Elections professionnelles 2011 à la SNCF
La semaine dernière se sont tenues les élections professionnelles à la SNCF. Ces élections qui pourvoient au renouvellement des élus du personnel dans les comités d'établissement avaient également valeur de test pour évaluer les forces syndicales en présence.
En 2011, le résultat de ce scrutin marqué par une participation de 75% donne CGT 37% en recul de 2 points par rapport au dernier suffrage de 2009, UNSA 21% en progression de 3 points, SUD-Rail quasi stable à 17%, CFDT à plus de 13% en progression de 2 points. Depuis la loi sur la représentativité syndicale de 2008, les autres syndicats n'ayant pas obtenu plus de 10% ne seront pas considérés comme représentatifs (nationalement du moins, car ils peuvent avoir fait des scores plus élevés dans des comités locaux). Notons au passage que le rythme des élections – tous les deux ans – renforce la surenchère syndicale qui s'exprime particulièrement à la SNCF à travers la gréviculture.
Ces résultats ont partout été salués comme la poussée des syndicats réformistes au détriment des syndicats les plus radicaux. Même si la CGT conserve une forte avance dans un de ses bastions traditionnels, l'UNSA et la CFDT font à deux plus de 30% et la talonnent. Ce seuil de 30% est également important puisque la signature de ces seuls syndicats suffira pour signer des accords qui s'imposeront aux salariés de l'entreprise.
Ces élections professionnelles sont importantes à plus d'un titre :
D'abord, la co-gestion avec les syndicats dans cette entreprise publique est tellement établie qu'elle a permis depuis de nombreuses années de faire reculer de nombreuses réformes (réforme du fret sur la base du volontariat par exemple en 2008). La poussée de syndicats réformistes doit conduire à s'interroger sur la préoccupation des cheminots. Selon l'UNSA, « les cheminots eux-mêmes en ont marre des grèves à répétition » et veulent développer une vraie culture de négociation. Ce dont la direction s'est officiellement réjouie.
Le déclencheur a semble-t-il été les grèves lancées en avril 2010 par la CGT sur des motifs flous de défense de l'emploi et de sauvetage du fret qui devaient surtout servir à conforter l'image radicale de la CGT au sein de l'entreprise face à la montée de SUD. Sauf que ce mouvement, long de quinze jours, a été un échec selon tous les observateurs et un revers pour le responsable Didier Lereste qui souhaitait partir en retraite sur un coup d'éclat.
La montée en puissance de syndicats réformistes est une bonne nouvelle au moment où l'entreprise publique doit faire face à de nombreux chantiers sociaux : l'ouverture à la concurrence dans le fret, dans le transport international de voyageurs, bientôt dans le transport régional de voyageurs – avant, pourquoi pas, une libéralisation totale à compter de 2012 – est un vrai défi pour les cheminots. Reste que la direction doit se saisir de cette opportunité pour transformer l'entreprise en un opérateur parmi les plus performants en Europe. La SNCF en a les moyens, au moins dans le transport de voyageurs, mais sa direction doit plus que jamais être à la hauteur de cette ambition et montrer sa volonté réformiste. On peut s'interroger lorsqu'on entend les positions défensives de Guillaume Pépy, président de la SNCF, qui, tout en se déclarant favorable à l'ouverture à la concurrence, déplorait encore récemment le développement de la concurrence « basé sur le dumping social » ou remettait en cause la réforme de séparation entre infrastructure ferroviaire et exploitation en déclarant « notre système RFF-SNCF n'a pas d'avenir ».