Pour travailler davantage, il faut les outils qui vont avec
"La seule réponse est de bâtir un modèle économique durable et plus fort, de travailler et de produire davantage pour ne pas dépendre des autres", nous dit le Président de la République. On ne peut qu’applaudir des deux mains. Cependant, derrière le postulat, il va falloir passer à l’action et rendre possible ce principe du travailler davantage car les outils ne sont pas là.
En 2018, la durée du travail effective des salariés à temps plein était en France parmi les plus faibles en Europe. Si on prend l’ensemble de la population, on voit effectivement que le Français est celui qui travaille le moins par an de tous les pays de l’OCDE : 630 heures. C’est moins que l’Espagnol (696 heures), l’Italien (705 heures), l’Allemand (722 heures) ou le Britannique (747 heures).
Le chômage est plus important en France qu’en moyenne en Europe, le temps de travail à temps plein est plus faible pour les salariés de l’hexagone (surtout dans le secteur public : 200 heures d’écart en moins par an avec les agents publics Allemands) et les salariés partent en France plus tôt à la retraite (62 ans quand la moyenne des pays de la zone est à 65). Ce qui fait que 66 % seulement des Français travaillent, 10 points de moins que la moyenne européenne.
Si la France avait la même durée du travail que la moyenne des pays européens comparables, elle aurait une valeur ajoutée supérieure de 107 milliards d’euros par an.
Le gouvernement table sur le travailler davantage pour sortir de la crise mais il se refuse à repousser l’âge de départ à la retraite ou à remettre en question les 35 heures dans le Code du travail, accroché à sa stratégie de contournement de l’obstacle.
Il doit considérer qu’avec les lois El Khomri et les ordonnances travail, le sujet a été réglé et qu’une entreprise peut, avec l’accord des syndicats, monter jusqu’à 48 heures par semaine. Et elles peuvent limiter la majoration des heures supplémentaires à seulement 10 % (contre 25 % légalement).
De la flexibilité
Sauf que…
Il faut l’accord des syndicats représentant 50 % des salariés, pour pouvoir baisser à 10 % la majoration des heures supplémentaires à condition qu’un accord de branche ait été signé (seule la métallurgie l’a fait).
Bref, un chemin semé d’embûches !
Ce qui va compter dans la période qui s’ouvre, c’est la flexibilité.
La variation à la hausse ou à la baisse des salaires comme du temps de travail sera un outil important pour reconstruire l’économie de la France. Certains secteurs sont durablement touchés par la crise sanitaire et devront affronter plusieurs années de chute importante des commandes, sauver les emplois demandera des sacrifices. D’autres, au contraire, devront faire travailler davantage leurs équipes sans pour autant pouvoir les payer beaucoup plus.
Rappelons que nos voisins Allemands ont fait de la souplesse du temps de travail leur marque de fabrique (avec notamment les accords de Pforzheim) et que cela leur a permis de conserver une Industrie deux fois plus importante qu’en France dans le PIB.
Cette flexibilité absolument nécessaire doit irriguer aussi le secteur public dans lequel les agents ont un temps de travail très inférieur pour un temps plein à leurs collègues du secteur privé (1 559 heures en moyenne, le temps de travail dans le public le plus faible d’Europe).
Il faut pousser la réflexion bien au-delà des incantations et passer à l’action.
Quatre outils sont à adopter le plus rapidement possible :
- Passer dans la loi le principe de zéro majoration des heures supplémentaires entre 35 et 39 heures.
- Lever les conditions d’embauche pour les CDD.
- Repousser progressivement l’âge de départ à la retraite à 65 ans.
- Augmenter le temps de travail dans nos services publics.