Insupportables charges sociales
L'actualité, qui dirige le regard vers l'Allemagne, nous apporte la manifestation d'opinions diverses sur la question des insupportables charges sociales venant grever le coût du travail, et par voie de conséquence les salaires. De façon générale, l'interrogation à la mode concerne le mode de financement de la protection sociale, à laquelle on reproche (en partie à tort) de reposer trop exclusivement sur le travail et son coût. D'où un éventail de solutions proposées par les uns et les autres. Il est exact en effet que chez nos voisins la protection sociale repose nettement plus sur l'imposition sur le revenu, avec la situation extrême du Danemark où les charges patronales (voisines en général de 50% en France) n'existent pas, remplacées par un IR élevé et une TVA à 25%.
Cette tribune a été publiée dans Le Figaro du jeudi 10 février 2011.
Petite revue de détail. Pour J.F.Copé, il faut augmenter la TVA : c'est la solution de la TVA sociale, qui remplace les charges patronales et est censée faire participer les produits étrangers. Le député reste malgré tout très prudent en évoquant une augmentation limitée à 1%. Christine Lagarde juge l'idée intéressante mais y est très opposée en raison de son effet sur les prix -ce qui se comprend d'un strict point de vue politique- mais on n'en sait pas plus. Laurence Parisot se saisit quant à elle de la batterie des statistiques Eurostat, étudiée par le COE-Rexecode, sur le coût et la durée du travail, pour d'une part fustiger les 35 heures, et d'autre part demander à transférer les prélèvements sociaux sur une assiette plus large, type CSG ou taxe sur la consommation, mis ne reposant pas sur le travail. Toutefois, prudence encore : ce n'est pas pour elle le moment de déterrer la hache de guerre des 35 heures, ni sans doute celui de donner des précisions sur le transfert des prélèvements bien que la solution TVA sociale paraisse être évoquée. Philippe Varin, en sa qualité de patron de PSA, reprend dans Les Echos la même constatation que le Medef en distinguant les cotisations qui relèvent du travail (chômage, retraite) de celles qui n'en relèvent pas (famille, santé, dépendance, exclusion). Il estime qu'il n'est « plus tenable de faire peser l'essentiel du financement de la solidarité nationale sur les seuls salariés », et appelle de ses vœux une remise à plat de notre système… mais sans préciser davantage. Enfin Thomas Piketty, à l'occasion de son étude sur la « révolution fiscale » qu'il souhaite, part comme Philippe Varin de la même distinction entre les prestations contributives que sont retraites et chômage et celles qui pour lui relèvent de la solidarité nationale. Mais ses conclusions sont complètement opposées, puisqu'il part, non pas de l'intérêt des entreprises, mais de celui des salariés qui ne devraient pas selon lui supporter les charges dépendant de la solidarité : d'où une préconisation de Contribution Patronale Généralisée qui repose encore sur les entreprises et revient finalement à augmenter l'IS, et une opposition absolue à une augmentation anti-sociale de la TVA.
Il n'y a guère que deux réponses possibles si l'on veut restaurer la compétitivité des entreprises, ce qui est vital pour l'emploi. L'une est la TVA sociale. Mais il y a 108 milliards de cotisations patronales à remplacer au titre des dépenses de santé et famille, sans compter le déficit, et chaque point de TVA ne rapporte que moins de 6 milliards. C'est arithmétiquement impossible, et ce n'est sans doute pas envisageable d'un point de vue de justice fiscale, sans compter l'effet immédiatement inflationniste de la mesure. L'autre consiste à mettre à contribution le capital des particuliers, mobilier et immobilier, et voici un autre sujet qui fâche. Thomas Piketty, mais il n'est pas le seul, évoque l'imposition des loyers fictifs, ceux que tout propriétaire est censé se verser à lui-même lorsqu'il est occupant. Dans le contexte actuel où l'immobilier fait l'objet de matraquages existants (taxes locales en flèche, ISF apparemment pas mort, dépenses « écologiques » ou de précaution), ou prévus (taxation des plus-values de cession), la proposition n'est admissible ni socialement, ni économiquement du point de vue de l'emploi dans le BTP. Quant au capital mobilier, si nécessaire pour les entreprises, il a été mis plusieurs fois à contribution ces dernières années, avec une imposition passée de 27 à 31,3%.
Un dernier regret quand même : par conviction ou calcul politique, personne n'évoque le coût de la protection sociale (dont 342 milliards de cotisations et 90 milliards de CSG) et la nécessité, comme le font tous nos voisins, de mettre un frein à son développement tous azimuts. Bien au contraire, tous prennent bien garde de fermer la discussion et de confirmer son maintien inchangé. En ce sens, même si la tonalité de l'avertisseur varie, il existe bien un consensus pour foncer dans le mur en klaxonnant…