Retraite : faire la réforme malgré la grève
La journée de grèves contre la réforme des retraites du 7 septembre s'annonce comme le point d'orgue de la contestation syndicale contre le projet du gouvernement. Rejetant en bloc le report de l'âge légal de 60 à 62 ans et le report de l'âge de la retraite à taux plein de 65 à 67 ans, les syndicats sont pourtant à l'opposé de ce qu'il faudrait faire pour sauver notre système de retraites et de ce qui est mis en œuvre ailleurs en Europe, comme en Allemagne où l'âge de départ est progressivement porté de 65 à 67 ans. La seule solution : préparer la convergence vers un régime universel public-privé, soutenable sur le long terme en tenant compte de l'allongement de l'espérance de vie.
Réformer, nous n'avons pas d'autre choix !
Même si les opposants souhaitent montrer les muscles demain, il est un point qu'ils ne peuvent contester c'est le poids de nos déficits de retraite liés à l'allongement de l'espérance de vie. Chaque année, nous gagnons 2 mois d'espérance de vie à 60 ans, et encore plus sans handicap important. Et avec la situation de l'emploi marchand dans notre pays, qui accuse un retard de 7 millions d'emplois par rapport à nos principaux partenaires européens, il est utopique de croire que l'on reviendra à l'âge d'or des retraites, quand 4 actifs finançaient la retraite d'un seul retraité. Quant à la solution qui consisterait à baisser les pensions, c'est en réalité déjà ce qui se passe pour les retraites complémentaires qui représentaient entre un tiers et la moitié de la retraite moyenne, et dont le montant a déjà baissé de 10% depuis la réforme de 1993.
Sans report de l'âge légal, les déficits continueront à se creuser : selon le document du Conseil d'Orientation des Retraites de juin 2010, nous en seront à 32 milliards d'euros dès cette année 2010, 50 en 2020 et 100 en 2040. Si nous ne faisons rien, cela représente une augmentation de 5,2 points du taux de cotisation dès 2020. Dire qu'il suffit de taxer les revenus du capital pour financer ces déficits tient de la mauvaise foi car les sommes en jeu ne sont pas du tout en rapport. Ceux-ci sont d'ailleurs déjà bien assez taxés pour financer le déficit public, l'assurance maladie. Surtout, cela supposerait de faire reposer le financement futur de nos retraites sur les revenus financiers, drôle de solution pour ceux qui vilipendent la capitalisation !
Des efforts pour tous
Selon les mêmes estimations du COR pour 2010 à 2030, le déficit du régime des fonctionnaires d'Etat (2,4 millions d'actifs, 2 millions de retraités pour 20 milliards d'euros de déficit) sera à lui seul supérieur ou équivalent à celui du régime du privé (16 millions d'actifs, 12 millions de retraités, 16 à 19 milliards d'euros de déficit). Les réformes de 2003 et 2007 – alignement des cotisations salariales et remise en cause d'un certain nombre d'avantages familiaux ou professionnels - restent marginales au regard des besoins. Surtout, il n'est rien prévu sur le principal privilège du régime public, à savoir le mode de calcul basé sur les 6 derniers mois, donc les meilleurs, dans la fonction publique, contre les 25 meilleures années dans le privé et même la carrière complète pour l'AGIRC-ARRCO.
La convergence est une question de justice : système identique entre public et privé et surtout un financement des retraites des fonctionnaires par eux-mêmes plutôt qu'à la charge de la collectivité. Tant que nous ne passerons pas à un système universel, ce sera la double peine pour le privé : des mesures plus contraignantes pour limiter la baisse du niveau de leurs pensions et toujours plus de contribution au financement des retraites des fonctionnaires, épargnés par la crise, et qui représentent aujourd'hui encore un emploi sur cinq dans notre pays.
Quelques députés courageux ont déposé au mois de juillet des amendements dans ce sens au projet de loi qui va être discuté, espérons qu'ils tiendront bon face aux manifestants qui seront dans la rue.