Programme du PS : les socialistes et l'emploi
Demandez, et lisez le programme ! Mieux que celui de l' « égalité réelle » qui connaît en ce moment une certaine vogue, celui de la « Convention nationale sur le nouveau modèle de développement économique, social et écologique » mis au point par le PS en avril dernier. Contentons-nous d'évoquer ici les propositions qui, dans ce texte nourri de vingt-cinq pages, auraient, si elles étaient appliquées, un impact direct sur l'emploi – c'est-à-dire sur le problème principal que rencontre actuellement la France.
Voici d'abord une série de dispositions cumulatives venant augmenter les cotisations sociales, les salaires ou les charges, donc le coût du travail :
Financement d'une « nouvelle sécurité sociale professionnelle » par une « majoration des cotisations sociales des entreprises employant un quota trop élevé de travailleurs précaires et par une révision des exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires ». Toute augmentation des cotisations, patronales aussi bien que salariales, renchérit le coût du travail et se traduit, soit par une baisse des salaires soit, et nécessairement quand il s'agit de salaires au niveau du Smic, par une baisse de l'emploi. Et croit-on pouvoir déterminer ex cathedra à partir de quand de tels quotas deviennent « trop élevés » ? La France se caractérise par le chiffre effectivement record de CDD et de recours à l'intérim [1]. Pourquoi ? Parce qu'il est, compte tenu de la loi et de l'interprétation qu'en font les tribunaux, impossible ou très difficile d'assurer autrement la flexibilité de l'emploi.
A noter que la Convention sur l'égalité réelle surenchérit encore sur cette proposition en appelant à requalifier massivement les CDD en CDI, et à définir plusieurs niveaux de sur-cotisations, les CDD et intérim à temps complet, puis les contrats à temps partiel, et enfin les surcotes progressives en fonction du pourcentage général de contrats précaires dans l'entreprise. Le PS croit-il vraiment obtenir que les contrats des millions de salariés concernés subsisteront s'ils sont transformés en CDI ?
Même commentaire à propos de la proposition consistant à « moduler les cotisations en fonction de la signature d'un accord dédié » aux conditions de travail – comme si la réglementation existante n'était pas suffisante.
En ce qui concerne la hausse des salaires, laquelle « reste l'objectif prioritaire », application d'un « système de bonus-malus aux cotisations des entreprises en fonction de la conclusion d'un accord salarial » : même commentaire encore une fois.
Augmentation du Smic au-delà des mécanismes d'indexation automatique.
« Eco-conditionnalité des allégements de charges pour les entreprises » [2].
« Nous reviendrons sur les dispositifs ayant dégradé les 35 heures et sur la remise en cause du repos dominical ». C'est le retour à la réforme-phare du PS, contre le vœu des PME qui dénoncent en masse les accords sur les 35 heures et alors que le travail effectif des Français tourne autour de 39 heures. Une réforme qui coûte 22 milliards à l'Etat et contraint les entreprises à payer des heures supplémentaires. Une fois de plus ce sont les PME qui sont appelées à trinquer, alors que c'est sur elles que repose l'emploi en France. Car si les grandes entreprises se sont mieux adaptées aux 35 heures, ce ne sont pas elles qui créent des emplois. Bien au contraire leur solde de création est négatif et les plus grandes d'entre elles ont 80% de leurs activités et de leur personnel à l'étranger. Mais la réglementation voulue par le PS s'adresse aux grandes entreprises pour lesquelles le retour pur et dur aux 35 heures ne changera quasiment rien alors qu'il coulera encore plus les PME.
Pour payer les retraites, « élargissement de l'assiette des cotisations à la valeur ajoutée », soit une hausse des cotisations se traduisant encore par une baisse des salaires ou de l'emploi.
Voici maintenant quelques propositions parmi d'autres appelées plus largement à décourager la création d'entreprises ou à les handicaper :
Création d'un « Pôle public d'investissement industriel », lequel, « financé massivement » (comment ?), aura pour vocation de prendre des « participations soumises à des critères stricts…actionnariat, plan de création d'emplois, dividendes encadrés, excellence environnementale et sociale, présence au capital de dix ans… ». Et qui donc sera tenté de créer une entreprise soumise à de tels carcans étatiques et de participer à son capital au côté de l'Etat ?
Augmentation du « coût des licenciements économiques dans les entreprises florissantes (seuil fixé par branche) ». Qu'est-ce que cela signifie, alors que de tels licenciements sont déjà interdits ? Soupçonne-t-on les entreprises de licencier par plaisir ?
A la demande des salariés, « mise sous tutelle judiciaire » des entreprises dans les cas de pratiques « manifestement contraires à l'intérêt de l'entreprise ». Ceci, dans le contexte du document, signifie que la réorganisation de l'entreprise n'est pas un intérêt légitime lorsqu'elle tend à assainir ou améliorer la situation financière. On savait à vrai dire déjà qu'une telle réorganisation n'était pas au regard de la jurisprudence française un motif légitime de licenciement. Voici maintenant qu'elle justifie une dépossession des prérogatives des actionnaires.
On pourrait encore ajouter l'annonce de mesures comme des « nationalisations partielles ou temporaires », le « blocage des loyers », la « régulation des prix du foncier ou de l'immobilier » etc…
Mais, dira-t-on, tout ceci n'est pas le programme d'un candidat aux élections présidentielles, mais seulement un catalogue de mesures dans lesquelles ce candidat pourra piocher. Certes, mais il s'agit d'un ensemble aux conséquences assurément cohérentes qui repose sur l'augmentation des dépenses publiques et particulièrement sociales, et sur leur financement par des entreprises qui auront remis en bonne partie les clés de leur gouvernance à l'Etat. Pour être efficace, l'action d'un gouvernement fondée sur ces principes devra en appliquer une partie importante. Ce qui signifie tourner résolument le dos à la politique suivie en France et en Europe et entrer franchement dans un système d'économie administrée avec à la clé destruction des emplois et faillite financière. Il ne peut donc être question de prendre un tel programme à la légère.
Il y a trente ans, le programme commun n'avait pas duré trois ans. Ce sont à peu de choses près les mêmes plats qui mijotent dans la cuisine socialiste. Faudra-t-il revivre la même expérience, qui risque dans le contexte actuel d'être beaucoup plus pénalisante, ou le PS ne devrait-il pas revoir sa copie pour aboutir à un programme qui soit vraiment crédible, et susceptible de donner lieu à des débats fructueux ?
[1] Environ trois millions d'emplois en France (CDD, intérim et stages), soit le troisième rang en Europe (2004), après l'Espagne, où la rigidité de l'emploi est maximale, et l'Allemagne
[2] Et qui doit être articulée au niveau des personnes avec « une contribution climat-énergie ambitieuse et redistributive sur critères de revenus et non de consommation » : l'anti-constitutionnalité de cette proposition a manifestement échappé aux rédacteur malgré la douloureuse expérience que le projet de taxe carbone a fait subir au gouvernement actuel.