Les syndicats de Renault acceptent la flexibilité du temps de travail
Le texte de l'accord relatif à la flexibilité du temps de travail, mis au point entre la direction de Renault et les syndicats, dont nous nous sommes plusieurs fois fait l'écho, attendait la réponse de la base. C'est chose faite maintenant. La CFE-CGC avait déjà donné sa réponse positive il y a quelques jours, et FO vient de la donner, ce qui permet de dépasser la limite exigée de 30% de représentativité nécessaire pour que l'accord entre en application. Un accord historique, même si son effet ne va guère plus loin que de faire remonter la durée du travail aux 35 heures légales. Une hirondelle pour faire le printemps du dialogue social fructueux ?
C'est un accord historique, lorsque l'on sait que deux jours plus tôt FO avait défilé aux côtés de la CGT contre la transposition prochaine dans la loi de l'ANI du 11 janvier et ses dispositions portant aussi sur la flexibilité du temps de travail. L'Humanité ne s'y est pas trompée, qui a qualifié l'événement de « coup de tonnerre ». Certes, l'accord Renault ne pouvait pas techniquement faire partie de ceux qui sont prévus par l'ANI, car contrairement à ces derniers qui ne visent que le cas de difficultés conjoncturelles pour lequel des accords majoritaires sont pris pour une durée maximum de deux ans, cet accord Renault est de nature structurelle et pérenne. Il n'en reste pas moins qu'il s'agit toujours de flexibilité.
En l'occurrence, FO a accepté les demandes que Renault avait faites en contrepartie de son engagement de garantir la production en France de plus de 800.000 véhicules (dont 80.000 Nissan) et de ne fermer aucun site (l'accord vise l'ensemble des sites de Renault, ce qui montre bien son importance). Renault a dû renoncer à exiger la mobilité des salariés, mais a obtenu une augmentation du temps de travail de 6,5%, un gel des salaires sur 2013, ainsi qu'une modification de pans entiers de l'organisation du travail (annualisation du temps de travail, refonte des comptes épargne temps, plafonnement du nombre de jours de congés capitalisables), et ces concessions demandées aux salariés sont à durée indéterminée (sauf le gel des salaires).
Un parallèle est à établir avec les accords Volkswagen de 1993 signés par le syndicat allemand IG Metall, ainsi que les accords de Pforzheim de 2004, qui avaient institué le droit pour les entreprises allemandes de déroger aux accords de branche et de flexibiliser à la fois temps de travail et salaires. En Allemagne comme en France, les syndicats n'avaient guère le choix. Des dizaines de milliers de licenciements étaient en cause chez Volkswagen, et, chez Renault, FO a commenté sa décision en disant qu' « il valait mieux prendre le risque d'un avenir que de pas d'avenir du tout ». On peut aussi se dire que le considérable « loupé » de la CGT dans le dossier Goodyear, avec plus de 1.000 licenciements à la clé, a dû jouer son rôle dans la décision de sa rivale FO, nonobstant le défilé conjoint des deux centrales contre l'ANI. Une décision qu'il faut saluer, au nom d'une progression de l'efficacité du dialogue social, et d'une prise de conscience réaliste. Laquelle intervient certes vingt ans après les accords Volkswagen, mais il n'est jamais trop tard.
Une décision qui est aussi à relativiser : le temps de travail chez Renault ne fait que revenir aux 35 heures, c'est-à-dire à 1.603 heures par an, alors que par le jeu de la multiplication des congés, les syndicats avaient obtenu chez Renault un temps de travail inférieur à 1.500 heures. On reste très loin de la flexibilité totale mise en œuvre en Allemagne, qui permet notamment aux entreprises, au cas par cas, et dans le cadre des « corridors » de temps de travail annualisés de dépasser 40 heures par semaine. Mais on revient de loin, et il faudrait aller encore plus loin. En particulier faire remonter la durée légale de 35 heures à 39 heures au moins, afin d'éviter de faire démarrer le seuil des majorations pour heures supplémentaires à un niveau trop bas et non compétitif. Chez Renault, cela n'a toutefois pas été jugé nécessaire et c'est tant mieux, mais dans de nombreux cas, particulièrement dans les TPE et PME, la demande est là.