Prolongation des aides pour l’apprentissage : un coût de 1,2 milliard
Le nouveau ministre du Travail, Olivier Dussopt, vient d’annoncer la prolongation des aides aux entreprises pour les contrats d’apprentissage jusqu’à la fin de l’année et a déjà ouvert l’idée d’une prolongation jusqu’en 2023. Mises en place en juillet 2020, ces aides qui permettent aux entreprises d’embaucher un apprenti pour un coût presque neutre, avaient déjà été prolongées par le dernier gouvernement Castex de janvier à juin 2022. La Cour des comptes estimait le coût 2020-2021 de la mesure à 5,1 milliards d’euros, soit un coût moyen de 4 250 euros par contrat signé et plus de la moitié des dépenses liées au plan « 1 jeune, 1 solution ».
Aujourd’hui, l’objectif du gouvernement est d'atteindre le million de contrats d’apprentissage en 2022. Un chiffre ambitieux mais qui correspond à la montée en puissance observée sur les deux dernières années : en 2021, 698 000 contrats d’apprentissage ont été signés dans le secteur privé, 510 300 en 2020 contre 354 368 contrats en 2019, 3050 895 contrats en 2018 et 289 938 contrats en 2017.
La raison de cet emballement : depuis juillet 2020 et jusqu’à juin 2022, la signature pour la 1ère année d’un contrat d’apprentissage offre, pour l’entreprise, une aide exceptionnelle de 5 000 à 8 000 euros ce qui revient à un coût presque nul pour l’employeur. Cette aide est dégressive mais se renouvelle sur les 4 années d’apprentissage (si elle s’élève à 4 125 euros la 1ère année, 2 000 euros la 2nde, puis 1 200 euros les deux dernières années). L’équipe de campagne d’Emmanuel Macron évoquait déjà un prolongement du dispositif en avril 2022, ce qui est désormais acté.
4 250 euros d’aides en moyenne par contrat
Le succès actuel du dispositif démontre que le désintérêt chronique des employeurs français pour l’apprentissage trouvait sa source dans la question des charges liés au recrutement d’un apprenti et il faut regretter que le gouvernement privilégie le versement d’aides temporaires plutôt que de proposer une baisse des charges pérennes.
Car en plus de créer ce phénomène de « ruée vers l’or », le dispositif a un coût conséquent. En décembre 2021, la Cour des comptes estimait le coût total de la mesure à 5,1 milliards d’euros… sur un total de dépense de 9,7 milliards d’euros pour le plan « 1 jeune, 1 solution ». Sur 2020 et 2021, cela revient à un coût d’aide moyen par contrat de 4 250 euros.
Source : Cour des comptes
Si l’objectif 2022 du gouvernement est atteint, c’est donc une dépense supplémentaire de 1,2 milliards qu’il faudra assurer pour financer les 300 000 nouveaux contrats d’apprentissage. Notons d’ailleurs qu’en 2020, le coût initial du dispositif était sous-estimé de 35% par rapport à son coût final, et de 72% en 2021.
La problématique du public cible
En plus du coût, la question du ciblage des aides pose problème avec une concentration sur des apprentis de plus en plus diplômés. En effet, la Cour des comptes explique que la « part des diplômés de niveau bac+2 et plus est en effet passée de 35 % en 2016 à 56 % en 2020. [Et que] l’essentiel des nouvelles places créées a profité aux élèves capables de suivre un cursus long et a peu bénéficié aux publics vulnérables ». Il existe donc un risque important de concentrer ce soutien à l’apprentissage sur un public déjà formé et ainsi, de ne pas régler le problème de l’emploi pour le public en niveau bac et infra-bac. Pour rappel, chaque année, 95 000 jeunes Français sortent de l’enseignement sans qualification.
Ce succès de l’apprentissage et le niveau d’aide accordé détournent également les entreprises des contrats de professionnalisation qui sont, eux, ouverts aux jeunes de 16 à 25 ans mais aussi aux demandeurs d’emploi de plus de 26 ans et aux bénéficiaires des minima sociaux (RSA, AAH, etc) qui sont souvent plus éloignés de l’emploi. Si 235 399 contrats de professionnalisation étaient signés en 2018, seulement 120 600 contrats ont été signés en 2021. En 2020, le nombre de contrats de professionnalisation signés par un jeune de moins de 25 ans baissait de 7%. Sur les années 2020 et 2021, l’Etat versait cependant 858 millions d’euros d’aides exceptionnelles pour les contrats de professionnalisation des jeunes.
Conscient de ce phénomène, le gouvernement a lancé des contrats d’engagement jeune entrés en vigueur le 1er mars dernier et dont 65 000 ont été signés en un mois et demi. Le dispositif concerne les « NEETs », soit les jeunes de moins de 26 ans ni en étude, ni en formation, ni en emploi et leur propose 6 à 12 mois d’accompagnement (service civique, stage, immersion en entreprise, contrat d’apprentissage, etc.) de 15 à 20 heures par semaine avec un référent unique, soit dans une mission locale (25 000 contrats) ou chez Pôle Emploi (40 000 contrats). Le suivi de cette période d’accompagnement est la condition pour que le bénéficiaire touche une allocation, versée sur critères de ressource, pouvant aller jusqu’à 500 euros par mois. L’objectif du gouvernement est de viser 500 000 bénéficiaires dont 400 000 dès 2022 pour un coût de 2,4 milliards d’euros. En 2021, selon Eurostat, la France comptait 10,6% de « NEETs » sur la classe d’âge des 15 à 24 ans, ce qui nous place à la moyenne de la zone euro mais au-dessus de l’Allemagne (7,5%) et de la Belgique (7,4%).
Un chômage des jeunes qui reste toujours au-dessus de la zone euro
On le voit, le gouvernement a multiplié les mesures exceptionnelles, les plans et les dépenses pour lutter contre le chômage des jeunes. Cela pour quel résultat ? Les derniers chiffres de la Dares sur le chômage indique qu’en France métropolitaine, le nombre de demandeurs d’emplois de catégories A, B et C a diminué de 8,4% sur un an. L’amélioration principale concerne la catégorie A avec -16,5% et un quart (25,4%) de cette baisse repose sur le chômage des moins de 25 ans avec 124 600 sorties. Néanmoins, en parallèle, le taux de chômage des jeunes en catégories B et C (activité réduite tenue de rechercher un emploi) augmentait de 4% sur un an avec 10 300 entrées.
Malgré cela, le taux de chômage des jeunes en France reste élevé : 15,9% pour les hommes en France en avril 2022, selon l’OCDE, et 16,8% pour les femmes contre, respectivement 13,8% et 13,9% pour la zone euro et 6,1% et 4,7% en Allemagne.