Actualité

Le plan de relance Hollande pour le logement visera-t-il les bons leviers ?

Les chiffres sont tombés et ils sont mauvais. Le secteur du logement a encore reculé avec 305.000 mises en chantier de logements neufs sur les 12 derniers mois. Le chiffre le plus bas depuis 1997. L'exécutif est bien décidé à relancer ce secteur. Il faut dire que selon les chiffres de l'INSEE le secteur de la construction représente 1,7 million d'emplois et le marasme du secteur serait le principal frein à la croissance en France. On comprend donc que le logement soit au centre des préoccupations en cette rentrée. Mais plutôt que de se lancer tête baissée dans un nouveau plan de relance alors que la politique publique du logement mobilise déjà 45 milliards d'euros, ne faudrait-il pas mieux reposer les bases d'une nouvelle stratégie ?

Sur les douze mois écoulés entre août 2013 et juillet 2014, le nombre des logements neufs mis en chantier est en recul de près de 11% et se situe à 305.079 logements. Selon les statistiques publiées cette semaine par le ministère du Logement, en effet, les mises en chantier de logements neufs ont continué à se détériorer de mai à juillet. Le nombre de permis de construire accordés pour des logements neufs, qui renseigne sur les futures mises en chantier, est toujours en repli de 17% à fin juillet à 391.474 unités. En 2013, 331.867 logements neufs avaient été mis en chantier en France, un chiffre loin des engagements de campagne de François Hollande - encore jamais atteint en France - d'un demi-million de logements construits par an.

Source : Statistiques ministère du Logement

Dans l'ensemble le marché de l'immobilier est on ne peut plus déprimé : dans le neuf, l'offre de logements est en chute pour s'adapter à la demande qui stagne. Dans l'ancien, les conditions d'emprunt sont bonnes et les prix sont stables, mais la crise actuelle décourage les décisions d'investissement. En toute logique, l'activité des entreprises du bâtiment est en baisse entrainant avec lui faillites et chute de l'emploi. Selon l'Insee, le marasme du secteur de la construction est le principal frein à la croissance en France, et lui coûtera 0,4 point de produit intérieur brut (PIB) cette année.

C'est sans doute la raison pour laquelle François Hollande a fait de la relance de la construction une de ses priorités de la rentrée et a promis la semaine dernière un nouveau « plan de relance » pour le secteur. Avec 45 milliards d'euros d'aides totales au logement qui s'ajoutent à des taux d'intérêt historiquement bas, la France fait paradoxalement face à un manque criant de logements sans parvenir à stimuler la construction.

Il faut dire que le secteur de la construction et de l'immobilier est un secteur important : 1.390.000 emplois dans la construction et 232 000 emplois dans les activités immobilières sans compter près de 100.000 intérimaires, soit près de 10% de l'emploi salarié dans le secteur marchand. Des emplois non délocalisables et non mécanisables pour l‘essentiel. Autant dire que tout cela représente un enjeu majeur sur le front de la bataille de l'emploi.

Trois mesures de réforme ont déjà été annoncées cet été :

  • révision du zonage territorial,
  • renforcement du PTZ,
  • plafonnement des honoraires des agences immobilières.

Ces mesures bien qu'utiles sont sans doute insuffisantes pour résoudre l'ampleur de la crise du logement. Ainsi, la révision du zonage annoncée par Sylvia Pinel a pour but de rendre éligible un champ plus large de logements (et donc d'investisseurs accédants ou bailleurs) à des dispositifs fiscaux.

La révision du zonage :

Avant la révision du zonage, les différentes zones sont composées de la manière suivante :

  • Zone A bis : comprend Paris et 29 communes de la petite couronne ;
  • Zone A : comprend la partie agglomérée de l'Île-de-France, la Côte d'Azur et la partie française de l'agglomération genevoise ;
  • Zone B1 : comprend les agglomérations de plus de 250.000 habitants, la grande couronne parisienne, quelques villes chères comme Annecy, Bayonne, Cluses, Chambéry, Saint-Malo ou La Rochelle, les départements d'Outre-Mer, la Corse et les autres îles non reliées au continent ;
  • Zone B2 : comprend les autres communes de plus de 50 000 habitants et les franges de zone B1 ;
  • Zone C : reste du territoire.

Après la révision :

  • Reclassement d'une centaine de communes en zone A bis et A, soit plus de 3,5 millions d'habitants supplémentaires concernés : ainsi des communes comme Lyon, Lille, Marseille ou Montpellier passeront de la zone B1 à A.
  • D'autres grandes villes seront reclassées de B2 en B1 : par exemple le Havre, Caen, Dijon.
  • Si des déclassements ont été effectués entre B1 et B2, aucun déclassement en zone C n'a été opéré, afin de ne pas pénaliser la construction de logements. Au contraire, plus de 600 communes actuellement en zone C sont reclassées en zones B1 ou B2.

