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Évaluation du capital informel au Royaume-Uni

Nous avons mené plusieurs études mettant en avant le fait que les entreprises au Royaume-Uni sont plus dynamiques que les françaises en termes de croissance d'emploi, de capitaux, etc. Le nombre d'entreprises créées chaque année est également plus important au Royaume-Uni qu'en France, avec un taux de création d'entreprises représentant 14,3% du parc existant contre 10,1% en France [1].

Une des explications que nous avions mise en avant pour expliquer ces différences vient du manque de financement à leur création des entreprises françaises comparées aux entreprises du Royaume-Uni. En effet, il semble que le développement d'une entreprise soit très lié à son niveau de financement initial. Dans cette note, nous présentons une description du capital informel au Royaume-Uni ainsi qu'une évaluation de l'investissement des Business Angels à la création d'entreprises.

Définition du capital informel

Le capital informel d'une entreprise est une partie de fonds propres utilisés par les entreprises pour leur financement, généralement utilisés à leur création et lors des premières phases de développement.

En complément du capital formel, provenant des sociétés de capital risque, des marchés boursiers et intervenant lors des phases de développement plus tardives, le capital informel a la caractéristique d'être composé d'investissement de montants généralement faibles mais pouvant provenir de plusieurs sources :
- Fortune personnelle de l'entrepreneur
- Amis et famille de l'entrepreneur
- Investisseurs privés – Business Angels
- Subventions d'investissements (administrations publiques ou privées)

Il existe également d'autres types de financement potentiel pour un entrepreneur. Par exemple, le financement auprès des établissements bancaires. Ce dernier n'est pas considéré comme du capital informel car il est comptabilisé comme une dette au bilan des entreprises, et non comme fonds propres.

Évaluation du capital informel

Il est extrêmement difficile d'évaluer le capital informel des entreprises car ce capital est seulement une partie des fonds propres des entreprises. Il l'est d'autant plus difficile au Royaume-Uni que les entreprises naissantes ne sont pas dans l'obligation de communiquer leurs comptes.

Il existe cependant plusieurs sources de données pouvant nous donner une estimation du montant de ce capital informel, ainsi que de l'investissement des Business Angels. Les données les plus pertinentes proviennent du Global Entrepreneurship Monitor (GEM) qui réalise des études auprès d'entrepreneurs afin de déterminer leurs profils, les problèmes qu'ils ont rencontrés, leur vision de l'avenir, etc. Ainsi, une étude menée en 2006 [2] estime le capital informel total au Royaume-Uni représente 0,56% du PIB, soit un total d'environ 11 milliards d'euros [3]. Ce chiffre est confirmé par une étude d'universitaires [4] qui ont estimé le capital informel à un maximum de 17 milliards d'euros (12,8 milliards de livres) au plus fort de la bulle internet en 2001 [5]. En comparaison, une étude menée par l'iFRAP a estimé le capital informel de la France à environ 4 milliards d'euros.

Rôle des Business Angels

La part des Business Angels dans cet écart de financement à la création d'entreprises doit également être mise en avant. Alors que le nombre de réseaux de Business Angels est supérieur en France comparé au Royaume-Uni (85 contre 55), une étude de l'OCDE montre que la part des réseaux de Business Angels dans l'investissement total des Business Angels est très faible (autour de 7%). D'après l'OCDE, l'investissement des réseaux de Business Angels au Royaume-Uni s'est élevé à 60 millions d'euros en 2009 (contre 55 millions en France). Le Royaume-Uni, contrairement à la France, a ainsi développé des mesures fiscales, comme l'EIS (voir encadré), permettant de favoriser le développement et l'investissement de Business Angels indépendants.

