Où est passé le big bang de la formation professionnelle ?
Le projet de réforme de la formation professionnelle est en deçà de ce qui était attendu. Le gouvernement nous promettait un véritable big bang. Pour permettre de former les apprentis et les salariés (ou futurs salariés) au plus près des besoins des entreprises. Pour renverser la table de vieux modèles paritaires qui n'ont pas fait leurs preuves.
Aujourd'hui, notre système d'apprentissage ne forme pas assez d'apprentis et la formation professionnelle fait transiter des flux financiers obèses dans des circuits opaques, sans que cela bénéficie aux actifs ou aux demandeurs d'emploi. Après plusieurs mois de négociation, les syndicats ont présenté un projet jugé peu ambitieux par le gouvernement, qui a revu toute la copie... mais à l'arrivée, même ce projet-là change peu les tuyauteries. On est loin de la grande réforme qu'on aurait pu attendre. Simplification de façade.
D'un point de vue financier d'abord.
Le gouvernement veut fusionner une part de la taxe d'apprentissage et la contribution obligatoire pour la formation professionnelle dans une nouvelle taxe « unique » collectée par les Urssaf. Une simplification de façade car, d'une part, cette taxe n'est pas unique : les contributions annexes, comme la contribution supplémentaire pour l'apprentissage (CSA) et la part hors quota de la taxe d'apprentissage, sont pérennisées. D'autre part, elle ne baisse pas le taux de contribution des entreprises. Le gouvernement promet juste de ne pas l'augmenter (une promesse qui n'engage que cette majorité d'ailleurs).
Du côté de l'apprentissage, il faut saluer certaines mesures de bon sens comme la suppression des Octa (organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage), la mise en place d'un nouveau mode de financement par contrat des CFA (centres de formation d'apprentis) et la suppression du passage obligatoire devant les prud'hommes pour rompre un contrat. Mais le projet refuse de toucher aux prérogatives de l'Education nationale. C'est pourtant le principal frein au développement de l'apprentissage.
Si les élèves apprentis et les élèves des lycées professionnels passaient tous par la filière d'apprentissage, la France compterait presque autant d'apprentis que l'Allemagne, plus de 1 million (421.000 apprentis et 660.000 lycéens). Aujourd'hui, l'Education nationale préfère toujours orienter les élèves vers les lycées professionnels car passe avant tout, le maintien de ce réseau et de ses enseignants. Entre 2000 et 2016, 687 lycées professionnels ont fermé. Ils comptent aujourd'hui 40.000 élèves de moins qu'au début des années 2000 alors que le nombre d'enseignants dans les lycées professionnels est passé de 63.000 à 70.000. Cherchez l'erreur.
Conséquence : seulement 5% des jeunes sortant du collège partent vers l'apprentissage, contre 22% en bac pro et 11% en CAP. Cela, alors que le taux d'insertion des bacs pro et des CAP dans l'emploi n'est que de 35% sept mois après l'obtention du diplôme... contre 77% pour l'apprentissage. Des générations entières sont sacrifiées en raison de ces choix.
Du point de vue des entreprises, il n'y a que peu de changement car la complexité des flux de financement à distribuer entre la part du plan de formation (qui change de nom pour devenir le plan de compétences), celle du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), celle du congé individuel de formation (CIF) et du compte personnel de formation (CPF) reste importante. Pour le big bang, on repassera.
A quand la vraie suppression des intermédiaires comme les Opca ? A quand l'absorption des lycées professionnels dans les CFA et la fusion des filières ? A quand l'obtention d'un bac professionnel en apprentissage et la fin du collège unique pour une meilleure orientation ? A quand la suppression de la taxe d'apprentissage et de l'obligation de financement de la formation professionnelle ? N'est-il pas temps de mettre fin au double financement direct et indirect de la formation professionnelle par les entreprises ?