Investissements étrangers : la France 1ère ? En nombre oui, mais 4ème en emplois et 8ème en montants
Cette semaine débutait la 4ème session du forum « Choose France » où Emmanuel Macron échange notamment à Versailles avec les grands chefs d'entreprises étrangères pour les convaincre d’investir chez nous. 3,5 milliards d’euros sont déjà annoncés vers l’innovation et les 3 premières éditions du forum avaient abouti à l’accord de 35 projets pour 6,5 milliards d’euros dont 20 sont déjà concrétisés pour 2,3 milliards. Des annonces positives qui font écho au dernier baromètre annuel de l’attractivité d’EY qui place la France en 1ère position en nombre de projets financés… Une première place à nuancer tout de même en termes d’emplois et de montants accordés.
2020, une mauvaise année pour les investissements étrangers
Partout dans le monde, le nombre d’investissements étrangers (IDE) a chuté en 2020 jusqu’à atteindre leur niveau le plus bas des 25 dernières années selon les déclarations de James Zhan, directeur de la division de l’investissement et des entreprises à la CNUCED. Selon lui, les IDE ont baissé de 73% en Europe entre 2019 et 2020 et de 47% en France contre une baisse de 34% en Allemagne. Au total, ils auraient atteint 18 milliards de dollars en France contre 20 milliards au Royaume-Uni et 36 milliards en Allemagne.
Cette baisse 2020, on la retrouve dans le dernier rapport de EY et Business France qui pointe, en Europe, une baisse de 13 % du nombre de projets par rapport à 2019 (contre -11% après la crise financière de 2008).
1ère place en nombre, 4ème place en emplois
Néanmoins le rapport place la France, pour la 2ème année consécutive, en première place des investissements étrangers. En effet, d’après le baromètre annuel de l’attractivité de la France, ce sont 985 projets financés par des acteurs étrangers qui ont vu le jour sur le territoire français. C’est plus que le Royaume-Uni et l’Allemagne qui arrivent respectivement deuxième et troisième dans ce classement des IDE par projets. Une bonne nouvelle dont quelques points restent cependant à nuancer. Premièrement, si la France attire de plus en plus les investissements étrangers depuis 2015, elle bénéficie de la baisse des projets alloués au Royaume-Uni et à l’Allemagne depuis 2017-2018. Également, dans ce trio de tête, c’est la France qui enregistre la plus forte baisse du nombre de projets accordés en 2020 : -18%, contre -12% pour le Royaume-Uni et même seulement -4% pour l’Allemagne.
Enfin, il est dommage que le rapport se concentre uniquement sur le nombre de projets financés et n’aborde pas la question des montants accordés. D’ailleurs, les projets sont dorénavant comptabilisés à partir de 1 seul emploi créé ce qui n’était pas le cas dans les années antérieures... et si on compte, non plus en nombre de projets mais en nombre d’emplois créés, alors la France se place en 4ème position avec 33 490 emplois créés, derrière l’Allemagne (44 640 emplois), l’Espagne (47 790 emplois) et le Royaume-Uni (59 457 emplois).
Ce reclassement nuance la position française qui semble attirer davantage de projets… mais des projets moins significatifs pour l’économie et l’emploi, en tout cas à court terme. Il sera essentiel de refaire le point sur l'impact de ces projets qui se regardent à 5 ou 10 ans.
8ème place en montant (en dollars)
Grâce aux données publiées ce mois-ci par le CNUCED, il est possible de s’intéresser à la question des montants de dollars d’investissements étrangers. De manière générale, les IDE vers les pays membres de l’UE ont diminué des deux tiers, avec des baisses importantes mais inégales pour une majorité des états membres. En effet, les flux d’investissements vers l’Europe ont au total baissé de 73% pour atteindre les 103 milliards de dollars investis en 2020.
Parmi les 27, 17 ont vu leurs IDE diminuer, dont la France (-47%) et l’Allemagne (-34%), tandis que 10, dont la Suède (+160%) et l’Espagne (+52%) ont vu leurs IDE augmenter au cours de l’année écoulée. Ainsi, sur les 10 principaux bénéficiaires des flux d’investissements étrangers, la France se place 8ème avec 18 milliards de dollars d’IDE. Gardons cependant en mémoire que les chiffres, en milliards de dollars, diffèrent selon les sources, notamment en raison des déplacements de fonds au sein d’entreprises déjà implantées en France.
| IDE investis (en milliards de dollars) en 2020 | Tendance par rapport à 2019 |
---|---|---|
France | 18 | -47% |
Royaume-Uni | 20 | -57% |
Allemagne | 36 | -34% |
Japon | 10 | -33% |
USA | 156 | -40% |
Suède | 26 | +160% |
Inde | 64 | +25,5% |
Chine | 149 | +5,5% |
UE (27) | 103 | -73% |
Source : rapport CNUCED 2021
En conclusion, s’il faut se féliciter que la France attire le plus grand nombre de projets d’investissements étrangers en Europe, il ne faut pas oublier de regarder les autres indicateurs pour poursuivre les efforts et continuer à rassurer les investisseurs sur la reprise et le cadre de compétitivité pour encourager l’investissement et doper les chiffres de l’emploi français. Dans cette optique, trois secteurs pourraient s’avérer essentiels : le secteur pharmaceutique qui a connu un véritable boom durant l’année 2020, mais aussi celui de l’Energie et des plateformes logistiques.
Sur 20 ans : la balance entre les investissements étrangers en France et les investissements de la France vers l’étrangerest négative à -640 milliards d’euros Faire la balance en matière d’Investissements directs étrangers est simple : ce sont deux lignes de la Balance des paiements, un état comptable publié chaque mois par la Banque de France. Les deux lignes sont les « investissements étrangers en France » et « investissements français à l’étranger ». Le solde est intéressant à suivre pour véritablement caractériser l’attractivité de la France. En effet, si des firmes étrangères ouvrent des sites en France mais que les firmes françaises en ouvrent davantage à l’étranger que les étrangers en France, la France continue de se désindustrialiser. Sur les vingt dernières années, les investissements directs en provenance de l’étranger en France se sont établis en moyenne à 21 milliards d’euros par an. Près de 440 milliards d’euros d’investissements étrangers sont venus se localiser en France sur ces vingt ans. Sur ces 20 dernières années, les investissements français à l’étranger se sont élevés en moyenne à 51 milliards d’euros par an. Le chiffre 2020 provisoire est de 19,5 milliards d’euros. En face, sur ces 20 dernières d’années, 1 075 milliards d’euros d’investissements français partaient à l’étranger. Le solde net est donc largement négatif : -640 milliards d’euros. Une glissade dans le négatif débutée dans les années 2000 mais qui a connu un léger regain à partir de 2012, lorsque des mesures en faveur des entreprises furent mises en place (CICE, Pacte de responsabilité et de solidarité, baisse de l’IS…) Néanmoins, à l’heure actuelle, ces mesures ne permettent pas de contrer notre déficit structurel l’attractivité. |