Ce zonage détermine l'éligibilité des territoires aux aides ou module leurs paramètres :

  • Dispositif d'investissement locatif intermédiaire destiné aux particuliers : Les logements doivent se situer en zones A (y compris A bis) et B1. Les logements situés dans une commune de zone B2 peuvent également être éligibles au dispositif, sous réserve d'un agrément du Préfet de région. Les logements situés en zone C ne peuvent pas bénéficier du dispositif.
  • PTZ (Prêt à taux zéro) : Les conditions de ressources permettant de bénéficier du PTZ, ainsi que son montant, dépendent de la zone où se situe l'achat immobilier à financer. Plus la zone où est situé le logement est tendue, plus les plafonds de ressources pour en bénéficier sont élevés et plus le montant du prêt (en pourcentage de la valeur du bien) est élevé. La révision du zonage A / B / C s'articule avec le renforcement du PTZ en zones moyennement ou peu tendues.
  • Logement intermédiaire, dispositif destiné aux acteurs institutionnels : Le régime de TVA à 10% au bénéfice du logement locatif intermédiaire (accompagné d'une exonération de TFPB) s'applique intégralement en zones A bis, A, et B1. Un reclassement de B2 à B1 permettra de développer du logement intermédiaire sur le territoire des communes concernées.

Comme toute politique de zonage, elle entraîne des effets pervers. C'est ce qui avait été mis en place en 2009 dans le précédent plan de relance à l'époque initié par le Premier ministre François Fillon. Des dérogations avaient été accordées aux communes de la zone C (la moins tendue) ou des décisions de déclassement avaient été mises en œuvre, tout cela pour soutenir le marché de la construction. Sauf que, comme l'avaient souligné de nombreux observateurs, dont la Cour des comptes, ces mesures avaient incité à construire dans des secteurs dits détendus c'est-à-dire où la demande de logements locatifs ne peine pas à trouver des biens, alors qu'il est évident que c'est dans les secteurs les plus tendus que devraient se concentrer l'effort de l'Etat et son soutien financier. Les élus des zones « détendues » et partisans d'une politique de soutien au logement argueront sans doute que c'est grâce à ces aides que leur marché est accessible. Il n'empêche qu'en période de disette budgétaire la priorité devrait être là où les besoins sont les plus criants.

On peut adresser les mêmes critiques au plafond de ressources pour être éligible au PTZ : c'est bien de donner accès à plus de moyens aux ménages pour accéder à la propriété mais si l'on ne construit pas, cela ne sert à rien d'autre qu'à avoir un effet inflationniste sur le marché immobilier. Or la France a cette caractéristique que les prix immobiliers qui ont fortement augmenté depuis le début des années 2000 ne se sont pas retournés - à l'inverse des autres grands pays industrialisés – avec la crise. Aider la demande est utile si tant est que l'offre suit, particulièrement dans les zones tendues. Or on ne construit pas assez et l'on ne met pas suffisamment de biens en vente sur le marché.

Un premier levier plus utile envisagé par le gouvernement est d'agir sur les frais de mutations qui freinent l'échange de biens. Arnaud Montebourg avait promis de s'attaquer aux professions réglementées et parmi celles-ci aux notaires. Quant aux annonces qui ont été faites, elles visent les honoraires des agences immobilières. C'est bien mais tout le monde sait que ce qui coûte le plus cher lors d'une transaction immobilière ce sont les droits d'enregistrement : 1,9% d'honoraires et 5,7% de taxes.

Pour les logements anciens : 5,7% de taxes appelées droits d'enregistrement ou droits de mutation. (l'impôt payé sur le prix de vente se décompose en une taxe départementale de publicité foncière (de 3,80% à 4.5% suivants les départements), la taxe additionnelle au profit de la commune (1,20%), les frais d'assiette et de recouvrement au profit de l'Etat (2,37% de la taxe de publicité foncière) soit au total entre 5,09006% et 5.81% (voir nouveauté loi de finances 2014)

Pour les logements neufs : le client doit aussi s'acquitter de la TVA de 20%, qu'il paye avec le prix au vendeur du logement. Dans ce cas, il n'y a pas de droits d'enregistrement mais une taxe de publicité foncière, d'un montant moindre. Les frais de notaire moyens sont alors de 3,15%.

L'OCDE a mis en évidence que les droits d'enregistrement en France étaient parmi les plus élevés et un handicap dans notre politique du logement. Malgré cela la plupart des départements ont augmenté les DMTO (droits de mutation à titre onéreux) depuis mars 2014. Et l'Etat et les collectivités sont aux premières loges pour profiter de la hausse des prix de l'immobilier. Donc sur ce point, il reste encore beaucoup à faire. Mais c'est d'abord à l'Etat d'apporter sa contribution en baissant la fiscalité.

