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La « garantie universelle des loyers », une garantie de la contraction du marché immobilier ?

Cécile Duflot a présenté mercredi dernier en Conseil des ministres son projet de « garantie universelle des loyers » (GUL), une nouvelle mesure censée protéger les propriétaires contre les risques de loyers impayés. Parmi les 35 dispositions évoquées par la ministre, en voilà une qui a toutes les chances de faire fuir les investisseurs. Derrière la volonté affichée de dynamiser le marché de l'immobilier, cette garantie risque de dégrader encore l'équilibre entre les propriétaires et les locataires. Et ce au détriment des premiers, mais les effets pervers de la réforme, ce sont les locataires qui les subiront.

Après l'encadrement des loyers dans les zones dites « tendues », c'est-à-dire là où la demande est forte et les prix sont élevés, Cécile Duflot nous fait la promesse d'une « garantie universelle des loyers payée par le propriétaire et le locataire ». En pratique, le nouveau mécanisme implique :

  • La garantie faite au bailleur, lorsque le locataire refuse de payer, de se voir indemniser du montant du loyer. L'essentiel de la mesure est, selon la ministre, de « protéger les propriétaires contre les impayés ».
  • Un financement « à parts égales », probablement via une taxe sur le loyer, prélevée auprès des propriétaires et des locataires.
  • La suppression de la caution.
  • La création d'une agence de garantie universelle, chargée de collecter les taxes et d'indemniser les propriétaires.

Une contrainte beaucoup plus qu'une garantie

Derrière la volonté affichée de « protéger le propriétaire », cette mutuelle universelle proposée par Cécile Duflot ressemble bien plus à une contrainte supplémentaire pour le propriétaire qu'à une assurance contre le risque.

Une contrainte fiscale tout d'abord : si le gouvernement est pour l'instant resté vague à propos du financement de la garantie, l'idée de taxer à 1% du loyer les propriétaires et les locataires a été émise. Une taxe qui vient s'ajouter au cocktail d'impôts déjà chargé auxquel sont assujettis les propriétaires : la taxe foncière, qui peut atteindre jusqu'à deux mois de loyer dans certaines agglomérations, la CSG qui aujourd'hui représente 15,5% des revenus fonciers, l'ISF, ainsi que la taxation des plus-values de cessions immobilières récemment durcie.

Mais aussi une contrainte psychologique : cette garantie universelle, censée rétablir la confiance des bailleurs sur le marché du logement, remplacera naturellement les autres formes de garantie aujourd'hui demandées par les propriétaires, telles que la condition de revenus stables, ou la caution. Une mesure qui risque de déresponsabiliser les locataires et qui ne va certainement pas rassurer les propriétaires. Car même si la caution, en elle-même, n'a que peu d'influence sur l'attitude et le respect des délais de paiement de la part du locataire, il s'agit là d'un signal fort envoyé aux propriétaires. Cécile Duflot expliquait que si 2,5 millions de logements sont aujourd'hui vacants, « c'est notamment parce que certains propriétaires sont craintifs de se retrouver dans des situations difficiles ». La suppression de la caution risque donc de paraître, à leurs yeux, comme la suppression d'une garantie simple et directe contre la dégradation de leurs biens, alors que c'est d'un signal de confiance dont ils ont besoin.

La garantie des risques locatifs existe déjà, et n'a pas fait ses preuves

En 2007 a été mis en place la garantie des risques locatifs (GRL), qui suivait les mêmes objectifs que la GUL proposée par Cécile Duflot : rassurer les propriétaires, encourager la location des logements vacants, et faire baisser les prix. La GRL fonctionne selon le mécanisme suivant :

  • Pour souscrire à l'assurance, le propriétaire cotise environ à hauteur de 2,5% du loyer.
  • En compensation, le propriétaire se voit indemnisé (jusqu'à 2.000 euros par mois) en cas de loyers impayés pendant deux mois consécutifs ainsi qu'en cas de dégradations locatives, et se voit rembourser les frais de procédure associés (avocats, huissiers, etc).
  • Il est impossible de cumuler une garantie contre les risques locatifs et une caution.

L'idée paraissait audacieuse, mais force est de constater que la GRL s'est révélée inefficace, et peu utilisée. Et c'est logique : la plupart des propriétaires n'ont pas voulu d'une garantie pour laquelle ils devaient cotiser, et qui leur enlevait la pression de la caution, alors qu'ils pouvaient écarter eux-mêmes les risques d'impayés par une sélection drastique des locataires, en fonction de leurs ressources et de leurs profils.

En conséquence, les propriétaires qui ont eu recours à la GRL sont généralement ceux dont les candidats à la location sont relativement plus risqués. Dans la mesure où il ne reste alors plus que les « mauvais locataires » sur le marché, la probabilité que surgisse une situation contentieuse augmente, et les primes payées pour couvrir les risques peuvent ne pas suffire à couvrir les impayés : c'est tout le système de mutualisation des risques qui est intrinsèquement voué à l'échec.

Résultat : seuls 3 assureurs ont accepté de proposer la GRL, et les bailleurs, dont peu étaient au courant du dispositif, ont préféré opter pour une sélection basée sur les garanties financières des locataires plutôt que de payer une assurance. Benoist Apparu, ancien secrétaire d'État chargé au logement, a admis en 2010 que « la GRL n'a pas marché ». Le dispositif devait, durant la première année, attirer 400.000 bailleurs, et « convaincre les propriétaires de 650.000 logements vacants de remettre leur bien sur le marché ». En réalité, au bout d'un an, seulement 60.000 propriétaires avaient souscrit au dispositif, et le nombre de logements vacants n'avait pas diminué. Trois ans après, on compte environ 200.000 adhérents à la GRL, un bilan très mitigé au regard des objectifs initiaux.

Or, Cécile Duflot compte redynamiser le marcher avec la GUL, qui n'est autre que l'application du même principe. L'unique différence consiste à rendre la garantie obligatoire, mais ce n'est toujours pas une solution : la multiplication de telles contraintes pour les propriétaires se répercutera sur la confiance des investisseurs, puis a fortiori sur les prix, et le marché ne se détendra pas. La création d'une agence de garantie universelle, pour coordonner le dispositif, implique quant à elle l'apparition d'un nouvel établissement public. Sachant que les conflits sur fond de loyers impayés représentent 2% des locations, l'inflation bureaucratique que ce dispositif sous-tend semble quelque peu disproportionnée, alors qu'une prise en charge par les assureurs privés aurait pu être envisagée.

Conclusion

Rappelons qu'en France, le parc locatif privé est constitué à 95% par des personnes physiques, tandis que les investisseurs institutionnels n'en représentent que 3,3%. Ce sont donc bien les petits propriétaires, ceux qui ne disposent que d'un ou deux logements en location, qui seront les premiers touchés par cette réforme. Alors tâchons de rassurer les bailleurs privés, non pas avec des contraintes, mais avec plus de flexibilité : en réduisant, par exemple, le délai pour obtenir la libération du bien en cas de vente, ou encore en simplifiant des procédures d'expulsion en cas de défaut de paiement.