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La richesse en France selon l'INSEE

La tentation de l'opposition entre « riches » et « pauvres »

A point nommé, l'INSEE a sorti la semaine dernière une note sur les « très hauts revenus » faisant état du fait que le nombre de personnes (ou unités de consommation – voir définition en encadré) à très hauts revenus aurait fortement augmenté en 2007. Entre 2004 et 2007, le nombre de personnes gagnant plus de 100.000 euros par an aurait augmenté de 28%.

Et le revenu moyen du 1% des plus riches Français serait d'environ 150.000 euros par unité de consommation. A souligner tout d'abord : il s'agit des revenus avant impôt. Or, ce sont les revenus disponibles une fois retirés les impôts et ajoutées les prestations sociales qui correspondent au niveau de vie réel. Il est, par ailleurs, fort dommage que l'INSEE sorte des chiffres datant de trois ans alors que la crise est passée par là et qu'on peut penser que les revenus du capital qui constituent entre 15 et 48% des revenus des plus hauts revenus, se sont certainement effondrés en 2008 et 2009.

Une méthode de calcul contestable

Par unité de consommation, il faut entendre que le premier adulte d'un ménage compte pour 1, chaque personne de 14 ans et plus pour 0,5 et chaque enfant plus jeune pour 0,3. La question se pose : pourquoi 0,5 pour un adulte ou un adolescent et pourquoi 0,3 pour un bébé qui coûte au moins aussi cher ? Ce qui est sûr, c'est que si l'on comptait au moins le deuxième adulte pour 1 et non 0,5 et ce après impôts, l'évaluation des hauts revenus serait plus réaliste.

On entre dans la catégorie des 10% les plus riches avec 35 000 euros par an de revenu net avant impôt, soit à partir de 3000 euros par mois. Et… une famille avec deux enfants gagnant 2.200 euros par mois se trouve sous le seuil de pauvreté. Un couple avec deux enfants est considéré par l'INSEE comme « très haut revenu » avec 15 000 euros nets de revenus par mois. Il est d'ailleurs significatif de faire le rapprochement avec le plafond maximum de revenus pour lequel un couple avec deux enfants a encore le droit de rester dans un logement HLM à Paris est de 9.182 euros nets par mois. En France, donc, une famille de 4 personnes avec 9.182 euros nets par mois est suffisamment pauvre pour rester en HLM alors qu'une famille de 4 personnes avec 15.000 euros nets par mois est très riche. Allez comprendre la logique.

L'INSEE souligne le fait que le « poids de l'imposition » des personnes très aisées et les plus aisées est de « 25% seulement de leur revenu » alors qu'ils devraient acquitter 36%. En moyenne, les ménages fiscaux les plus aisés acquittent 270.000 euros d'impôt sur le revenu. Mais ce que l'INSEE ne dit pas c'est que, si on reprend les chiffres de 2006, sur 35 millions de foyers fiscaux, seulement 19 millions payaient l'impôt sur le revenu. Et ce, toujours selon l'INSEE (source : salaires et autres revenus), avec un impôt moyen acquitté de 2564 euros pour 31.245 euros de revenu par foyer imposable. Les foyers imposables paient donc en moyenne seulement 8,2% de leur revenu en IR. Soit 3 fois moins que les plus hauts revenus. Et ce, sans parler des quelque 16 millions de foyers fiscaux qui ne paient pas d'impôt sur le revenu.

Rappelons aussi que les niches fiscales qui sont évoquées comme faisant baisser le pourcentage moyen d'impôt sur le revenu acquitté, sont, en réalité, des niches utilisées par toutes les tranches de revenu et permettent donc à tous de payer moins d'impôts. Stigmatiser une fois encore le 1% les plus riches sur le sujet est tout à fait injuste. Car les niches IR telles que la Prime pour l'emploi (3,2 milliards pour 2010), la niche chaudière (2,6 milliards pour 2010)… ne sont pas réservées aux hauts revenus, les revenus moyens les utilisent aussi abondamment. D'où les 8,2% d'impôt sur le revenu acquittés en moyenne.

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Rapport Cap Gemini

Etonnant, dans un des derniers pays qui conserve un impôt sur la fortune et qui aime faire compter chaque petite cuillère à ses administrés, que la réflexion sur les « riches » ne se fasse pas par rapport au patrimoine mais par rapport aux revenus annuels. Car, dans ce domaine, une récente étude de Cap Gemini, le World Wealth Report 2009, montre que la France compte beaucoup moins de contribuables dotés de plus de un million de dollars de patrimoine que les pays comparables (voir graphique en page 5 du rapport). Là où la France compte, pour reprendre l'année 2007, 396.000 riches de plus de un million de dollars, la Grande-Bretagne en compte 491.000 et l'Allemagne 833.000 !

Même Louis Maurin, directeur de l'Observatoire des inégalités, dans un entretien accordé à Libération sur le sujet explique : « La France est un des pays les moins inégalitaires au monde en termes de revenus. » Sans « riches », quelle économie dynamique peut fonctionner ? Aucune. Il y aura toujours 10% de plus riches, même si nous devenons tous pauvres. Méfions-nous des chiffres et des études « indépendantes » qui sortent à des moments politiques. L'intérêt de la société française n'est pas de monter des pseudo pauvres contre des pseudo riches, mais de pouvoir grimper l'échelle sociale et espérer rejoindre un jour cette catégorie.