Management des hôpitaux publics AP/HP : dernière tentative avant éclatement
Avec ses 37 hôpitaux et ses 100.000 salariés, l'Assistance Public / Hôpitaux de Paris est le fer de lance de l'hospitalisation publique en France, mais aussi le condensé des handicaps qui plombent ces organisations : gigantisme, immixtion des politiques locaux et nationaux dans la gestion, puissance des syndicats.
Les cinq derniers directeurs de l'Assistance Publique Hôpitaux de Paris
- 1997-2002 Antoine Durrleman
- 2002-2006 Marie-Rose Van Lerberghe
- 2006-2010 Benoît Leclercq
- 2010-2013 Mireille Faugère
- 2013- ???? Martin Hirsch
Les quatre directeurs qui ont précédé Martin Hirsch avaient aussi des parcours complets, remarquables et très divers : Durrleman, énarque, Cour des comptes, responsable de la politique de santé de la ville de Paris ; Van Lerberghe, énarque, ENS, IEP, haut fonctionnaire aux ministères du travail et de la santé, DRH de Danone ; Leclercq, École Nationale de la Santé de Rennes, directeur de plusieurs hôpitaux dont ceux de Lyon ; Faugère, HEC, directrice des lignes SNCF Méditerranée, créatrice de SNCF Voyages, haut responsable de la SNCF.
Mais tous ne seront restés que peu d'années en poste, évidemment pas assez pour préparer, décider et mettre en œuvre les réformes indispensables à ce qui est perçu comme un monstre au niveau mondial. Tous semblent avoir été renvoyés ou être partis parce que les responsables politiques, de l'ancienne et de la nouvelle majorité, ne les soutenaient pas dans leur volonté de réorganiser l'AP/HP. Cet organisme est pourtant en déficit récurrent et les soins y coûtent plus cher qu'ailleurs.
La fermeture de l'Hôtel Dieu par exemple est inévitable et programmée depuis longtemps : Paris dont la population a baissé de 2,8 à 2,3 millions habitants depuis 1960 comporte trop d'hôpitaux par rapport aux banlieues qui l'entourent. Et l'hospitalisation à domicile et la chirurgie ambulatoire réduisent considérablement les besoins immobiliers des hôpitaux. Mais les médecins et les autres catégories de personnel des hôpitaux publics parisiens préfèrent travailler sur l'Ile-de-la-Cité, en face de la cathédrale Notre-Dame, qu'en Seine-Saint-Denis. Un comportement compréhensible mais inadapté au service de la santé, public ou privé. Grâce aux budgets qui lui sont attribués depuis longtemps, Paris attire aussi trop de personnes qui devraient être soignées dans les grands CHU de province. Enfin, on veut espérer que le départ de Mireille Faugère n'est pas lié aux prochaines élections municipales à Paris.
[(AP-HP : Ancienne directrice de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), Mireille Faugère dénonce une éviction “politique” et “douloureuse”)]
Martin Hirsch arrive certainement avec une image compassionnelle rassurante pour les salariés de l'AP/HP et les élus parisiens [1]. Il faut espérer qu'il entrera rapidement dans son rôle de manager de 100.000 personnes et d'un budget de 7 milliards d'euros. Nommé soudain archevêque de Cantorbury, Thomas Becket, l'ami du prince, avait aussitôt endossé ses nouvelles responsabilités, mais pour être resté intransigeant sur ses convictions, cela lui a coûté la vie.
Les fonctionnaires de l'AP/HP de leur côté doivent prendre conscience que cette opportunité est la dernière qui leur est offerte avant un démantèlement inévitable de l'AP/HP, et la délégation de gestion d'une partie des 37 hôpitaux au secteur privé, comme en Suède ou en Allemagne.
Lire aussi : Surcoût des hôpitaux : comprendre les causes pour les traiter
[1] On ne sait pas quels cabinets de chasseurs de têtes ont participé à sa sélection