Fraude à l’assurance chômage en 2023 : en baisse mais pour de bonnes raisons

Les résultats (2023) de la lutte contre la fraude à l’Assurance chômage publiés par l’UNEDIC dans son rapport annuel sur la gestion des risques, le contrôle et l’audit de juin 2024 sont passés largement inaperçus. Tellement inaperçus qu’ils ne sont pas recensés dans les rapports du gouvernement de lutte contre toutes les fraudes, ni en 2024, ni en 2025. Ces résultats n’apparaissent également que dans les rapports de la MICAF (mission interministérielle de coordination anti-fraude) où figurent les signalements des services consulaires ou de la CAF à Pôle emploi (désormais France Travail) ainsi que les résultats obtenus sur les 3 dernières années. Ces résultats sont intéressants car ils montrent que la généralisation de la DSN (déclaration sociale nominative) a un impact direct sur la fraude et la fait baisser. Pour preuve, les montants de préjudice évités sont en légère augmentation (+0,7%) tandis que les montants des préjudices subis baissent de -22,9%. Des progrès semblent possibles s’agissant des fraudes à la résidence et des personnes qui travaillent à l’étranger.
Un montant des préjudices détectés en baisse en 2023 de -12,2% :
En 2023 le montant des préjudices détectés par France Travail baisse de 12,2% en 2023 notamment parce que le nombre de contrôles s’est également réduit de -29% entre 2022 et 2023 soit 20.085 affaires qualifiées de frauduleuses contre près de 28.138 un an plus tôt. Il en résulte un montant de préjudices détectés total de 211,29 millions d’euros contre 240,67 millions l’année précédente.
Source : France Travail, Unedic, présentation Fondation iFRAP mars 2025.
Mais cette baisse des fraudes détectées en volume, qui résulte d’abord d’une baisse du nombre d’affaires traitées qualifiées de frauduleuses, témoigne également d’une montée importante du montant des préjudices évités dans le total des fraudes détectées, au détriment de celui des préjudices subis. Le poids des préjudices évités représente désormais 52% du total des fraudes détectées (soit +7 points) en 2023 par rapport à l’année précédente, tandis que leur montant est quasi-stable en 2023 par rapport à 2022 soit +0,7% à 109,9 M€ contre 109,1 M€ l’année précédente. Au contraire le montant des préjudices subis, qui représentait 131,55 M€ en 2022 n’en représente plus désormais en 2023 que 101,35 M€, soit une baisse de 23%.
Source : France Travail, Unedic, présentation Fondation iFRAP mars 2025.
L’Unedic précise que « la non-déclaration des revenus d’activité constitue la principale catégorie de fraude à France Travail. Auparavant, la détection de ces fraudes était basée sur l’exploitation des DPAE (déclarations préalables à l’embauche) », mais « à partir de 2022 l’installation d’un algorithme exploitant les informations issues de la DSN [déclaration sociale nominative ndr] a permis d’élargir et d’automatiser la détection de ces fraudes. »
Aussi c’est à compter de 2023 que les données mensuelles de la DSN « ont commencé à être exploitées de manière opérationnelle » et ont remplacé les bulletins de salaire produits par les demandeurs d’emplois pour justifier leurs précédents revenus d’activité. Ainsi désormais le flux dématérialisé SDE (Salarié-Demandeur d’emploi) « permet de fiabiliser les informations liées à l’actualisation et de prévenir les situations liées à l’absence de DPAE ».
Focus sur les typologies de préjudices : une explosion des fraudes à la résidence
Si maintenant on s’intéresse à la typologie des fraudes, les profils sur deux ans sont assez contrastés :
M€ | 2022 | 2023 | Ecart | Variation |
Reprises d'activité non déclarées | 151 | 111 | -40 | -26,5% |
Absence de déclaration de résidence ou travail à l'étranger | 35 | 42 | 7 | 20,0% |
Usurpation d'identité | 12 | 17 | 5 | 41,7% |
Total typologie des fraudes | 198 | 170 | -28 | -14,1% |
Autres (dont faux documents) | 43 | 41 | -1,39 | -3,3% |
Total des fraudes détectées | 241 | 211 | -29,39 | -12,2% |
Source : France Travail, Unedic, présentation Fondation iFRAP mars 2025.
