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Nouveau recul du travail à temps plein en France

Cette semaine, Coe-Rexecode publie son édition 2015 du temps de travail en Europe qui fait suite à son étude de 2013. Les conclusions sont limpides : la France est le pays où le temps de travail pour un salarié à temps plein est le plus bas des pays étudiés, puisque nous venons de passer derrière la Finlande qui travaille depuis quelques années à un abaissement du coût du travail et à un redressement de son temps de travail. Deuxième point : entre 2013 et 2015, le temps de travail des Français a encore baissé de 15 heures, creusant ainsi un peu plus l’écart avec nos voisins et compétiteurs comme le Royaume-Uni et l’Allemagne. En 5 ans, c’est 33 heures de temps de travail qui ont été perdues, soit presque l’équivalent d’une semaine de travail à temps complet pour chaque salarié Français. En 15 ans, 218 heures annuelles ont été perdues, l'équivalent de 4,6 semaines de travail.

L’évolution du temps de travail des Français : à la baisse

Le rapport 2015 de Coe-Rexecode, qui se base sur des chiffres consolidés d’Eurostat retrace l’évolution du temps de travail en France depuis 2010. On constate que la tendance est largement à la baisse avec une perte de temps de travail de 33 heures sur l’économie totale en 5 ans. L’agriculture amorce la plus grosse chute avec 67 heures de travail en moins. Vient ensuite le temps de travail des services marchands et non marchands  (qui comprend l’administration publique, les activités liées à l’éducation, à la santé et à l’action sociale, et regroupe l’essentiel des personnels de la fonction publique) qui perdent chacun 37 heures de travail en 5 ans, soit plus d’une semaine de travail à temps complet par salarié ou agent, mais qui maintient l’écart de 149 heures travaillées en plus dans le secteur marchand.

Les chiffres du temps de travail dans le secteur non-marchand valide d’ailleurs le fait que le temps de travail dans la fonction publique, donné par le très récent rapport Philippe Laurent, est sous-estimé (voir notre note explicative sur le sujet, en cliquant ici). Pour rappel, dans le rapport Philippe Laurent, l’Insee donne un temps de travail de 1.584 heures par an dans la fonction publique quand les chiffres d’Eurostat pour 2015 parlent d’un temps de travail dans le secteur non-marchand de 1.569 heures par an. Sur une année de travail de 47 semaines (et donc 5 semaines de congés payés), cela représente un temps de travail de 33 heures par semaine.

10,6 semaines d’absences

Pour l’économie totale, le temps de travail déclaré par les personnes en situation d’emploi est de 39 heures par semaine, ce qui devrait représenter un temps annuel de 2.033 heures par an contre un temps de travail effectif de 1.646 heures, soit une perte de 387 heures. « L’écart de 387 heures s’explique par les différentes absences (congés, maladie, formation, jours fériés, etc.). Traduit en nombre de semaines (c’est-à-dire rapporté à la durée habituelle de 38 heures), cet écart représente l’équivalent d’environ 10 semaines ». Pour comprendre cette perte, Eurostat a décomposé les périodes non travaillées par motif. Première remarque, en 2013, on comptait 10,3 semaines non travaillées en France contre 10,6 en 2015. 
  • Les congés ordinaires et RTT représentent 7 semaines, soit une augmentation de +0,4 semaine par rapport à 2013. Avec les jours fériés, on monte à 7,8 semaines ;
  • Les congés pour maladie ou garde d’enfant représentent 1,6 semaine ; 
  • Les congés de maternité ou paternité représentent 0,4 semaine ;
  • Les absences pour formation représentent 0,2 semaine ;
  • Les diverses autres causes représentent 0,5 semaine.
En 2013, Coe-Rexecode avait comparé les semaines d’absences des Français à celles des Allemands. Ce tableau a été remis à jour en 2015 et notre situation s’est un peu plus noircie :    Ce que l’on voit ? En 2 ans, le nombre de semaines non travaillées a augmenté de 0,4 semaine en France quand il a baissé de 0,2 semaine en Allemagne. Cette augmentation se fait sur les congés ordinaires et les RTT restent une coûteuse exception française. En effet, aucun autre pays n’applique de compensation salariale ou de congés supplémentaires à partir de 35 heures, car aucun pays ne connaît de durée légale à ce niveau. Notons également que les absences pour fait de grève ne sont pas comptabilisées, ce qui viendrait accroître un peu plus le différentiel entre la France et l’Allemagne. Pour rappel, entre 2005 et 2015, on décompte 132 jours de grève pour 1.000 salariés en France contre 15 jours pour 1.000 salariés en Allemagne selon les derniers chiffres de WSI. Peu étonnant alors, que les travailleurs allemands travaillaient 199 heures de plus que les Français en 2015, un écart qui s’est creusé de 13 heures depuis 2013 et qui explique qu’aujourd’hui, que « la durée effective du travail des salariés à temps complet en France est la plus basse de tous les pays de l’Union européenne ».

