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Grève de la presse : pourquoi la CGT bloque Presstalis

Syndicat du livre, Presstalis et SPPS

Aujourd'hui encore une fois, les journaux ne sont pas dans les kiosques. L'issue du conflit devrait avoir lieu dans l'après-midi avec la réunion du comité central d'entreprise qui pourrait voir se conclure une négociation. Tout cela parce que le syndicat du livre SGLCE-CGT avait appelé à la grève, suite à la réorganisation de la filiale SPPS (société en charge de la distribution des titres Presstalis et Transports Presse à Paris et dans onze communes de la première couronne) de la société Presstalis (ancien NMPP). Le déficit récurrent de cette filiale est de plus de 24 Millions d'euros depuis 2004.

Communément, le salaire moyen des ouvriers du livre est censé évoluer entre 4.500 et 5.000 euros par mois, sur 14 mensualités (selon des sources syndicales et patronales citées par l'AFP). Le tout pour 32 heures hebdomadaires, 10 semaines de congés payés par an. En vertu de ces conditions salariales très avantageuses, la SPPS a, avec ses 287 salariés, des coûts de fonctionnement largement supérieurs au marché. Et cela entraîne des surcoûts pour les journaux aussi.

A titre d'exemple, le livre vert des états généraux de la presse remis en janvier 2009, citait l'impression de l'International Herald Tribune qui coûte 60% plus cher en France qu'en Belgique. Les coûts d'impression et de distribution représentent 80% du prix du journal, plus 10% pour l'achat du papier. Restent 10% qui sont là pour payer les locaux, une rédaction avec tous les frais que cela engage, les frais de reportages etc.

[(Presstalis

Presstalis est une société commerciale de distribution de la presse et de sa commercialisation. La société s'appuie pour cela sur un réseau de dépôts et en particulier ceux de la Sad, Soprocom et Spps (ex-NMPP) dont elle assure la gestion. Cinq sociétés coopératives [1] lui ont confié la tâche d'assurer pour elles les opérations de distribution des titres de leurs adhérents (au nombre de 652 à fin 2008). Conformément à la loi du 2 avril 1947, dite "loi Bichet", ces sociétés contrôlent la majorité du capital de Presstalis. Presstalis est ainsi une SARL au capital social de 50 000 euros, détenu à 51% par les coopératives d'éditeurs et à 49% par Hachette SA.)]

Un plan de restructuration de Presstalis est déjà à l'œuvre avec le départ volontaire d'une centaine de collaborateurs du siège social. Presstalis réalisera ainsi environ 8 Millions d'euros d'économies en année pleine.

Un second plan faisant l'objet des revendications du syndicat du livre CGT, vise à sous-traiter une partie de l'activité de distribution -notamment les magazines- avec des reclassements ou des départs volontaires généreux non encore négociés. Ces réformes sont indispensables car, comme le montre le rapport Mettling de l'Inspection générale des Finances sur la situation de Presstalis (cf. tableau ci-dessous), les surcoûts -notamment salariaux- sont considérables :

Source : rapport Mettling

Le rapport Mettling propose de jouer sur trois leviers :
- Le statut du personnel
- L'organisation du travail
- Les effectifs

Selon le rapport, les surcoûts sociaux de Presstalis seraient de 65 millions d'euros par an. Avec notamment 600 personnes au siège contre 120 chez le concurrent MLP (Messageries Lyonnaises de Presse) qui n'a pas en son sein la CGT du livre…

Mais, si l'on voulait supprimer le statut des ouvriers du livre, comment faudrait-il s'y prendre puisque, au-delà de la convention collective de la presse parisienne, des usages s'ajoutent à une convention déjà très favorable ? Il semblerait que la seule voie soit l'extinction des troupes actuellement sous statut…

Le journaliste Emmanuel Schwartzenberg, auteur d'un ouvrage sur le sujet, explique que le seul à avoir tenté de contrer le syndicat du livre est «  Émilien Amaury en 1975. Mal lui en a pris : de 750.000 exemplaires vendus, Le Parisien est tombé à 350.000 ventes un an et demi après le conflit. Il voulait licencier quelques centaines d'ouvriers du Livre. Après sa mort, le groupe est parvenu à un accord qui prévoyait de reclasser tous les ouvriers licenciés du Parisien au sein des Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne (NMPP). Le Livre a remporté une énorme bataille puisqu'il a conservé son influence et ses emplois, payés par tous les autres éditeurs. Après cela, l'idée même de bataille a été abandonnée. »

Et, sur le site du Point, on peut lire le message de Franz-Olivier Giesbert : « Le conflit des messageries de presse, qui perturbe gravement la distribution des journaux à Paris, est une nouvelle illustration des dérives à la française : pour empêcher la modernisation d'un système ultrasyndicalisé et, bien sûr, plus cher que partout ailleurs dans le monde, le Syndicat général du livre et de la communication écrite (SGLCE-CGT) a décidé de prendre toute la chaîne en otage, des éditeurs aux diffuseurs et aux kiosquiers [NDLR 30.000 points de vente], qui eux-mêmes font déjà face à de graves difficultés : ils deviennent, dans l'indifférence générale, les victimes expiatoires d'une guerre qui ne les concerne même pas. »

Toute la presse est ébranlée par ces conflits à répétition, Presstalis en très mauvaise forme économique avec un risque de faillite si des restructurations importantes n'interviennent pas. Surtout, le contribuable a été à nouveau mis à contribution puisque les aides à la presse quotidienne nationale ont été ré-augmentées à 18 millions d'euros cette année au lieu des 12 prévus, tout cela pour maintenir les avantages d'ouvriers du livre qui empêchent la parution des titres de la presse quotidienne alors même que les ventes ont fait – 10% en 2010 sur la vente au numéro.

[1] Coopérative de Distribution de la Presse hebdomadaire et périodique (Groupe Prisma Presse), Coopérative de la Presse Périodique (Groupe Marie Claire), Coopérative des Publications Hebdomadaires et Périodiques (Groupe "Le Nouvel Observateur"), Coopérative des Publications Parisiennes (Groupe Expresse-Roularta), Coopérative des Quotidiens de Paris.