En contrepartie des aides aux entreprises, l’absurdité administrative se déchaîne
Alors que nos administrations ont montré leur manque d’agilité dans la crise sanitaire, on croit rêver en considérant le nombre d’absurdités qu’elles inventent ces semaines-ci malgré la situation économique dramatique de la France. Nous craignons tous la vague des faillites et du chômage qui se profile, mais il semblerait que l’État, lui, ait encore plus peur des effets d’aubaine et des abus que pourrait entraîner son soutien à l’économie. Alors, chaque jour, il imagine des contraintes qu’on ne retrouve nulle part ailleurs.
Pourtant, lorsqu’il est lui-même concerné, l’État n’accepte guère de contreparties à l’aide qu’il reçoit. Accepter de mieux gérer nos finances publiques en échange des rachats de dette par la BCE ou de futurs prêts européens ? Le gouvernement ne veut pas en entendre parler ! Mais quand il s’agit de ses propres citoyens, la musique n’est pas la même. Nous, Français, et nos entreprises, nous devons en permanence nous justifier.
Même quand l’État s’efforce de faire preuve de souplesse, cela frise le ridicule. Pour aider les restaurants, on peut maintenant payer en tickets resto jusqu’à 38 euros (c’était 19 euros auparavant). Mais pourquoi ne pas tout simplement faire sauter ce plafond ? N’avons-nous pas bien mérité de pouvoir employer comme bon nous semble des tickets non utilisés pendant le confinement ? Cela sauverait plus de restaurants… Mais non, ce serait trop simple.
Idem avec le plan automobile. Des aides permettront d’acheter des voitures plus propres (7.000 euros maximum pour une voiture électrique). Fort bien. Cependant, seuls les ménages déclarant moins de 18.000 euros de revenu fiscal de référence par part, pourront bénéficier du maximum d’aide. Et si la voiture électrique ou hybride coûte plus de 45.000 euros ? Le bonus est divisé par deux. C’est idiot car cette démagogie exclut 20 à 25% des ménages du dispositif et empêche de faire bénéficier du bonus entier les plus chers des modèles hybrides… alors qu’ils sont produits en France : le 3008 hybride produit à Sochaux ou la DS 7 Crossback hybride dont la production est à Mulhouse ! Résultat : plus d’aides pour les voitures produites hors de France et moins pour les voitures produites en France. Les Allemands, eux, n’ont pas fait l’erreur : ils ont choisi de baisser la TVA sur les voitures d’ici à la fin de l’année, ce qui fait une ristourne pour tout le monde, petite ou grosse voiture, faibles ou hauts revenus.
Absurdité encore, dernièrement, le ministère du Travail a quasiment appelé à la délation les salariés qui considéreraient qu’ils ont trop travaillé alors qu’ils étaient en chômage partiel. Une incitation qui en dit long sur la confiance qui règne entre l’administration et les entreprises. Pourquoi, dans ces conditions, le même État est-il si aimable et si souple avec les agents publics qui ne veulent pas reprendre le travail tout en étant payés, qu’ils soient agents de l’État ou des collectivités ?
Quant au nouveau dispositif baptisé « Activité réduite pour le maintien de l’emploi », sorte de chômage partiel de longue durée pour les secteurs touchés durablement, il doit permettre de réduire le temps de travail avec une prise en charge des heures non travaillées (partielle ou totale, c’est encore à trancher) par l’État et l’Unedic. Mais la participation financière de l’État serait subordonnée à la signature d’un accord pour le maintien de l’emploi avec les syndicats. À défaut d’accord, un plan d’« activité réduite pour le maintien de l’emploi » pourra être mis en place par l’employeur mais sera contrôlé par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte). Encore des contraintes de plus alors que nombre d’entreprises tricolores sont au plus mal après l’arrêt forcé qu’elles ont subi plus fortement que leurs concurrentes européennes sous la pression de l’État, des préfets et des syndicats.
Les Allemands, eux, n’ont d’ailleurs rien eu à modifier s’agissant de la réglementation sur le chômage partiel. Outre-Rhin, les entreprises allemandes « en crise » peuvent toujours demander le chômage partiel jusqu’à 12 mois. L’État fédéral prend en charge jusqu’à 67% de la perte du salaire avec un pourcentage qui augmente dans le temps.
Dans un autre domaine, le transport aérien, le gouvernement met une telle pression écologique sur Air France pour réduire de 40% ses vols en métropole d’ici à 2021 que des lignes sont menacées de disparaître. Adieu la liaison Paris-Bordeaux ? Cela n’a pas de sens quand on voit l’importance de cette liaison pour l’aéroport de Mérignac, mais aussi pour l’industrie aéronautique et de défense. Les passagers des vols Paris-Pau et Paris-Brive ont eux aussi du souci à se faire…
Dernier exemple de voyage en Absurdie française : les mesures d’aides visant l’apprentissage ne pourront être utilisées dans les entreprises de plus de 250 salariés que si elles accueillent un quota de 5% d’alternants. Or cela reviendrait à embaucher plus de 200.000 alternants supplémentaires en 2021, ce qui est impossible dans le temps imparti. Ainsi, alors que 2019 était une année record en termes d’augmentation, ils n’avaient crû que de 50.000 (+16%) pour un total de 491.000 apprentis.
Résumons. L’État vous ordonne de stopper votre activité économique en urgence en raison de son imprévoyance face au Covid-19. Puis, certes, il vous aide, mais il y a loin de la coupe aux lèvres : derrière les chiffres impressionnants annoncés, il y a, pour chaque entrepreneur, des conditions rigides, des contrôles tatillons, des freins d’ordre idéologique. Est-ce ainsi qu’on espère sauver l’économie française ?