Financement des entreprises en Allemagne, un entrepreneur témoigne
La Fondation iFRAP a interviewé Steffen Reitz, créateur de la startup Smarchive.de et entrepreneur en Allemagne, sur les conditions de la création d'entreprises outre-Rhin.
Fondation iFRAP : Vu de France on nous parle beaucoup du Mittelstand allemand, est-ce que c'est facile /difficile de créer une startup en Allemagne ?
Steffen Reitz : Le Mittelstand représente plutôt des sociétés bien établies dans des technologiques traditionnelles (industries mécaniques, etc.) La plupart d'entre elles se sont développées par croissance interne et vous y trouverez le plus souvent des sociétés familiales avec une tradition de gestion indépendante qui ne prévoit pas particulièrement de recourir à des investisseurs extérieurs.
Les startups par contre, évoluent dans des secteurs d'activité très risqués en concurrence sur leur marché avec les meilleurs acteurs mondiaux. Pour croître, ces sociétés ont besoin, soit de dégager très vite des profits, soit de trouver des investisseurs confiants dans la capacité de l'entreprise à devenir rentable dans les 4 à 6 ans. Ces sociétés doivent faire face à des défis largement différents de ceux du Mittelstand : comme embaucher très vite tout en conservant leur culture d'entreprise, s'adapter à de rapides changements d'environnement (technologiques, sociaux, politiques), avec des cycles de vie des produits particulièrement courts, gérer les "feedback" rapides des utilisateurs au travers de blogs, de médias sociaux ou bien encore de plateformes type App store, etc. Avec tout cela, les opportunités sont plus nombreuses, les risques aussi.
Fondation iFRAP : Vous avez eu recours à différents types de financements (business angels, crowdfunding/financement participatif), diriez-vous que les financements sont un obstacle majeur à surmonter ou au contraire que l'état d'esprit est plutôt au soutien public/privé pour l'investissement dans les startups ?
Steffen Reitz : Les fonds publics sont d'une aide immense en Allemagne pour ce qui concerne le démarrage de l'entreprise, c'est-à-dire les 12 premiers mois. Après cela il est difficile de s'attirer les investisseurs privés (business angels) ou institutionnels (VC). Le crowdfunding (financement participatif) est venu apporter une nouvelle façon de financer les jeunes entreprises - dans la mesure où l'environnement légal et les droits des actionnaires sont respectés et mis en œuvre de façon professionnelle. Je dirais que trouver des financements en amorçage est plus difficile en Allemagne que dans d'autres pays. Mais au final, ce qui compte c'est l'équipe et la promotion de l'entreprise. Avec peu d'argent, on peut malgré tout réaliser déjà beaucoup et franchir une étape dans le développement de l'entreprise, si l'argent est dépensé avec prudence.
Fondation iFRAP : Un point qui nous intéresse particulièrement, savez-vous si les business angels personnes physiques bénéficient d'avantages particuliers (fiscaux ?) pour investir dans les startups allemandes ? Est-ce que dans votre cas ce sont des Business angels allemands ou étrangers qui ont investi ?
Steffen Reitz : Il y a eu des business angels allemands qui ont investi dans notre entreprise. D'après ce que j'en sais, les incitations fiscales ont été réduites l'année dernière et nous ne sommes pas le pays le plus favorable à l'investisseur.
Fondation iFRAP : Y a t-il d'autres soutiens publics ou privés qui vous paraissent favorables à l'émergence de startups en Allemagne (autres que financiers, par exemple le niveau de R&D, la collaboration entre petites et grandes entreprises, autres) ?
Steffen Reitz : Oui, il existe des programmes de recherche ouverts aux universités et aux startups et/ou aux sociétés du Mittelstand. Ces projets communs peuvent recevoir des financements se comptant même en millions d'euros. Cependant cela peut apporter une aide au démarrage mais au moment où il faut convaincre le client, les programmes et les aides ne peuvent influer radicalement sur le développement de l'entreprise.
Fondation iFRAP : Un point particulier qui est souligné en France comme étant un obstacle majeur à franchir, c'est la fameuse "death valley" c'est-à-dire les financements requis entre les premiers milliers d'euros nécessaires au démarrage et les 2-3 millions d'euros que le CR est susceptible d'investir. Est ce que c'est également compliqué en Allemagne de franchir ce cap ?
Steffen Reitz : C'est exactement la même chose en Allemagne, à l'exception près que le nouveau Président français rend le démarrage et le financement des startups encore plus difficiles. Je crains que cela n'ait un impact sur l'esprit d'entreprise en le réduisant de façon significative avec au bout du compte des conséquences sévères sur l'économie et sur la capacité d'innovation du pays à long terme.