En particulier, on assiste à une baisse très importante des reprises d’activité non déclarées (ce qui constitue une conséquence directe de la bascule vers l’exploitation de la DSN, vue supra), avec une baisse des volumes -26,5% (à 111 M€ en 2023 contre 151 M€ en 2022), tandis qu’au contraire on assiste à une augmentation significative des absences de déclaration de résidence ou de travail à l’étranger (+20%, 3009 affaires) mais surtout des usurpations d’indentés (+41,7%, 674 affaires).
Néanmoins, la reprise d’activité non déclarée représentant encore 52% du préjudice total et 69% du volume des affaires (soit 13.945 fraudes en 2023), la baisse du volume de ces fraudes détectées fait plus que compenser les autres cas de fraude en hausse.
On ajoutera également que la fraude aux faux documents a représenté 7% du préjudice total (14M€) représentant 427 affaires.
Focus sur la fraude à la résidence Comme le relève la MICAF, dans son rapport de décembre 2024, « la détection de la fraude à la résidence repose principalement sur les partenariats et la coopération avec les organismes interministériels et les services européens. » On assiste en effet à une hausse des rendements de +7 M€ en 2023 par rapport à 2022, le nombre d’affaires à lui explosé, passant de 1.551 signalements en 2022 à 3.656 signalements par les services consulaires à France Travail (dont 3009 affaires traitées en 2023). En particulier, la recherche de renseignements émise vise à détecter « la résidence à l’étranger ou la reprise d’emploi à l’étranger non déclarées. » aboutissant à poursuivre l’inscription de l’individu France Travail, lui permettant de continuer à toucher des allocations chômage. Au niveau européen, la plateforme européenne H5NCP gérée en France par la Direction de la Sécurité sociale, permet de faciliter les échanges d’information entre les services de lutte contre la fraude des différents Etats membres de l’UE. En 2023, la contribution de cette plateforme a permis le signalement de 73 situations de fraudes (2,4% du total de cette catégorie de fraude) pour un préjudice de 1,35 M€ (3,21% de cette catégorie). |
Des sanctions administratives et pénales en forte hausse :
France travail dispose depuis le 1er janvier 2019 de prérogatives lui permettant d’appliquer des sanctions pour « fausse déclaration » afin de sanctionner les fraudeurs cherchant à être ou à demeurer inscrits sur les listes des demandeurs d’emploi afin de percevoir un revenu de remplacement. En 2023, la réponse pénale de France Travail baisse de -10,5% par rapport à l’année précédente[1], avec 230 actions pénales engagées, représentant un préjudice de 45,7% inférieur à l’année passée (1,9 M€ contre 3,5 M€). Par ailleurs les décisions de justice favorables sont en baisse de 19,2% en volume, mais, les classements sans suite de 45,9%, tandis que les décisions défavorables restent très faibles mais doublent entre 2022 et 2023.
2022 | 2023 | Variation | ||
Sanctions pénales | Nombre | 257 | 230 | -10,5% |
Préjudice (M€) | 3,5 | 1,9 | -45,7% | |
Décisions de justice favorables | 120 | 97 | -19,2% | |
dont reconnaissances de culpabilité | 16 | |||
Décisions de justice de classement sans suite | 37 | 20 | -45,9% | |
Décisions de justice défavorables | 1 | 2 | 100,0% | |
Sanctions administratives | Lettres d'avertissement (nombre) | 12 587 | 9 445 | -25,0% |
Sanctions administratives prononcées (nombre) | 10 531 | 7 898 | -25,0% |
Source : France Travail et MICAF
S’agissant des sanctions administratives, leur nombre baisse de 25% avec 9.445 lettres envoyées en 2023, avec un résultat symétrique des sanctions administratives prononcées (-25% également).
[1] En comparant le Bilan MICAF 2022 et le Bilan MICAF 2023.