Logement : stop à l'interventionnisme de l'État
En matière de politique du logement, l'État dépense beaucoup sans efficacité car en empilant mesures et contre mesures, il appuie à la fois sur le frein et l'accélérateur ! En effet, parce que le logement est considéré comme un bien essentiel, l'administration et les politiques se sont toujours considérés comme légitimes à le réglementer le plus possible. Aujourd'hui, dans le pays le moins dense d'Europe, alors que le manque de logement est connu de tous et que des taux d'intérêts exceptionnellement bas font du loyer un placement attractif, il est paradoxal que l'investissement dans le logement soit en chute libre. Connaissant en plus l'attrait historiquement fort des Français pour la pierre, il faut bien admettre que des causes externes ont grippé le système et reconnaître que la cause principale en est l'intervention de l'État.
Pour les acheteurs de logements neufs, l'État contribue fortement à en renchérir le coût :
1) en cherchant à protéger au maximum les acheteurs contre les agissements considérés a priori comme néfastes des constructeurs et des promoteurs :
- outre la garantie décennale des entreprises, il est obligatoire de donner une garantie Dommage Ouvrage, chargée de payer immédiatement les dégâts qui apparaitraient dans les 10 ans, sans attendre que les experts ou la justice aient dit à qui la faute ; vu la multiplication des recours, justifiés ou non au bout de 9 ans et demi, les assureurs en DO augmentent leurs primes et exigent que tout soit vérifié par des bureaux de contrôle eux-mêmes assurés ; le prix de revient du logement comprend donc au moins 3 fois l'assurance, celles des entreprises, de l'architecte des bureaux d'études et du promoteur, puis celle du bureau de contrôle qui doit tout vérifier et enfin la DO.
- pour protéger l'acheteur contre un promoteur indélicat, il est interdit à l'acheteur qui le pourrait de préfinancer la construction, il y a donc obligatoirement un emprunt promoteur et un emprunt acheteur tous deux garantis par des hypothèques, plus une garantie bancaire de bonne fin donc là aussi trois sources de frais financiers obligatoires.
2) en renchérissant la construction par des normes :
- les normes thermiques renforcées de la RT 2012 coûtent près de 10% de plus et imposent par exemple un système de renouvellement d'air pratiquement analogue à celui d'une climatisation centralisée mais sans avoir le droit de mettre le système de refroidissement, et les normes de sur-isolation n'apportent de réelles économies que si l'on renonce à ouvrir les fenêtres en période de chauffe !
- la généralisation des normes handicapés qui ont remplacé la simple possibilité d'adaptation moyennant des travaux simples (par ex suppression de la cloison entre salle d'eau et WC), augmente la surface minimale, donc le coût des petits logements.
- les normes de nombre de pièces minimales pour les logements familiaux en HLM font qu'aujourd'hui la surface moyenne des logements HLM est supérieure à celle des logements non aidés du secteur privé.
3) en limitant le potentiel de terrains constructibles ce qui en fait monter le prix :
- par de multiples interdictions de construire (loi littoral, zones agricoles, forêts, zones inondables, protection de la biodiversité…),
- par des limites de constructibilité en hauteur dans les zones rurales et autour des monuments historiques, etc.
Il en résulte à la fois un surcoût technique et une diminution de l'offre de logements neufs qui contribuent à la hausse des prix même en période de récession. Pour resolvabiliser la demande, l'État met en place des incitations fiscales à l'achat dans le neuf (Scelliei et Duflot pour les derniers) ce qui conduit le budget à payer une partie du surcoût engendré par les décisions de l'État !
La hausse du prix du neuf et la raréfaction de l'offre entraînent un report de la demande sur l'ancien dont les prix montent aussi ; c'est ainsi que le % de différence de prix au m2 entre l'ancien et le neuf est plus faible en France que dans les autres pays d'Europe.
