Proposition de loi pour lutter contre la fraude sociale : de bonnes mesures proposées par le Sénat
La sénatrice Nathalie Goulet, co-auteur avec la députée Carole Grandjean d'un rapport parlementaire sur la fraude sociale, a présenté au Sénat une proposition de loi sur le sujet. Jeudi 11 mars, le Sénat a adopté le texte en première lecture avant d'envoyer la proposition à l'Assemblée nationale… sauf que le gouvernement qui n'est pas à l'initiative, a déjà indiqué, via Olivier Dussopt, ministre des Comptes publics, que les mesures de lutte contre la fraude sociale posaient « un certain nombre de difficultés » mais « un débat nécessairement utile ».
Pourtant, il est urgent de sortir des débats sans fin et de s'attaquer frontalement à la fraude sociale et ce, au même titre que la fraude fiscale. La sénatrice l'assure : « Il ne s'agit pas d'une fraude de pauvres, il ne s'agit pas non plus de stigmatiser les étrangers, il s'agit d'une fraude en réseaux organisés » et les enjeux financiers sont colossaux pour les finances publiques : 20 milliards d'euros minimum dont 10 milliards uniquement sur les prestations non contributives, soit les minimas sociaux comme le RSA.
Première mesure de bon sens proposée par le Sénat, adapter une mesure de lutte contre la fraude fiscale à la fraude sociale avec l'expérimentation, pendant 3 ans, de la collecte des données des usagers sur les réseaux sociaux.
Le texte s'attaque ensuite au problème des pensions de retraite versées à l'étranger et veut sécuriser les données des certificats de vie, via la biométrie et en passant des conventions avec les organismes de retraites d'États étrangers. En effet, la Cnav estime que la fraude liée à la prise en compte des décès, est de 1 % sur 11 millions de personnes, soit 110 000 fraudes au décès. D'ailleurs les sénateurs prévoient qu'en cas de doute, il sera désormais possible de demander à un bénéficiaire né hors de l'Union européenne de venir physiquement faire vérifier ses documents lors d'une inscription au Répertoire national d'identification des personnes physiques (RNIPP). Enfin, les prestations sociales pourraient n'être versées que sur un compte bancaire français ou européen.
Fluidifier les échanges de données
Les sénateurs souhaitent également fluidifier les échanges de données entre les organismes sociaux, notamment au sujet des APL entre les CAF et les services fiscaux afin de vérifier les revenus auprès du bailleur du logement rattaché à l'APL. Ils proposent aussi la publication, 6 mois après l'adoption de la loi, d'un état des lieux sur la coopération transfrontalière en matière de lutte contre la fraude sociale.
Enfin, comme les professionnels de santé représentent la moitié de la fraude détectée et évitée (comme la fraude aux actes fictifs, la fraude aux arrêts maladie de complaisance, etc.) de la branche Maladie (soit 136,4 millions sur 286,7 millions en 2019), le texte prévoit le deconventionnement des médecins coupables de fraude. Sur le même sujet, le gouvernement prévoit d'ailleurs la généralisation de la prescription électronique d'ici 2024 afin de limiter les fausses ordonnances.
Des mesures de bon sens donc… qui font suite à une série de mesures annoncées par le gouvernement en février. Le gouvernement a alors demandé à la Sécurité sociale de réaliser une cartographie des risques de fraudes, ainsi qu'un bilan annuel, pour chaque organisme social, des « efforts consentis en termes de lutte contre la fraude ». C'est bien mais cela existe déjà en partie et cela continue dans le registre de l'état des lieux.
De manière plus concrète, il est également prévu d'enfin croiser les fichiers sociaux, fiscaux, bancaires des usagers, notamment pour identifier les détenteurs de cartes vitales qui ne résideraient pas 6 mois de l'année sur le territoire national et/ou les détenteurs de plusieurs cartes vitales. Pour rappel : 1,8 million de cartes vitales en trop circuleraient encore. Il est également prévu que l'administration puisse rechercher les bénéficiaires dans le fichier national des comptes bancaires (Ficoba) afin de vérifier leur situation.
Immense complexité de notre système de protection sociale
Si toutes ces mesures vont dans la bonne direction, elles seront loin d'être suffisantes pour mettre fin à l'immense complexité de notre système de protection sociale : plus de 110 aides, pour autant de démarches administratives auprès de 330 guichets et caisses. Or, c'est dans cette complexité que prospère la fraude, le non-recours et les erreurs administratives qui nous coûtent cher.
Manquent encore les deux mesures essentielles pour en finir avec la fraude sociale massive qui sévit : la carte vitale biométrique et l'allocation sociale unique plafonnée, imposable, délivrée et contrôlée par Bercy.