La France : officiellement dernière des comparaisons internationales 

En 2013, la France était en 27ème position juste devant la Finlande mais en 2015, nous sommes derniers. Effet, le rapport note que la Finlande semble avoir tiré les conséquences de sa faible durée du temps de travail, qui remonte depuis 2 ans. Si la France ne réagit pas, il apparait évident que nous allons nous faire distancer encore davantage dans les prochaines années, puisque la Finlande vient de signer un accord avec ses syndicats pour augmenter le temps de travail sans augmentation de salaire et ce, dans le souci de redevenir compétitif et faire baisser le coût du travail du pays.  

Le cas finlandais : Il y a quelques semaines, le gouvernement finlandais a conclu un accord avec ses syndicats pour baisser le coût du travail en Finlande et le rendre plus compétitif. Après presque un an de négociations, les syndicats représentatifs de 85% des (syndiqués ou des salariés – check) ont signé le pacte du gouvernement pour augmenter la durée de travail annuelle de 24 heures sans compensation dans le privé (ou 3 jours de travail en plus sans compensation) et à réduire de 30% le salaire perçu dans la fonction publique lors des congés payés. Le but de cet accord : baisser de 1,5% le coût du travail du pays pour le rendre aussi compétitif que la Suède et l’Allemagne. En termes de créations d’emplois, rien de certain pour le moment puisque les estimations fluctuent entre 20.000 et 110.000 nouveaux emplois entre les experts et le Premier ministre. Le ministre des Finances, lui, parie sur 35.000 nouveaux emplois d’ici 2020.

 

 Le rapport se penche aussi sur le temps de travail des salariés à temps partiel où la France se place au-dessus de l'Allemagne et du Royaume-Uni avec respectivement un temps de travail partiel à 915 heures, 889 heures et 873 heures. Ainsi, en prenant en compte le temps partiel, la France remonte à la 25ème place européenne avec une durée effective de travail de l'ensemble des salariés de 1.521 heures. Sauf que... plusieurs nuances sont à emporter : 
  1. Les pays européens comparables, notamment le Royaume-Uni qui compte une population totale et une population active semblable à la nôtre affichent une moyenne, temps plein et temps partiel, supérieure (1.580 heures pour l’Allemagne, 1.627 heures pour l’Italie, 1.624 heures pour le Royaume-Uni) ;
  2. Cette moyenne dépend beaucoup des différences de structures de l’emploi entre pays. Or, la proportion des travailleurs à temps partiel est faible en France puisqu'ils ne représentent que 19% des salariés contre 28% en Allemagne. 

Conclusion

Les études de Coe-Rexecode viennent d'année en année chiffrer une réalité que les entrepreneurs et les employeurs français et étrangers perçoivent. Ces sujets, de la durée légale du temps de travail la plus basse d'Europe, de notre secteur non-marchand trop important, de notre penchant pour les congés ordinaires et l'absentéisme, sont de plus en plus régulièrement remis sur le tapis, et de nombreux candidats aux élections présidentielles commencent à étayer des propositions pour flexibiliser le marché du travail. Cela presse alors que les résultats de la France en termes de compétitivité se dégradent : dans le dernier classement de Davos de la compétitivité, nous sommes 22ème sur 140 mais nous ne sommes que 51ème sur l'efficacité du marché du travail. Sur les 12 critères étudiés, c'est notre score le plus bas. En guise de comparaison, l'Allemagne est 4ème au classement général et 18ème sur l'efficacité du marché du travail (voir les fiches pays, en cliquant ici).

Les propositions de la Fondation iFRAP pour flexibiliser notre marché du travail 

  • Négocier le temps de travail par branche et par entreprise pour viser la suppression des 35 heures. Permettre aux accords collectifs d'entreprise de déroger aux accords de branche et, en cas d'échec, organiser des référendum d'entreprise l'emportant avec les 2/3 des votants (même pour les entreprises de moins de 11 salariés) ;
  • Simplifier les conditions des accords de maintien dans l'emploi, et prévoir la possibilité d'accords offensifs s'imposant à tous les salariés ;
  • Supprimer du Code les dispositions les plus pénalisantes pour les employeurs comme les nullités de forme, les sanctions financières automatiques et/ou pénales.