Hôpital public : la liste des CHU les plus endettés
La dette des hôpitaux publics s’élève à 30,5 milliards d’euros en 2018 (contre 11,9 milliards en 2005). En novembre 2019, il a été décidé que l’Etat reprendrait un tiers de cette dette (pour redonner de l’air aux établissements les plus capables d’investir) : au final, c’est la CADES qui récupèrera 13 milliards d’euros de dette... comme cela est devenu une habitude. A l’occasion de cette annonce, la Fondation iFRAP a enquêté sur l’endettement des 30 centres hospitaliers universitaires (CHU) qui représentent 11,2 milliards de la dette hospitalière publique : s’ils comptent pour 7% des établissements hospitaliers publics en France, ils représentent 36% de l’endettement.
Une reprise de 13 milliards de dette
Cela était acté depuis 2019, en plus d’une reprise de la dette, les hôpitaux recevront 150 millions d’euros pour investir dans de nouveaux matériels, sur 15 ans.
Concernant la reprise de 13 milliards d’euros de dette (dont 3 milliards d’intérêts), elle se divise en deux parties :
- Une reprise « socle » de 20% du total (2,6 milliards) qui doit concerner les 1.393 établissements hospitaliers publics (soit environ 2 millions par établissement) ;
- Une reprise régionalisée par contractualisation, comme demandé par un rapport de l’IGAS en avril 2020, pour 10,4 milliards d’euros : les décrets ne sont pas encore publiés sur le sujet, mais vraisemblablement, ce sera à chaque ARS de passer des contrats avec les établissements pour négocier une reprise de la dette se focalisant sur les hôpitaux à la situation la plus critique, mais aussi pour « aider les plus entreprenants à adapter leur fonctionnement pour répondre aux besoins territoriaux de santé ».
La liste des CHU les plus endettés
A partir des données collectées sur la plateforme Hospi-Diag, nous avons évalué la situation financière des 30 CHU de métropole et d’outre-mer. Il en ressort que :
- Les CHU dont le niveau d’endettement ne met pas en danger la stabilité financière de l’établissement sont : les CHU de Nantes, Montpellier, Rennes, Bordeaux, Rouen, Angers, Limoges, Nîmes, Reims, Brest et Poitiers ;
- Les CHU dont le niveau d’endettement apparaît excessif sont : l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), les Hospices Civils de Lyon (HCL), l’Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille (AP-HM), les CHU d’Amiens, de Strasbourg, Lille, Toulouse, Nancy, Nice, La Réunion, Dijon, Grenoble, Besançon, Fort-de-France, Clermont-Ferrand, mais aussi ceux de Saint-Etienne, Tours et Caen.
Classement des CHU selon leur niveau d’endettement financier, du plus endetté au moins endetté
CHU/CHRU | Dettes financières (en euros) | Durée apparente de la dette (en années) | Ratio d’indépendance financière | Taux d’encours de la dette |
---|---|---|---|---|
Amiens | 527.407.897 | 22,4 | 91,50% | 79,30% |
Marseille (AP-HM) | 989.874.759 | 25,6 (2017) | 120,10% | 68,80% |
Nice | 408.285.374 | 40,8 | 75,10% | 62,10% |
Besançon | 316.152.861 | 4 | 74% | 56,90% |
Dijon | 346.285.746 | 6,8 | 72,30% | 53% |
Nancy | 418.492.270 | 23,8 | 102,50% | 50,90% |
La Réunion | 354.799.699 | 10,8 | 69,50% | 47,80% |
Strasbourg | 474.447.037 | 14 (2016) | 80% | 46,40% |