Le 2e et principal levier pour agir sur la crise du logement c'est augmenter l'offre de logements et donc construire, construire et construire … mais là où on en a besoin. Pour y parvenir, le gouvernement prévoit dans son nouveau plan de relance de toucher « à la fiscalité, aux procédures et aux financements », a détaillé le chef de l'Etat dans un entretien accordé au journal Le Monde.

S'attaquer à la fiscalité est une nécessité : mais encore faut-il user de cet outil avec discernement. La FFB a demandé de relancer les dispositifs fiscaux (notamment en étendant le bénéfice du dispositif Duflot aux ascendants/descendants) pour relancer dans l'immédiat la machine. Mais dans son chapitre consacré à la politique du logement, le rapport France 2025 de France Stratégie indique que pour amorcer un dégonflement de la bulle immobilière « une première mesure consisterait à ne pas encourager la hausse des prix par des dispositifs de soutien à l'investissement locatif dont on peut redouter les effets inflationnistes ». Au contraire, France Stratégie recommande de s'attaquer à la hausse des prix du foncier. Or c'est là que l'outil fiscal peut être utile.

Si l'on prend le cas de l'Ile-de-France où le besoin de logements est très important, le chercheur au CNRS Vincent Renard estime qu'il y a dans cette région un potentiel pour construire des centaines de milliers de logements. Mais selon lui si ce potentiel n'est pas exploité c'est parce que les terrains qui sont mis à la vente sont rares et ne le sont qu'à l'occasion de faillites ou de décès. Sinon les propriétaires fonciers ont plutôt intérêt, vue la fiscalité, à conserver leur terrain. La taxation des plus-values immobilières a fait l'objet d'incessants changements :

Taxation des plus-values immobilières :

Tous les vendeurs de biens immobiliers sont concernés, sauf si le bien constitue la résidence principale du vendeur. La plus-value nette s'obtient en appliquant à la plus-value brute des abattements par année de détention. L'idée étant que plus vous détenez le bien depuis longtemps, plus l'abattement est important, plus la plus-value nette diminue et par conséquent l'imposition.

Avant la réforme de 2011 : Depuis 2004, l'abattement est de 10% par an à partir de la sixième année. Au bout de 15 années de détention, mathématiquement, l'abattement est égal à 100%.

Après la réforme : Les abattements sont revus pour arriver à une exonération au bout de 30 ans. L'abattement reste nul durant les 5 premières années. Cette réforme a eu dans un premier temps pour effet d'augmenter l'offre de biens à vendre jusqu'à la date limite de réforme.

Réforme 2013 : une nouvelle fiscalité des plus-values immobilières s'applique à toutes les ventes à partir du 1er septembre 2013. Cette réforme aboutit à un abattement pour durée de détention qui permet une exonération d'impôt sur le revenu après 22 ans de détention et d'un abattement exceptionnel de 25% applicable jusqu'au 31 août 2014 sur la plus-value imposable, c'est-à-dire après calcul de l'abattement pour durée de détention.

Le gouvernement préparerait donc de nouvelles mesures d'abattement fiscal dans les premières années de vente. Des mesures qui iraient dans le bon sens pour inciter à la mise sur le marché de terrains. D'autant que la cession de terrains publics est loin d'être la panacée : les collectivités locales, surtout lorsqu'elles ont des terrains dans des zones fortement valorisées, ne sont pas toutes enclines à mettre à disposition gratuitement les terrains (la mairie de Paris a par exemple acheté 400 millions d'euros les terrains de la ZAC Clichy-Batignolles de 50 ha). De plus les terrains en question ne sont pas toujours valorisables immédiatement, réclament des investissements (déconstruction, dépollution,…).

L'autre piste indiquée par France Stratégie c'est de faciliter la délivrance des permis de construire en limitant les recours abusifs. Il faut rappeler que la remuante ancienne ministre du Logement Cécile Duflot s'était cassé les dents sur le transfert au niveau intercommunal de l'autorisation de permis de construire. Or on sait que les maires sont plutôt opposés à la construction de logements au nom du principe « maire bâtisseur maire battu ». A l'occasion des dernières municipales certains maires nouvellement élus ont même annulé des programmes de construction décidés par leurs prédécesseurs. Pour les maires, construire des logements cela implique d'investir dans des infrastructures, ce qu'ils ont choisi de reporter étant donné la restriction sur leurs dotations budgétaires. En revanche, ils sont plus favorables à la construction de locaux professionnels qui nécessitent moins d'investissements et rapportent plus en taxes locales. C'est donc ce comportement qu'il convient de changer. Et la nécessité de confier au moins à l'agglomération/métropole le pouvoir des permis de construire, éventuellement à l'occasion de la réforme territoriale en préparation dans le cadre de la revue de compétences.

