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Pourquoi le gouvernement fait bien de tenir bon contre l’individualisation de l’AAH

L’Allocation adulte handicapé est touchée par plus de 1,2 million de personnes en France pour un coût de 11 milliards d’euros par an avec un montant moyen mensuel d’environ 750 euros. C’est une prestation hybride : elle n’entre pas dans la catégorie stricto sensu des minima sociaux… son montant est calculé en fonction des revenus du foyer comme le RSA, les allocations familiales… Cette allocation est cumulable avec un emploi puisque 30% des personnes en situation de handicap travaillent et touchent une partie de l’AAH.

Ces dernières années, le coût de l’AAH a littéralement explosé. Cette allocation représentait 7 milliards en 2010. L’opposition (droite, gauche, LFI…) souhaitait par voie d’amendement individualiser le calcul de l’AAH avec un risque de quasi doublement de la dépense inhérente à l’AAH qui serait passée (sans plafonnement) de 11 à 20 milliards d’euros par an, selon la DREES. Avec un plafond à 19.606 euros pour un couple sans enfant, la mesure n’aurait coûté que 730 millions d’euros environ. L’individualisation entrainerait aussi des pertes : sur 270 000 couples bénéficiaires, 44 000 (soit 16%) foyers seraient perdants à cause des règles de calcul et des plafonnements.

Le gouvernement propose d’ailleurs de corriger avec un abattement supplémentaire de 5 000 euros permettant, pour un couple sans enfant, un cumul d’AAH à taux plein avec un revenu au SMIC à 1 280 euros mensuels contre 1 020 euros actuellement. Le coût supplémentaire de cette mesure correctrice est estimé à 185 millions d’euros par an.

Sophie Cluzel, secrétaire d’Etat en charge des personnes handicapées, explique bien qu’en cas de changement de situation familiale, les ressources [de l’ancien foyer fiscal] ne sont plus prises en compte dans le calcul de l’AAH. En cas de violence conjugale par exemple (un sujet d’inquiétude des partisans de l’individualisation) « les femmes n’ont pas à justifier de leur situation, c’est leur séparation qui est prise en compte. [Et] dans ce cas la CAF s’engage à traiter en priorité, 10 jours au plus tard, leur dossier. »

Il faut saluer la préservation du rôle foyer fiscal par le gouvernement : il permet de prendre en compte « la réalité » des revenus de la famille dans la détermination de la générosité publique. La logique du précédent introduit par amendement aurait un effet budgétaire délétère sur l’ensemble des autres minima sociaux. Rien qu’en individualisation le RSA aurait augmenté de +9 milliards d’euros au bas mot (2016), sans même parler des allocations logement, des allocations familiales ou des droits connexes (cantine, conservatoire, transports, etc.) La prise en compte des revenus totaux du foyer est d’ailleurs le sens de la proposition d’allocation sociale unique (plafonnée et imposable) que la Fondation iFRAP a proposé dès 2016.

Tout notre modèle est fondé sur le foyer fiscal, il est étonnant que les mêmes qui étaient pour le plafonnement des allocations familiales en fonction des revenus du foyer, soient pour l’individualisation du calcul de l’AAH. Les débats en la matière semblent totalement hors sol alors même que nous avons pour 2021 plus de 220 milliards de déficit public annoncé…