Lyon (HCL) | 1.118.841.443 | 7 | 63,80% | 43,90% |
Grenoble | 322.489.545 | 7,8 | 69,50% | 43,80% |
Fort-de-France | 251.731.240 | 14,4 | 118,10% | 42,70% |
Saint-Etienne | 225.025.788 | 6,4 | 53,40% | 40,60% |
Clermont-Ferrand | 242.447.131 | 7,2 | 56,10% | 37,40% |
Lille | 453.074.481 | 11,6 | 71,40% | 34,30% |
Toulouse | 419.951.706 | 8,8 | 52,30% | 33,20% |
Paris (AP-HP) | 2.431.273.581 | 13,4 | 57,90% | 31,80% |
Pointe-à-pitre (2017) | 99.190.115 | - | 66,50% | 30,60% |
Tours | 212.651.362 | 8 | 52,40% | 30,50% |
Caen | 169.984.358 | 5,2 | 55,30% | 30,40% |
Rennes | 210.693.434 | 4,8 | 44,20% | 28,70% |
Angers | 134.374.685 | 6 | 49,50% | 25,50% |
Montpellier | 215.915.972 | 5,8 | 58,70% | 23,40% |
Nantes | 219.771.769 | 3,8 | 44% | 23% |
Limoges | 114.638.859 | 4 | 33,70% | 21,80% |
Rouen | 144.980.766 | 4,8 | 44% | 19,60% |
Nîmes | 90.077.604 | 2 | 26,60% | 17,90% |
Bordeaux | 176.352.020 | 4 | 37,40% | 14,80% |
Reims | 80.078.788 | 1,8 | 17,90% | 14,40% |
Brest | 64.649.246 | 2 | 24,80% | 10,70% |
Poitiers | 46.243.674 | 0,8 | 9% | 7,60% |
Moyenne | 376.006.107 | 10,2 | 55,60% | 35,80% |
Variation des indicateurs
CHU/CHRU (2016-2018) | Dette financière | Durée apparente de la dette [i] | Ratio d’indépendance financière [ii] | Taux d’encours de la dette [iii] |
---|---|---|---|---|
Brest | 107,60% | 2 | 11,3 | 11 |
Besançon | 34,50% | -11,4 | 12,7 | 9,8 |
Rennes | 24,60% | 0,8 | 8,1 | 5,1 |
Paris (AP-HP) | 10,30% | 2,2 | 5,7 | 3,6 |
Lille | 13,40% | 2,8 | 7,5 | 3 |
Nice | 1,80% | -9 | 5,3 | 2,3 |
Poitiers | 47,40% | 0,2 | 2,4 | 2,1 |
Caen | 10,50% | 0,6 | 1,5 | 0,9 |
Nancy | 1,00% | -1,6 | 11,4 | 0,5 |
Rouen | 4,30% | -0,6 | -4,9 | 0,1 |
Angers | 3,00% | 0,6 | 1,6 | -0,2 |
Strasbourg | 6,60% | _ | 0,2 | -1 |
Lyon (HCL) | 35,40% | -2 | 0,4 | -1,6 |
Grenoble | -1,30% | 0,6 | -4,4 | -2,3 |
Dijon | 0,60% | 9,2 | 8,6 | -2,8 |
Bordeaux | -6,70% | -0,4 | -7,7 | -2,9 |
Toulouse | -5,10% | 0,6 | -0,9 | -3,1 |
Montpellier | -10,20% | -0,4 | -8 | -3,4 |
Pointe-à-pitre | -12,70% | -1,2 | -4,3 | -3,5 |
Saint-Etienne | -10,80% | 0,2 | -2,2 | -3,6 |
Reims | -21,40% | -0,8 | -5,6 | -4 |
Clermont-Ferrand | -10,50% | -2,6 | -4,1 | -4,1 |
Marseille (AP-HM) | -0,80% | -12,2 | 10 | -4,5 |
Nantes | -9,90% | 0 | 8,6 | -4,9 |
Tours | -14,30% | -0,2 | -8,3 | -5,4 |
Nîmes | -24,00% | -1 | -6 | -5,8 |
Amiens | -3,00% | -21 | 5,2 | -6,1 |
Limoges | -6,40% | - | _ | -6,9 |
La Réunion | -9,60% | -1 | -7,3 | -11,5 |
Fort-de-France | -10,70% | - | 26,1 | - |
Moyenne | 4,80% | -1,7 | 2,2 | -1,4 |
Méthodologie
En prenant pour référence le niveau d’endettement financier[iv] des CHU, la Fondation a réuni trois indicateurs complémentaires dont les interactions déterminent la marge de manœuvre financière propre à chaque établissement. Ces indicateurs correspondent aux critères d’« endettement excessif », définis par l’article D.61456-70 du code de la santé publique, dont les seuils conditionnent le recours à l’emprunt des établissements publics de santé. Dans le cas où un établissement dépasse deux des trois seuils fixés, les demandes d’emprunt sont subordonnées à l’autorisation préalable du directeur général de l’agence régionale de la santé[v] (ARS).