Le montant de leurs investissements est également très difficile à estimer. Cependant, plusieurs sources peuvent nous donner un intervalle du montant investi annuellement par les Business Angels :

- Tout d'abord, les montants totaux investis au travers de l'EIS peuvent être une valeur indicative du montant investi par les Business Angels. En 2007-2008, avant la crise, ce montant était d'environ 850 millions d'euros (706 millions de livres) et 600 millions d'euros (503 millions de livres) en 2008-2009. Il faut cependant mettre un bémol à cette estimation : tous les investissements des Business Angels ne sont pas réalisés au travers de l'EIS. En effet, une étude [6] montre que 30% des investissements des Business Angels le sont hors EIS et 33% le sont seulement en partie.

- Une étude GEM [7] nous permet également d'estimer le montant des Business Angels à environ 1,1 milliard d'euros en 2006-2007 : il ressort d'une enquête auprès d'investisseurs qu'environ 10% du financement de la création d'entreprises au Royaume-Uni proviennent d'investisseurs individuels, hors famille et amis.

- Enfin, une étude de l'OCDE estime à 460 millions d'euros (624 millions de dollars) l'investissement des Business Angels en 2009, en plein cœur de la crise.

Enfin, lors d'un entretien avec l'iFRAP, Gérard Tardy (Directeur de Noble Fund Managers Limited) a estimé l'investissement des Business Angels du Royaume-Uni à 750 millions d'euros en 2007, en ligne avec Les chiffres obtenus par les estimations présentées ci-dessus.

Enterprise Investment Scheme (EIS) :

L'EIS est une mesure fiscale permettant un allégement aux entrepreneurs investissant dans des petites entreprises non cotées. Les investissements bénéficiant de l'EIS doivent être risqués. Ce dispositif permet à l'investisseur de déduire 20% de son investissement de son impôt sur le revenu avec plafond d'investissement qui vient d'être porté à 1 million de livres par personne et 2 millions par ménage, ainsi qu'une exemption de plus-value au bout de trois ans de détention des titres. En 2007-2008, les montants investis à travers l'EIS se sont élevés à 706 millions de livres contre 503 millions l'année suivante. Environ deux tiers de ces montants proviennent d'investissements supérieurs à 75 000 livres (soit 90.000 euros). En résumé, les entreprises et les investissements pouvant bénéficier de l'EIS sont les suivants :

Entreprises :
- Les entreprises ayant un total d'actifs inférieur à 7 millions de livres
- Tout le capital employé doit être activement engagé dans l'entreprise dans les 24 mois suivant l'investissement
- Les entreprises exclues sont des entreprises sans risque : solaire, éolienne, maisons de retraite, etc.
- Le bénéfice de l'EIS est conditionné à l'approbation du British Treasury, en quelque sorte un rescrit
- La société ne doit pas être cotée, ni avoir l'intention de le devenir pendant toute la durée de l'investissement

Investissements :
- L'investisseur ne peut pas détenir plus de 30% de la société
- Aucun partenaire ou associé de l'investisseur (époux, concubins, collègues de travail) ne doit avoir des intérêts dans la société
- L'entreprise ne peut pas recevoir plus de 2 millions de livres par an par l'EIS

[1] Source : Eurostat. Données 2007, dernière année disponible pour la France.

[2] Source : Global Entrepreneurship Monitor (William D. Bygrave with Mark Quill) ; 2007 ; “2006 Financing Report”

[3] Voir chiffrage réalisé par l'iFRAP dans le dossier Société Civile « Anges et gazelles », Octobre 2005.

[4] Source : Marc Cowling, Rebecca Harding, Richard Harrison, Gordon Murray ; 2007 ; “A virtuous circle ? Longitudinal evidence on informal investment activity in the UK”

[5] Une autre étude du GEM estime le montant médian investi pour la création d'une entreprise autour de 13.000£. Or, environ 250.000 entreprises sont créées chaque année au Royaume-Uni, soit un montant total de 3,25 milliards de livres. Ce montant est une estimation basse car elle se base sur une valeur médiane et donc minimise les gros investissements.

[6] Source : Colin M Mason, Richard T Harrison ; Mars 2011 ; “Annual report on the Business Angel market in the United Kingdom : 2009/10”

[7] Source : Global Entrepreneurship Monitor ; 2006 ; “United Kingdom 2005”