Voulant récupérer la plus-value qui en résulte pour les vendeurs, l'État a récemment redurci la taxation de ces plus-values ; comme les vendeurs savent que cette surtaxation déjà utilisée dans le passé n'a duré qu'un nombre limité d'années, le marché se bloque partiellement, beaucoup de ventes non obligatoires étant différées et là aussi les prix ne baissent que faiblement malgré la crise.
En freinant et renchérissant la construction neuve et en décourageant certaines ventes dans l'ancien, l'État fait tout ce qu'il faut pour aggraver la crise du logement !
Mais l'État intervient tout aussi maladroitement sur le marché locatif :
- dans le secteur dit « libre », depuis des années le législateur et la jurisprudence sur-protègent le locataire au détriment du bailleur ; il en est résulté d'abord que les institutionnels ont délaissé ce secteur et vendu leur patrimoine de logements pour réinvestir en locaux commerciaux ; les bailleurs particuliers ont aussi déserté l'investissement dans le secteur locatif et, de peur d'être démunis devant les impayés, ceux qui y sont restés deviennent de plus en plus sélectifs et écartent les dossiers des locataires aux revenus moyens. Tout cela aggrave les difficultés à trouver un logement.
- Dans le secteur HLM, pour des raisons électorales le plus souvent, les locataires dont les revenus, augmentant avec l'âge, leur permettant normalement de louer dans le secteur libre, sont maintenus en place sans même souvent payer de surloyer et empêchent d'accueillir des demandeurs qui remplissent eux les conditions pour accéder à un logement HLM. Idem pour les locataires dont la taille de la famille se réduit (départ des enfants notamment) et qui conservent des logements devenus trop grands.
- Enfin l'annonce dès l'été 2012 d'un blocage autoritaire des loyers pouvant entraîner la baisse des loyers des baux en cours, comme la fameuse loi de 1948, mais sans la justification des destructions de la guerre et avec en plus l'application aussi aux constructions neuves, a fait disparaître les investisseurs du marché du neuf destiné à la location.
Sur le marché locatif encore, ces agissements ont des conséquences budgétaires via L'APL, aide personnalisée au logement versée aux locataires aux revenus modestes qui payent un loyer élevé en % de leurs revenus ; s'ils obtenaient un logement HLM, cette APL serait plus faible ou nulle. En définitive l'augmentation de l'APL votée chaque année bénéficie directement au propriétaire. Résultat, les aides à la personne représentent à elles seules 17 milliards et sont en augmentation constante.
Conclusion
La loi Duflot et les déclarations menaçantes qui ont accompagné sa préparation n'ont fait qu'aggraver une crise du logement qui date de plusieurs décennies. Les ajustements qui sont en cours de discussion et les quelques milliards de subventions supplémentaires nous ramèneront au mieux à la situation d'avant la loi ALUR : une pénurie de logement malgré 42 milliards d'euros de multiples subventions par an.
Il faudrait que l'État cesse de chercher par tous les moyens à protéger les acheteurs contre eux-mêmes, qu'il admette qu'un logement modeste vaut mieux que pas de logement, et que les relations entre propriétaires et locataires dans le secteur privé devraient relever du contrat et du juge, pas du préfet, et qu'enfin réglementer la rareté ne l'a jamais fait disparaître.
C'est-à-dire qu'il faudrait :
- que le respect de super normes soit un argument commercial des vendeurs de produits haut de gamme et pas une obligation pour tous y compris ceux à qui elles n'apportent pas de réel bénéfice,
- que les logements sociaux soient effectivement occupés uniquement par ceux qui remplissent à ce jour les critères d'attribution,
- que la certitude de pouvoir toucher un loyer en rapport avec l'investissement consenti fasse revenir les investisseurs,
- que le droit de construire ne soit plus considéré comme une exception aux multiples interdictions de modifier le paysage existant,
Et qu'ainsi une véritable politique de l'offre en matière de logement fasse cesser une rareté qui est un phénomène spécifiquement français.