Les candidats et la fraude fiscale et sociale : la poule aux œufs d’or ?
C’est presque un marronnier pour les candidats : lutter contre la fraude fiscale et sociale. Il faut dire que les estimations de fraude sont énormes et représentent une source de financements supplémentaires pour les candidats. Problème : les estimations qui circulent paraissent largement surévaluées et aucun candidat ne propose de mesures claires pour obtenir les résultats de lutte contre la fraude fiscale et sociale escomptés.
Ceux qui se focalisent uniquement sur la fraude fiscale : de 6 à 100 milliards d’euros
Pendant longtemps, on ne parlait, en France, que de fraude fiscale et étonnement jamais de fraude sociale. Les programmes des candidats à gauche sont encore très axés sur la seule fraude fiscale :
Ainsi, Jean-Luc Mélenchon veut durcir les sanctions contre les fraudeurs notamment en mettant fin à la possibilité, pour les entreprises, de négocier leur sanction en cas de fraude fiscale. Pour l’instant, le candidat n’a pas estimé les gains pour les recettes de l’Etat qu’il espère récupérer. En 2017, il estimait la fraude fiscale entre 80 et 100 milliards d’euros.
Sur cette estimation, il est rejoint par Fabien Roussel qui estime lui aussi la fraude fiscale à 100 milliards (comme le font d’ailleurs les syndicats des impôts) et la fraude sociale à 10 milliards d’euros. Il souhaite aussi achever de faire sauter le verrou de Bercy, prévoit de recruter 30 000 agents dans l’administration des Finances publiques et donner un droit de saisine à l’administration en cas de pratiques contribuant à l’évasion fiscale dans les entreprises et dans les banques.
Anne Hidalgo propose de renforcer la lutte contre la fraude fiscale pour récupérer 6 milliards d’euros de recettes fiscales et Yannick Jadot assure, lui aussi, qu'il souhaite « renforcer les moyens dans la lutte contre la fraude fiscale par plus de transparence sur les flux de capitaux et par des taux minimums de taxation au niveau européen ».
Ceux qui visent toutes les fraudes : de 15 à 55 milliards d’euros
Marine Le Pen souhaite créer un ministère de la lutte contre tous les types de fraudes (« fiscale, aux cotisations et prestations sociales, aux importations, ententes, etc. »). Concernant la fraude sociale, elle précise vouloir remplacer la carte Vitale actuelle par un modèle biométrique « infalsifiable ».
Nicolas Dupont-Aignan souhaite également mettre en place une carte vitale biométrique qui sera distribuée en main propre dans les sous-préfectures et il entend économiser 20 milliards d’euros par an sur la fraude à la sécurité sociale tout en récupérant 30 milliards d’euros de la lutte contre la fraude fiscale et la fraude à la TVA.
Éric Zemmour estime les pertes liées à la fraude sociale autour de 40 milliards d’euros par an. Il espère un gain sur la fraude sociale de 5 milliards par an et 10 milliards sur la fraude fiscale. Pour cela, il veut « créer une brigade nationale de lutte antifraude dotée de pouvoirs d'investigation étendus ». Il propose également d’«imposer des contrôles systématiques des allocataires par les organismes sociaux » et de « suspendre pendant cinq années les aides sociales à tout fraudeur récidiviste ».
Enfin, Valérie Pécresse inclut également la lutte contre la fraude fiscale et sociale dans son programme : on ne sait pas dans quelle proportion cette lutte doit peser, ni par quel biais mais la candidate vise, au total, la réalisation de 15 milliards de recettes supplémentaires en provenance d’une baisse des fraudes fiscales et sociales.
Il convient d’appeler tous les candidats à plus de sérieux sur l’épineuse question de la fraude pour nos finances publiques. En gonflant les chiffres de ce qu’on peut récupérer par an en luttant contre la fraude sociale et fiscale, les candidats trouvent des sources de financements commodes à leurs programmes de dépenses et font mécaniquement l’impasse sur les économies à réaliser.
Si la volonté affichée de lutter contre toute forme de fraude est louable, les gains attendus ne peuvent venir que d’une réforme en profondeur, systémique, de notre modèle social et fiscal. Cela passe par la fusion de aides sociales, leur plafonnement, et qu’elles soient désormais imposables. Il est aussi nécessaire que la carte d’identité et la carte vitale soient couplées en une seule et même carte comme cela est déjà l’usage en Belgique.