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Protection sociale : La France trop généreuse par rapport à son PIB

Un panorama européen des dépenses de protection sociale récent (2010), établi à partir des statistiques d'Eurostat, confirme que la France consacre une part très importante de son PIB à ces dépenses. La redistribution qui en résulte place la France en position nettement favorable en Europe quant à la poursuite de l'égalité entre Français. Mais cette politique ne sera pas soutenable si le PIB par tête, déjà faible relativement, ne se redresse pas. D'autre part, de nets efforts doivent être réalisés pour contenir les dépenses de chômage, de logement, et pour revoir la politique des allocations en espèces à l'intérieur des prestations sous condition de ressources.

Panorama des pays européens. La France paye de plus en plus cher sa protection sociale

Les statistiques d'Eurostat ont mis à jour jusqu'en 2010, avec un grand luxe d'informations, les dépenses de protection sociale des 27 pays européens [1]. Nous avons choisi d'en extraire les données concernant l'évolution en dix ans des dépenses en euros par habitant de sept pays, en distinguant les prestations accordées sans et sous conditions de ressources.

Le choix des pays résume les différents modèles que l'on trouve en Europe : le modèle nordique, à prestations très généreuses mais peu ciblées (Danemark et Suède ici), le modèle méditerranéen, à prestations limitées et peu redistributives (Italie), et le modèle anglo-saxon (ou continental), à prestations généreuses et ciblées (Pays-Bas, Allemagne, France et Royaume-Uni). Les points saillants sont les suivants :

- Les exemples danois et suédois montrent l'importance des dépenses totales consacrées à la protection sociale par les deux pays (respectivement 11.546 et 9.479 euros par habitant, contre 8.137 pour la France), mais aussi leur très faible taux des dépenses sous condition de ressources (respectivement 3%, 2,8% contre 11% en France).

- Le taux de pauvreté dans chaque pays traduit à la fois le montant global des prestations sociales et la répartition entre prestations sans et sous condition de ressources.

On voit ainsi que les pays nordiques connaissent un taux de pauvreté assez bas si l'on prend comme critère de pauvreté à 60% du revenu médian, mais peu favorable selon le critère de grande pauvreté à 40% du revenu médian. Les Pays-Bas et l'Italie se trouvent comme on pouvait le penser aux deux extrêmes, et l'Allemagne et le Royaume-Uni dans une position moyenne. La France se situe dans une position favorable à tous égards, meilleure notamment que le Danemark et égale à la Suède s'agissant de la grande pauvreté, mais cependant loin des Pays-Bas. La part du PIB consacrée globalement par les Pays-Bas est sensiblement inférieure proche (30,2%) de celle de la France (32%), mais à l'intérieur de ces dépenses la part des prestations sous condition de ressources passe à 18% contre 11% en France.

- En ce qui concerne l'évolution des dépenses entre 2000 et 2010, la Suède et le Royaume-Uni ont diminué ces dépenses en proportion du PIB, et les autres pays les ont augmentées. Mais la France se retrouve en 2010, juste derrière le Danemark, en tête des 27 pays de l'Europe pour les dépenses.

L'efficacité des dépenses de la France : d'abord un problème de PIB

La question de l'efficacité des dépenses, si l'on prend comme critère la proportion du PIB qui lui est consacrée en comparaison des autres pays européens, est d'abord dépendante du montant de ce PIB. Or le PIB français par tête est relativement faible : en 2010, plus de 20% en dessous de celui des Pays-Bas, 14% en dessous de celui du Danemark et de la Suède, encore plus si l'on ne prend en compte que le PIB marchand, 6% en dessous de l'Allemagne, légèrement inférieur au PIB anglais et très supérieur au PIB italien.

Il est évident qu'en termes de dépenses de protection en euros par tête, le résultat ne peut qu'être décevant, et alarmant sur l'évolution du montant global des dépenses aussi longtemps que le PIB ne sera pas redressé.

Prestations sans condition de ressources : les dépenses liées au chômage en tête relativement aux autres pays

Eurostat distingue huit fonctions : maladie/soins de santé, vieillesse, invalidité, famille/enfants, survie, chômage, logement et exclusion sociale. Avec 557 euros par tête, et 42,5 milliards d'euros, c'est le chômage qui est comparativement la dépense la plus importante de tous les pays, dépassée seulement par le Danemark avec 864 euros. Les Pays-Bas, puis l'Allemagne et le Royaume-Uni suivent avec respectivement 461,452 et 430 euros.

On sait par ailleurs que, toute question de taux de chômage mise à part, la France est la plus généreuse en termes d'indemnités de chômage. Le Danemark se signale par ses dépenses de suivi du parcours professionnel. La question est chez nous d'une brûlante actualité.

Prestations sous condition de ressources : le logement en tête… et un manque général de maîtrise des dépenses en espèces

Avec 209 euros par tête et 16 milliards d'euros, les allocations de logement sous condition de ressources sont en première ligne de tous les pays, Royaume-Uni excepté qui leur consacre 335 euros par tête. On connaît les problèmes aigus de logement dans ce dernier pays, mais la France n'est pas loin si l'on ajoute toutes les dépenses de l'État autres que les allocations. Les statistiques confirment l'importance du sujet.

Il est enfin une particularité française relative aux prestations sous condition de ressources, c'est l'importance des prestations en espèces, ainsi que le montre le graphique ci-après.

On remarque l'absence totale de prestations en espèces au Danemark, et leur faiblesse en Suède. Les Pays-Bas font encore ici exception, mais avec 545 sur 906 euros, la proportion française de prestations en espèces est de loin la plus forte de l'Europe à 27.

Une fâcheuse pratique française consiste à identifier l'une après l'autre des dépenses pour lesquelles on juge que des prestations sous condition de ressources sont nécessaires, et d'en assurer la couverture par des allocations forfaitaires qui n'ont pas nécessairement de rapport avec les besoins des bénéficiaires, et qui s'ajoutent aux minima sociaux. A titre d'exemple, l'ARS (allocation de rentrée scolaire) vient d'être augmentée de 25% pour aboutir à des chiffres sans rapport avec les dépenses scolaires : il s'agit plutôt d'un prétexte pour offrir un complément de ressources à un nombre de Français très important (2.840.000 en 2012)…dont une proportion très importante ne retournent même pas le certificat de scolarité exigé ! On connaît les problèmes auxquels donnent lieu l'attribution des allocations logement, ou les fraudes aux allocations familiales. Le dernier exemple est celui fourni par le tarif social sur le carburant, que le député PS François Brottes propose de payer par une allocation forfaitaire en espèces versée aux bénéficiaires de la CMUC (??)… que ceux-ci soient ou non utilisateurs d'un véhicule.

Ces pratiques d'assistance, dont on ne connaît pas le montant cumulé, exaspèrent à juste titre les Français. A côté des prestations en nature, il serait souhaitable de régler le problème des allocations annexes aux minima sociaux par une allocation unique censée représenter globalement l'effort de redistribution de la France envers les plus démunis, que ces derniers, comme le restant des Français, seraient libres d'utiliser comme ils l'entendent. Ceci éviterait d'avoir à répondre à des revendications d'assistance s'additionnant sans fin les unes aux autres au gré de la conjoncture.

[1] Soit pour la France en 2010, 620,777 milliards de prestations (plus 33 milliards de coûts de gestion), soit encore 32% du PIB, et dont 69 milliards pour les prestations sous conditions de ressources.