressources, suppression des règles de fractionnement des compétences entre la caisse nationale du RSI d'une part et l'Urssaf et l'ACOSS, d'autre part. L'objectif est, ici, "d'établir leur co-responsabilité sur la totalité des missions de recouvrement", - la création d'une structure unique pour chapeauter les deux réseaux du RSI, - la mise en place d'un changement du système d'information à destination des travailleurs indépendants.
D’une façon générale, le gouvernement poursuit une politique orientée vers les indépendants à faibles ressources et l’harmonisation de la protection des indépendants et de celle du régime général. Un effort est donc fait, mais il reste insuffisant.
Les programmes des candidats à la présidentielle
Les candidats se sont peu prononcés sur le sujet. On note néanmoins que François Fillon l'a l’abordé dans le détail, en cherchant à développer le travail indépendant en France, qui est effectivement nettement moins pratiqué que dans les autres pays. C’est un excellent objectif.
Une mesure consisterait à élever le plafond de chiffre d’affaires des micro-entrepreneurs (ex-auto-entrepreneurs), notamment pour la franchise de TVA, à 50.000 euros pour les services et 120.000 euros pour l’achat-vente. Cette mesure est saluée par les organisations qui notent, comme nous l’avons signalé, que les plafonds actuels sont trop bas pour permettre à ces entrepreneurs de vivre décemment. Un bon point donc.
Le candidat veut aussi réformer radicalement le RSI, créer une caisse spécifique de protection, et notamment mettre en place une assurance perte d’activité.
Le problème est ici que l’on ne sait pas ce qu’il veut faire exactement, ni surtout comment il entend financer les mesures plutôt généreuses qu’il prévoit.
Signalons qu’Emmanuel Macron s’est récemment prononcé pour la suppression complète du RSI, sans qu’on en sache plus sur la façon de le remplacer.
Mettre en place un régime obligatoire de portée limitée et des régimes facultatifs avec liberté de choix
Dans notre étude du 19 mars 2015, nous avons établi un benchmark des régimes des indépendants dans six des pays européens entourant la France. Il est frappant de constater que la France se distingue à la fois par la rigidité totale – une fois de plus, dirons-nous - d’un système obligatoire et universel, à la différence des autres pays, qui ne rendent obligatoire qu’une couverture minimum, et autorisent d’autre part la liberté de choix entre des caisses en concurrence.
Le RSI français cumule tous les inconvénients, y compris celui de faire payer les cotisations les plus chères pour une couverture qui n’est pas plus large que dans les autres pays. Par contraste, le pays de la liberté est, ce qui peut étonner, l’Allemagne. La seule contrainte légale est l’obligation de s’assurer pour les risques de santé, et le choix est laissé entre des couvertures comprises entre 50 et 500 euros, sachant qu’on peut s’offrir une couverture de très bonne qualité pour 200 euros par mois. Une autre particularité, conséquence du caractère purement assurantiel du régime, est la fixité de la prime, indépendante des revenus. Son avantage est l’inutilité du travail au noir, plaie du régime français. Par ailleurs, L’Etat allemand s‘est récemment inquiété de savoir s’il ne fallait pas rendre obligatoire l’assurance retraite des indépendants au même titre que l’assurance santé. Ce qui a soulevé un tollé de la part des indépendants, sur le thème de « on n’a pas choisi la liberté d’exercice de notre activité pour se voir dicter comment gérer notre vie ».
Eh bien, pourquoi ne pas s’inspirer de cette solution ? C’est cela la vraie réforme qu’il faut promouvoir, quelle que soit notre aversion naturelle, et malheureusement celle de la plupart des candidats, pour des solutions non étatistes, vraiment libérales et laissant la place à la concurrence, donc à l’initiative privée.
Les propositions de la Fondation iFRAP
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