Un autre moyen d'y parvenir serait de lever un certain nombre de contraintes administratives qui pèsent en matière d'urbanisme et qui limitent encore la possibilité d'utiliser les terrains. Les élus de la région PACA où le déficit en logements est réel, expliquent volontiers que les terrains disponibles encerclés entre les lois littoral, les lois montagne, etc., se réduisent forcément comme peau de chagrin. Les élus ont donc besoin de lisibilité et de stabilité dans la réglementation de l'urbanisme alors même que les PLU/POS sont toujours plus contraignants quand ce n'est pas le préfet qui en rajoute.

Cela rejoint l'idée du choc de simplification, visant à réduire les normes et les procédures pour réduire les coûts de construction et relancer l'activité, très attendue par les professionnels. Comme nous avions eu l'occasion de le dire dans une précédente note, le rapport Mandon-Poitrinal fait la part belle au secteur du logement et de la construction avec au moins 9 mesures. C'est bien mais c'est certainement loin d'être suffisant si on se réfère à l'augmentation des coûts de la construction. Selon un représentant de la FFB, «  Sur 15 ans les coûts de construction ont augmenté de 60% dont 1/3 sont imputable à la réglementation ». Et si ces 9 mesures sont bel et bien supprimées, le secteur doit se préparer à affronter la mise en application de la législation sur la pénibilité d'une part et sur l'amiante, qui vont alourdir fortement la gestion de l'emploi dans un secteur rappelons-le fortement dominé par des PME. Le secteur de la construction a aussi besoin de stabilité et de lisibilité dans la réglementation technique.

Tout cela doit rappeler que le secteur du logement est un secteur où les délais de production sont longs et qui ne s'adaptent pas d'un seul coup. Il est donc nécessaire d'anticiper à la fois les évolutions socio-économiques (en clair où seront les bassins de population et d'emplois dans 10-15 ans) et mesurer les incertitudes que font peser les déclarations qui ont accompagné le long débat parlementaire sur la loi ALUR (GUL, blocage des loyers, etc.) et qui ont produit une paralysie du marché même si toutes les mesures ne sont pas encore mises en œuvre, et qui nécessite de remotiver les investisseurs par des carottes fiscales.

Dernière minute : le gouvernement renonce au contrôle des loyers "Les conditions techniques ne sont pas prêtes", "il y a trop d'incertitudes pour les investisseurs" a estimé le Premier Ministre qui laisse entendre que le dispositif pourra quand même être testé sur Paris. En mettant fin à cette mesure emblématique de la campagne présidentielle, le Premier ministre lève une des incertitudes majeures qui pesaient sur les relations bailleurs-locataires, l'autre ayant été l'abandon du caractère obligatoire de la GUL.

Finalement ce qui est indispensable pour le secteur du logement c'est une vraie remise en cause de l'intervention de l'Etat à la fois trop importante, trop fréquente, trop dispersée entre des acteurs aux objectifs différents et parfois irréconciliables (Etat, collectivités, bailleurs sociaux [1]). Comme le recommande Benoit Apparu ancien ministre du Logement, une réforme majeure serait la territorialisation des politiques du logement en laissant par exemple les métropoles et/ou régions être en charge à la fois des aides à la pierre et de leur zonage et des décisions de permis de construire, pour une plus grande réactivité et une plus grande cohérence.

Mesures Interventionistes
Extension des avantages fiscaux en faveur de la construction de logement locatifs
Élargissement des zones éligibles aux avantages fiscaux en faveur de la construction de logements locatifs
Extension du prêt à taux zéro
Alourdir la fiscalité sur les terrains constructibles
Résultats :
  • Augmentation du prix des logements,
  • Construction dans des secteurs où il n'y a pas de demande.
Mesures de liberté
Libération des relations propriétaires/locataires
Constructibilité des terrains agricoles délaissés depuis plus de 15 ans
Adaptation, selon les cas précis, des normes imposées au moment de la construction (handicap, énergie, risques pompiers, inondation,…) et de la mutation (diagnostics surface, énergie, plomb, amiante, électrique,…)
Résultats :
  • Augmentation dans l'investissement locatif,
  • Baisse du prix des terrains,
  • Boom de la construction.

[1] On ne l'a pas évoqué ici mais plusieurs notes sur le site de l'iFRAP traitent de cette question. Nous pensons cependant que l'on ne doit pas tout centrer sur le secteur du logement social mais on peut régler la question du taux d'effort des locataires en construisant plus et en réduisant la fiscalité sur les propriétaires bailleurs.