Les critères d’endettement excessif, utilisés dans les tableaux ci-dessus sont les suivants :
- La durée apparente de la dette : cet indicateur mesure le nombre d’années nécessaires à un établissement pour rembourser l’intégralité de sa dette. Il est préférable que la durée apparente de la dette soit inférieure à dix ans. Si elle excède cette limite, l’établissement est en situation « d’endettement excessif » ;
- Le ratio d’indépendance financière : il est en réalité un taux de dépendance financière qui identifie la marge de manœuvre des établissements face à l’emprunt bancaire. Plus le ratio est élevé, plus l’établissement est dépendant financièrement des banques. Il ne doit pas excéder 50% ;
- Le taux d’encours de la dette : cet indicateur mesure le poids de la dette au regard du total des produits de l’établissement, toutes activités confondues. En considérant l’hôpital comme une « entreprise » à part entière, le taux d’encours de la dette peut résolument être considéré comme le poids de la dette dans la « richesse » totale produite par l’établissement. Un ratio supérieur à 30% traduit un niveau « d’endettement excessif ».
A l’étude des indicateurs d’endettement s’ajoute celle des produits d’exploitation[vi] de chaque établissement dont les montants permettent d’en apprécier fidèlement la taille. A partir des données collectées et dans une approche comparative, nous avons classé les CHU à l’aune des catégories suivantes :
- Les CHU de première catégorie dont le produit d’exploitation est supérieur à un milliard d’euros ;
- Les CHU de deuxième catégorie dont le produit d’exploitation est compris entre 800 et 900 millions d’euros ;
- Les CHU de troisième catégorie dont le produit d’exploitation est supérieur à 600 millions d’euros ;
- Les CHU de quatrième catégorie dont le produit d’exploitation est supérieur à 500 millions d’euros ;
- Les CHU de cinquième catégorie dont le produit d’exploitation est supérieur à 400 millions d’euros.
Il en ressort que le lien entre le niveau d’endettement et la dimension des CHU ne fait pas l’objet d’une corrélation systématique. Certains CHU appartenant aux trois premières catégories font face à un niveau d’endettement maîtrisé quand d’autres, de plus petite taille, sont en situation de déficit excessif.
[i] Evolution en nombre d’années.
[ii] Evolution en points de pourcentage.
[iii] Evolution en points de pourcentage.
[iv] La dette financière a long et moyen terme prend en compte les emprunts obligataires, les emprunts auprès des établissements de crédits et les emprunts assortis de conditions particulières (Prêts de l’Etat, avances remboursables du Fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP), prêts des collectivités et établissements publics locaux, prêts des caisses d’assurance maladie…)
[v] Dès réception de la demande d'autorisation, le directeur général de l'agence régionale de santé saisit, pour avis, le directeur régional des finances publiques qui dispose d'un délai de quinze jours pour se prononcer. A l'issue de ce délai, le directeur général de l'agence régionale de santé dispose d'un délai d'une semaine pour notifier sa décision au directeur de l'établissement.
[vi] Les produits d’exploitation comprennent : les ventes de marchandises, la production vendue, la production stockée, la production immobilisée, les produits de l’activité hospitalière, les subventions d’exploitations et participations, la reprise sur amortissement, dépréciation et provisions, les transferts de charges d’exploitation et les autres produits de gestion courante.